La poutine devrait-elle devenir le mets national du Canada?

Le festival ambulant Poutine Feast fait circuler une pétition afin que le plat né au Québec devienne le mets national du Canada.
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Publié 25/07/2020 par Julien Cayouette

Le festival Poutine Feast veut utiliser la poutine pour «unir notre pays». Le site Web du festival ambulant présente une pétition afin que le plat né au Québec devienne le mets national du Canada. La pandémie a cependant mis des bâtons dans les roues de la promotion de l’idée.

Brian Presley, responsable marketing du Poutine Feast, espérait profiter de l’été 2020 pour faire valoir cette idée dans les communautés visitées par le festival – dont Espanola, North Bay, Parry Sound et Sault-Ste-Marie dans le Nord. Par conséquent, la pétition ne compte pour le moment que 94 signatures.

Sensibiliser les Canadiens

La pandémie a forcé l’entrepreneur à réévaluer ses plans pour l’année prochaine. Il aimerait néanmoins sensibiliser les Canadiens au sujet de l’initiative. Il entend recueillir d’autres signatures lorsque les grands rassemblements seront à nouveau permis.

«Une pétition, c’est l’une des meilleures façons de démontrer aux élus l’appui des gens pour cette initiative. J’ai communiqué avec chaque député pour les renseigner sur nos démarches et je vais faire un suivi avec eux dès que nous serons autorisés de reprendre notre tournée», indique M. Presley.

«La poutine est un plat uniquement canadien qui apporte des sourires sur les visages des gens. La poutine rassemble les gens et nous avons plus d’une cinquantaine de variétés. Malgré qu’elle ait été inventée [au Québec], des gens d’un bout à l’autre du pays aiment ce plat réconfortant et unique. Alors, pourquoi ne pas rendre la poutine mets officiel du Canada?»

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Bonne idée selon les cantines

L’idée de M. Presley a généré un certain intérêt chez quelques restaurateurs de la région du Nipissing.

«Chez nous, on appuie que la poutine soit reconnue en tant que mets national du Canada», répondent les propriétaires du Riv Chip Stand de Sturgeon Falls, Bruno et Kate Lepage.

«Nos poutines sont faites avec des produits locaux. La poutine est un mets unique au Canada où on peut y trouver des influences régionales. C’est un mets qui permet d’en offrir plusieurs versions créatives. La poutine est l’un des mets les plus populaires chez nous.»

Le festival Poutine Feast veut utiliser la poutine pour «unir notre pays». Photo: Francisca Alvarez, Unsplash

Comme le hockey

Le copropriétaire du restaurant Burger World de North Bay est plutôt d’accord. «La poutine est quelque chose que le monde connaît. On mange ben de la poutine au Canada! C’est comme le sport national, le hockey: tout le monde le sait déjà! C’est non négociable. La poutine et les queues de castor», ajoute-t-il.

«On vend beaucoup de poutine au restaurant. Je te gage qu’on passe à travers [beaucoup] de fromage. La plupart des gens qui vont commander un sandwich roulé ou un hamburger, 65 % à 70 % commandent aussi une poutine au lieu d’une frite. Parfois même, il y a des gens qui vont commander leur déjeuner avec une poutine», poursuit-il.

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Appropriation culturelle?

Cette idée soulève tout de même une question identitaire.

Dans un article intitulé Poutine Dynamics (en anglais seulement), publié en décembre 2016 dans la revue Cuizine, le chercheur québécois de l’Université du Vermont Nicolas Fabien-Ouellet défend l’idée que les Canadiens se sont approprié la poutine sans lui reconnaître son origine québécoise.

Dans son introduction, M. Fabien-Ouellet rappelle qu’il n’y a pas si longtemps, les anglophones utilisaient la poutine pour ridiculiser les Québécois et leur culture alimentaire. On peut aussi voir les Québécois et les francophones comme un peuple minoritaire contrôlé par les Anglo-Canadiens, soutient-il.

«La théorie de l’identité sociale est ensuite introduite afin de révéler comment la jeunesse québécoise s’est réapproprié la poutine d’une manière positive et affirmative, opérant ainsi un “revirement de l’injure” (comme cela s’est vu avec les termes “black”, “queer” ou “geek”) au niveau de son identité culinaire», écrit Nicolas Fabien-Ouellet.

Il croit que la présentation de la poutine comme un plat canadien et non québécois expose «les processus d’appropriation culinaire et de menace d’absorption de la culture québécoise au profit de celle canadienne».

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À l’époque où son texte a fait le tour des médias, on a entendu l’argument selon lequel «les Québécois sont des Canadiens». Alors que les critiques au sujet de l’appropriation culturelle se sont multipliées au cours des dernières années, il serait peut-être temps de reposer sérieusement la question.

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