La réforme du système électoral ne serait pas sans conséquence économique

Une illustration dans le rapport Electoral Rules and Fiscal Policy Outcomes de l'Institut Fraser.
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Publié 28/07/2016 par François Bergeron

Le remplacement de notre système électoral actuel par un système de représentation proportionnelle favoriserait des gouvernements de coalition généralement plus dépensiers.

On s’en doutait, mais quatre analystes de l’Institut Fraser, à Vancouver, l’ont confirmé dans l’étude Electoral Rules and Fiscal Policy Outcomes, diffusée ce jeudi 28 juillet. «Changer la façon dont on élit nos politiciens va changer plus que seulement la façon dont on élit nos politiciens», soulignent-ils.

Le Parti vert et le NPD ont toujours prôné le remplacement de l’actuelle élection, dans chaque circonscription, du candidat qui obtient une pluralité de suffrages («first past the post»), par une proportionnelle qui accorderait aux partis politiques le même pourcentage de sièges au Parlement que celui du vote qu’ils ont obtenu à l’échelle nationale.

Le premier ministre libéral Justin Trudeau a promis que l’élection du 19 octobre 2015 serait la dernière menée selon les règles traditionnelles, d’inspiration britannique. Il a chargé la ministre des Institutions démocratiques, Maryam Monsef, de concrétiser cette promesse.

La ministre fédérale des Institutions démocratiques, Maryam Monsef.
La ministre fédérale des Institutions démocratiques, Maryam Monsef.

Cette démarche avance toutefois très lentement en comité parlementaire, dont la composition elle-même a fait l’objet de vifs débats, au point où on commence à douter qu’Élections Canada serait en mesure de gérer un nouveau système dès le prochain scrutin en 2020.

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Par ailleurs, les Conservateurs réclament un référendum sur tout projet de réforme du système électoral, une idée qui ne semble pas plaire aux Libéraux.

Proportionnel ou préférentiel?

Au dernier scrutin, les candidats libéraux ont récolté 39,5% des suffrages des Canadiens, élisant 184 députés au Parlement, contre 99 Conservateurs (31,9% du vote), 44 Néo-Démocrates (19,7%), 10 Bloquistes (19,3% au Québec mais 4,7% à l’échelle du pays), 1 Verte (3,5%).

La proportionnelle pure aurait donc produit un gouvernement libéral minoritaire ayant besoin du soutien du NPD.

Par contre, un système «préférentiel» à choix multiples hiérarchisés – où un député n’est élu que lorsque ses votes et les deuxièmes choix des autres électeurs en sa faveur constituent une majorité – aurait produit un gouvernement libéral encore plus fort, le Parti libéral étant souvent le second choix des électeurs conservateurs et des néo-démocrates.

C’est ce système – déjà utilisé par plusieurs partis politiques pour la sélection de leur chef – qui serait éventuellement proposé par le gouvernement. Le gouvernement libéral de l’Ontario compte d’ailleurs autoriser les municipalités qui le souhaitent – comme Toronto – à utiliser le scrutin préférentiel dès 2018.

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Échange de faveurs coûteux

Quoi qu’il advienne, c’est la perspective que des gouvernements minoritaires ou de coalition deviennent la norme qui inquiète l’Institut Fraser. «Cela pourrait mener à une augmentation des dépenses publiques et des déficits», indique son vice-président Jason Clemens, l’un des auteurs de cette étude sur les récentes élections dans une trentaine de pays.

La proportionnelle permet souvent à un plus grand nombre de partis d’entrer au parlement. Cette multiplication des partis fait qu’il devient très difficile à un seul d’entre eux d’y décrocher une majorité de sièges. Et la nature conflictuelle de partis aux intérêts plus spécialisés retarde ou empêche le consensus sur les décisions importantes.

Entre 2000 et 2015, 83% des élections dans les pays industrialisés privilégiant la proportionnelle ont produit des gouvernements de coalition. C’était le cas dans seulement 15% des pays possédant un système électoral similaire à celui du Canada.

C’est surtout «l’échange de faveurs» imposé par les petits partis d’opposition aux grands partis au pouvoir qui résulte, selon l’Institut Fraser, en une augmentation des dépenses publiques et des déficits. Ces dépenses représentaient 29.2% du PIB dans les régimes proportionnels contre 23.5% dans les pays où une pluralité est suffisante.

«Au moment où les dépenses et les déficits sont déjà en hausse au Canada, les conséquences fiscales de la réforme électorale ne doivent pas être prises à la légère», indique l’Institut Fraser.

Le nombre de partis participant aux élections dans plusieurs pays, selon le rapport Electoral Rules and Fiscal Policy Outcomes de l'Institut Fraser.
Le nombre de partis participant aux élections dans plusieurs pays, selon le rapport Electoral Rules and Fiscal Policy Outcomes de l’Institut Fraser.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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