La limite entre culpabilité et innocence peut-elle être floue ?

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Publié 22/09/2009 par Paul-François Sylvestre

Phyllis Dorothy James, qui signe P.D. James, a inventé une dix-septième enquête policière en campant des personnages dans un cadre pittoresque et en les plongeant dans une intrigue qui les ramène constamment à leur passé douteux. La psychologie occupe une place de choix dans Une mort esthétique, tout comme les réflexions sur la structure sociale britannique, la nature humaine et, surtout, la limite floue entre culpabilité et innocence.

Quand la célèbre journaliste d’investigation Rhoda Gradwyn est admise dans la clinique privée du docteur Chandler-Powell pour faire disparaître une cicatrice qui la défigure depuis l’enfance, elle a en perspective une opération réalisée par un chirurgien reconnu, une paisible semaine de convalescence dans l’un des plus beaux manoirs du Dorset et le début d’une nouvelle vie. Pourtant, malgré le succès de l’intervention, elle ne quittera pas Cheverell Manor vivante. Le commandant Dalgliesh et son équipe, appelés pour enquêter sur ce qui se révèle être un meurtre suivi d’une deuxième mort suspecte, se trouvent confrontés à des problèmes qui les conduiront bien au-delà de la simple recherche des coupables.

Comme c’est souvent le cas, la mort attire des spectateurs innocents. Captivés par un homicide, ces êtres sont obnubilés par le lieu du crime et dévorés par une fascination incrédule. «Les ragots et les rumeurs ne se nourrissent pas de vérité.»

Dès la première page, on sait qu’une femme va mourir mais le meurtre n’a lieu qu’à la page 120. Ce roman de 456 pages est découpé en 56 chapitres assez courts. La narration, elle, n’est pas succincte, loin de là.

Les détails inutiles abondent, les descriptions fastidieuses sont courantes et les détours languissants pullulent. À titre d’exemple, la romancière prend trois pages pour décrire une pièce lambrissée de chêne, une bibliothèque élégamment sculptée et un petit balcon en fer forgé. À la longue, on s’ennuie.

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Rhoda Gradwyn est-elle morte à cause de ce qu’elle était? Cette journaliste a certainement causé quelques dégâts au cours de sa carrière. Aux yeux de certain, elle représentait l’archétype du journaliste d’investigation: «faire du sensationnel et encaisser l’argent sans se soucier du mal qu’on peut faire». De plus, cette femme avait des placements considérables. Qui allait en profiter…?

Le roman démontre tout le poids que le passé peut exercer sur les destinées d’un individu. Il illustre aussi le rôle fatal que peuvent jouer certains médias. Ces thèmes sont intéressants et sont largement développés dans Une mort esthétique. L’auteure aurait cependant eu avantage à resserrer son analyse, à se laisser moins distraire par le cadre de l’action.

Née en 1920, Phyllis Dorothy James a déjà travaillé à la section criminelle du Home Office avant de se consacrer entièrement à l’écriture. Selon les Éditions Fayard, la romancière britannique sait mélanger «understatement britannique et sadisme, analyse sociale et humour». Ses romans lui ont valu d’être sacrée «nouvelle reine du crime».

P.D. James, Une mort esthétique, roman traduit de l’anglais par Odile Demange, Paris, Éditions Fayard, 2009, 456 pages, 36,95 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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