La Loi 62: la pointe de l’iceberg d’un profond malaise social

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Publié 22/10/2017 par Annik Chalifour

Justin Trudeau a affirmé lors d’un bref point de presse, le 20 octobre à Alma, que son gouvernement allait «prendre ses responsabilités», étudier «attentivement» la loi 62 (loi québécoise sur la neutralité religieuse de l’État) et «défendre les Canadiens».

M. Trudeau, qu’entendez-vous exactement par «défendre les Canadiens»?

En invoquant la Charte canadienne des droits – pour contrer la loi 62 – vous prétendriez défendre les valeurs culturelles de l’ensemble des Canadiens, mais aussi les valeurs d’une majorité (le Canada anglais, incluant les Musulmans) au détriment des valeurs d’une minorité (le Québec).

Ainsi votre «défense des droits des Canadiens» pourrait être interprétée comme un acte discriminatoire à l’égard des droits et libertés des Québécois.

Par l’adoption de la loi 62, les Québécois ont clairement exprimé leur volonté selon leurs propres valeurs au sein de notre démocratie. Contester la loi 62 ne viendrait-il pas à l’encontre de la protection des libertés des citoyens québécois ayant le droit de faire adopter une loi via leur Parlement, selon leurs valeurs, applicable exclusivement à l’intérieur de leur propre territoire provincial?

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L’égalité des droits

Cette situation illustre, une fois de plus, les profonds malaises culturels entre le Canada anglais et le Québec. La loi 62 marque nos différences en matière de gestion de la communication, de l’identité, et de la sécurité. Elle souligne aussi un dilemme face à l’égalité de nos droits.

Le droit à la liberté religieuse aurait-il préséance sur le droit à la pleine participation à la vie citoyenne au Canada? Si le premier contribue à isolement et à la discrimination d’une partie de la population, ne devrait-on pas légiférer dans le sens de la justice sociale?

Certains invoqueront la récente motion fédérale pour contrer l’islamophobie. Reste à en suivre les retombées qui apparaissent encore bien nébuleuses…

Puisque le gouvernement Trudeau accepte le port du voile intégral dans toutes les sphères de notre vie publique, il doit faire ses devoirs – ou est-ce déjà fait? – pour découvrir la réalité des Canadiennes voilées à travers le pays afin de légiférer de façon pertinente.

Par ailleurs, admettant que ces deux droits soient égaux, de quels moyens disposons-nous afin d’assurer leur égalité au sein de notre société? D’une part les Musulmanes auraient le droit de porter le voile intégral, alors que d’autre part les Québécois n’auraient pas le droit de revendiquer leurs valeurs culturelles au sein de leur propre territoire…

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Démarginaliser le voile

Ce même vendredi 20 octobre, la présidente de la Commission canadienne des droits de la personne, Marie-Claude Landry, s’est dite «extrêmement préoccupée» par la loi, qui cible d’après elle des personnes qui souffrent déjà de discrimination. «Les lois doivent servir à éliminer la discrimination et non à la favoriser», a-t-elle déclaré dans un communiqué de presse.

Mme Landry, que faisons-nous pour démarginaliser les Canadiennes portant le voile intégral, pour faciliter leur inclusion sociale? Nos employeurs sont-ils prêts à les embaucher? Nos professionnels de la santé sont-ils aptes à prodiguer les soins médicaux aux dames voilées (voile intégral) selon les valeurs culturelles de celles-ci? Nos éducateurs sont-ils outillés pour contrer l’intimidation envers les filles voilées (voile intégral) dans nos écoles et institutions?

Les réponses à ces questions sont déterminantes pour cerner l’avenir démographique, économique et politique du pays. Si le Canada anglais est d’accord avec le port du voile intégral dans notre société, il doit aussi garantir aux Canadiennes voilées leur pleine inclusion et participation à notre vie citoyenne, et ce, en toute sécurité.

Pour conclure, citons un petit exemple dans la vie de tous les jours. Les dames vêtues du niqab (et de la burka, ce n’est qu’une question de temps…) devraient-elles, pour leur propre sécurité, et celles des autres, conduire sur nos autoroutes?

Il nous semble que le port d’un vêtement pour des motifs religieux ou autres, ne devrait pas devenir un obstacle à la sécurité dans notre société, ni à participer pleinement à notre mode de vie en démocratie occidentale.

Auteur

  • Annik Chalifour

    Chroniqueuse et journaliste à l-express.ca depuis 2008. Plusieurs reportages réalisés en Haïti sur le tourisme solidaire en appui à l’économie locale durable. Plus de 20 ans d'œuvre humanitaire. Formation de juriste.

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