La monnaie défigurée: porteuse de revendications

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Le slogan «Le vote pour les femmes» gravé sur un sou britannique de 1897. Photo: The Fitzwilliam Museum, Cambridge
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Publié 24/09/2024 par Dominique Guillaumant

Le hasard fait parfois bien les choses! Cette exposition sur la monnaie ne devait pas être le but de ma visite, mais un détour par les toilettes du premier étage du Musée des beaux-arts de l’Ontario (AGO) m’a amenée à traverser une salle qui allait retenir mon attention et me ramener sur mes pas.

Intitulée Defaced! Money, Conflict, Protest (Défiguré! Argent, Conflit, Protestation), cette exposition est organisée par le musée torontois en partenariat avec le Fitzwilliam Museum de Cambridge au Royaume-Uni.

Elle explore comment des artistes, des militants, mais aussi des gens ordinaires, ont utilisé les billets de banque et les pièces de monnaie pour contester l’autorité, protester contre des situations ou changements imposés ou encore revendiquer des droits.

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Au Musée des beaux-arts de l’Ontario: Art Gallery of Ontario (AGO). Photo: archives l-express.ca

Hautement symboliques, ces représentations officielles de l’État sont aussi facilement accessibles. On a tous un peu d’argent dans nos poches et on l’échange régulièrement dans nos activités quotidiennes.

L’exposition parcourt 250 ans d’histoire durant lesquels ces objets ont été égratignés, gravés, surimprimés, imités numériquement, etc., pour passer des messages.

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Changement de système monétaire

Parmi les nombreux exemples présentés, notons la protestation en 1971 au Royaume-Uni à l’occasion de la décimalisation de la livre sterling, qui a entraîné l’élimination du shilling et du pence.

Ce changement, loin d’être accepté par tous, a suscité des manifestations et des démonstrations de colère, alors que les citoyens écrivaient «worthless» (sans valeur) ou «dud» sur leurs pièces de monnaie.

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Un billet de 20 dollars américains étampé de l’image de la militante noire Harriet Tubman. Photo: The Fitzwilliam Museum, Cambridge

Les femmes et leur grande absence

On y apprend aussi qu’à l’échelle mondiale, les femmes ne sont représentées que sur 15% des billets de banque. Quelques artistes ont donc décidé d’y remédier en faisant plusieurs propositions.

L’artiste Lady Muck a ainsi modifié un billet commémoratif cubain de trois pesos dédié à Che Guevara pour honorer, à la place, Aleida March, sa seconde épouse. Figure importante de la révolution cubaine (1953-1957), plus ou moins dans l’ombre du Che, Aleida March était aussi une mère, qui a élevé seule leurs quatre enfants après le départ de son mari pour le Congo en 1965, puis sa mort en 1967.

Plus récemment, l’artiste Paula Stevens-Hoare a créé sa série, imprimée sur du vrai papier à billets et intitulée Femmes remarquables. Elle y célèbre la contribution de femmes oubliées ou négligées par l’histoire, comme Rosalind Franklin (1920-1958) une scientifique anglaise dont les recherches ont été essentielles à la découverte et compréhension de l’ADN.

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Le billet cubain mettant en vedette Aleida March. Photo: Dominique Guillaumant, l-express.ca

Petite monnaie

Les sous et pennies ont l’avantage de coûter plus à produire que leurs valeurs nominales. Donc, leur altération coûte peu à ceux qui s’y adonnent, comme ces pièces de l’époque de Napoléon III dont on a découpé la face de l’empereur comme pour l’effacer. Une façon bien moins dangereuse et violente d’éliminer quelqu’un.

De l’autre côté de la Manche, des pièces de monnaie anglaises ont servi à militer pour le droit de vote des femmes comme ce penny de 1897, sur lequel on a gravé VOTES FOR WOMEN vers 1913 ou 1914.

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Des sous avec Napoléon III découpé. Photo: Dominique Guillaumant, l-express.ca

La réélection de John Diefenbaker en 1962

Le Canada a aussi connu son moment de protestation quand les Libéraux, blâmant le gouvernement Diefenbaker pour les difficultés économiques, ont distribué des Diefendollars représentant la perte de valeur du dollar canadien face au dollar américain, passant de 95 cents à 92,5 cents américains. Si John Diefenbaker a été réélu, il a cependant perdu sa majorité.

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Le Diefendollar. Photo: Dominique Guillaumant, l-express.ca

Écarts de richesse et militantisme

Les écarts de richesse, même dans le pays le plus riche, ont été plus d’une fois dénoncés, comme sur ce billet d’un dollar sur lequel on a surimprimé en rouge que les 400 Américains les plus riches ont plus d’argent que les 150 000 000 Américains les plus pauvres.

Une autre section de l’exposition concerne Thomas Spence (1750-1814), un marchand de livres anglais qui prônait de vastes réformes appelées Spence’s Claims. Afin de faire avancer ses idées sur la redistribution des terres, la protection des enfants ou encore le droit de vote, il produisait des billets et des pièces de monnaie utilisées comme jetons. Il a été emprisonné à plusieurs reprises à cause de ses idées progressistes.

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400 vs 150 000 000. Photo: Dominique Guillaumant, l-express.ca

Caricature et bande dessinée

La caricature et la bande dessinée sont aussi des moyens de dénoncer que l’argent mène le monde avec le Dollar Baby imprimé sur un billet de 10 000 lires italiennes.

Enfin, avec un personnage aussi haut en couleurs que Donald Trump, il ne faut pas s’étonner qu’un artiste ait décidé de commenter sa politique pour construire un mur entre les États-Unis et le Mexique en l’apposant sur un billet.

Ce ne sont là que quelques exemples des dizaines d’artefacts et de causes présentés dans les salles 141 et 142 du musée. Même si l’exposition, qui est là jusqu’au 1er décembre 2024, n’est qu’une fraction de celle présentée au Fitzwilliam Museum de Cambridge en 2022, elle vaut quand même grandement le détour.

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