En 1997, Vittorio Frigerio publiait un premier roman intitulé La Dernière ligne droite (Éditions du Gref). Il récidive en 2005 avec Naufragé en terre ferme (Prise de parole). Il s’agit d’une histoire dont l’action se déroule à Toronto et dont les personnages sont brillamment campés. Il s’agit surtout d’une intrigue alimentée par une solide réflexion sur la vie, racontée avec une rare maîtrise littéraire.
Il n’y a pas de doute que Vittorio Frigerio excelle dans l’art de décrire l’agir humain. Il fait preuve de précision et de concision. Pourtant, le non-dit et le sous-entendu reçoivent la part du lion dans ce roman. Tout est nuancé, sans jamais devenir flou.
Les personnages Gene Audria (journaliste) et Ned Glass (traducteur) sont comme don Quichotte et Sancho Pança, comme Laurel et Hardy, comme Abbott et Costello. Ils se complètent à qui mieux mieux: «ils se créent réciproquement (…) ils exagèrent irrésistiblement leurs particularités respectives.» C’est Gene qui fait démarrer l’action en amenant son ami Ned à Queen’s Quay et en lui présentant Joey Mazzola, un guide-pirate qui promène les touristes sur le lac Ontario.
On apprend que Joey a sauvé la vie à un jeune homme ayant mystérieusement échoué dans les eaux du lac. Gene a raconté l’exploit dans un article, en précisant que le rescapé est maintenant amnésique et muet.
Le journaliste veut que Ned l’aide à identifier ce naufragé d’eau douce. Or Ned demeure rien de moins qu’un naufragé en terre ferme, un être blessé, un veuf peu sûr de son identité réelle profonde. Est-il vraiment «capable d’accrocher un nom au cou de quel-qu’un qui ne pouvait guère être beaucoup plus confus que lui…»? Le rescapé n’a pas de nom. Aux yeux de Ned, il est «le pilote» puisqu’il portait un bomber jacket au moment du sauvetage.