Jusqu’à tout récemment, l’homme occupait une position de force dans la société québécoise. Cette dernière a été longuement marquée par la religion catholique, donc par la place de choix réservée aux hommes d’Église: missionnaires, prêtres colonisateurs, curés, frères enseignants, évêques, cardinaux. Cette «superstructure masculine » se reflète naturellement dans la fiction québécoise. C’est ce que Victor-Laurent Tremblay analyse dans un essai intitulé Être ou ne pas être un homme: la masculinité dans le roman québécois.
Dans un premier temps, l’auteur présente de manière théorique la genèse et l’évolution de cette superstructure masculine, qui façonne l’espace public et structure la culture, tout en déterminant l’identité sexuelle. Il s’attarde par la suite à la représentation de cette masculinité dans le roman québécois à partir de quelques thématiques inhérentes au phallocentrisme social: le patriotisme, la guerre, le sport, le nationalisme et les relations père-fils.
Cette démarche repose sur une recherche minutieuse et exhaustive. La bibliographie renferme pas moins de 184 œuvres littéraires analysées ou citées, ainsi que 405 travaux critiques consultés. Le ton est parfois académique, ce qui ne surprend pas puisque Victor-Laurent Tremblay est professeur émérite de l’Université Wilfrid-Laurier.
La thématique de la masculinité étant assez diverse, je me suis limité à quelques exemples seulement pour illustrer sa présence, voire omniprésence, dans le roman québécois. Il y a d’abord le roman du terroir où la glorification physique fait de l’homme un héros capable de lutter contre les éléments de la nature et de se mesurer aux arbres de la forêt. Cela est manifeste dans Maria Chapdelaine (1916) de Louis Hémon.
Félix-Antoine Savard, lui, figure parmi les écrivains qui proposent une alternative à l’idéal de la terre. Dans Menaud maître-draveur (1937) il investit son protagoniste d’une quête nationaliste, l’agriculture cédant sa place au territoire, «au pays dont on se voit spolié par les étrangers».