La plume suave de Marie-Christine Arbour

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Publié 03/05/2011 par Paul-François Sylvestre

Je viens de découvrir la romancière Marie-Christine Arbour, qui a récemment publié Drag. Il s’agit de son troisième roman, qui s’ajoute à Deux et Deux (Planète Rebelle, 2000) et Une mère (Pleine Lune, 2008). Drag raconte une histoire d’amour simple entre deux êtres un peu compliqués. La plume d’Arbour est tout simplement suave.

Comme la drague se fait le plus souvent entre deux personnes, Drag ne met en scène que deux personnages: Claire (35 ans) et Nicolaï (69 ans).

Au début du roman, les apparences sont trompeuses. Claire déteste la féminité, revêt des costumes d’homme et porte les cheveux courts. Nicolaï, lui, revêt une robe noire de matrone et porte les cheveux longs. L’une et l’autre habitent dans le même immeuble, à Montréal.

Claire décide d’entrer en contact avec sa «voisine», qu’elle nomme Babouchka, en lui laissant des messages sur le balcon.

D’un message à l’autre, les deux êtres marginaux finissent par se rencontrer, se plaire et se marier. Tout cela en l’espace de quelques semaines.

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«Au fond quand on aime on devient étranger à soi-même. On veut revêtir la peau de l’autre. Certes, quand le corps devient passoire, rien ne peut l’envelopper outre le bonheur.»

J’ai mentionné que Claire et Nicolaï étaient des êtres compliqués. Avant d’arriver au Canada, Nicolaï était musicien en Russie et flirtait les garçons. C’est dans des toilettes publiques ou dans des fonds de ruelles qu’il a connu Igor et Andrei.

«Au lieu d’échanger des poignées de main, on s’emparait du sexe de l’autre. Ce n’était pas désagréable, mais fou.»

À 69 ans, Nicolaï assume totalement sa marginalité. Avant de rencontrer Claire, il était mouvement. Et avant de rencontre Nicolaï, Claire était absence. Ensemble, ils sont rédemption. «Le pinacle de la spiritualité n’est-il pas d’ouvrir les jambes?» L’intérêt de ce roman réside principalement dans le style remarquable de l’auteure qui manie la phrase courte et l’aphorisme avec une dextérité inimitable. En voici deux exemples: «Seule la vérité est mensongère.» «Les hypocrites n’ont qu’un œil et deux regards.» À n’en point douter, Marie-Christine Arbour excelle dans l’art des phrases lapidaires. Jugez par vous-mêmes: «Savoir damne; mais ignorer tue.»

Lorsque le roman Une mère est paru, le journal Voir l’a qualifié de «petit chef-d’œuvre de subtilité et de finesse».

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Il en va de même pour Drag. L’auteure nous offre tantôt de savoureux jeux de mots – «Si j’ai tout à l’endroit, je suis tout à l’envers.» – tantôt de suaves réflexions: «Avec l’argent, on triomphe; mais dans la pauvreté, on devient philosophe.»

Drag risque fort de figurer parmi mes coups de cœur de 2011.

Marie-Christine Arbour, Drag, roman, Montréal, Éditions Triptyque, 2011, 192 pages, 20 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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