La langue française nous fait joliment jongler

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Publié 24/01/2012 par Paul-François Sylvestre

Les mots français sont-ils le plus souvent dérivés de mots latins? Le français a-t-il emprunté une kyrielle de mots à des langues étrangères? Comment les mots nouveaux sont-ils fabriqués? Voilà quelques questions auxquelles Gaétan St-Pierre tente de répondre dans Histoires de mots solites et insolites.

Le vocabulaire est la composante de la langue la plus mobile, la plus changeante, la plus malléable. Des mots meurent, d’autres naissent, d’autres subissent des changements phonétiques, des changements de forme, et la plupart connaissent des changements de sens.

À titre d’exemple, le mot pédale a connu une évolution de sens. Cet emprunt à l’italien pédale est issu du latin pedalis (relatif au pied). À l’origine, pédale désigne le levier d’un instrument de musique (pédale d’orgue). À la fin du XVIIIe siècle, il s’applique également à «pédale d’un tour de potier» ou «pédale d’une machine à coudre», puis aux pédales d’une bicyclette à la fin du XIXe siècle.

Les dérives ne manquent pas. Le verbe pédaler s’impose, puis pédaleur et pédalier. Le mot pédale se trouve aussi dans plusieurs locutions familières: pédale douce, perdre les pédales, pédaler dans la semoule (se démener en vain). Et il y a, bien entendu «être de la pédale» qui signifie être homosexuel.

Les emprunts à d’autres langues sont nombreux. Le russe nous a donné béluga, mammouth et mazout. La pâtisserie et la danse ont emprunté baba, meringue, mazurka et polka au polonais. Les mots goulache et paprika sont hongrois. Le japonais nous a donné geisha, haïku, soya et tofu.

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De l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, nous avons emprunté kangourou, koala et kiwi. Le Tibet nous a offert lama, yéti et zébu.

Certains mots ont développé au cours du XXe siècle des nouveaux sens. C’est le cas de profil qui a d’abord été emprunté à l’italien (profilo). À l’origine il a le sens de contour (vue de profil) et le verbe profiler (début XVIIe siècle) a ce sens. Il faut attendre le XXe siècle pour que le mot profil s’applique aux aptitudes d’un candidat (profil d’un chef). De là découle l’expression «profil bas».

Au XXe siècle, le terme profilage s’impose en criminologie, le profileur étant une personne influencée par des considérations ethniques (profilage racial).

Le dernier chapitre de cet ouvrage est consacré aux mots rapaillés du français québécois. On y trouve des archaïsmes et dialectismes comme bardasser, courailler, menterie, placoter, tapocher et zigonner.

Les langues amérindiennes canadiennes nous ont donné des mots comme atoca et caribou. Le verbe écarter a connu, au Québec, un glissement de sens, soit celui de «mettre à l’écart» à celui de «perdre, égarer»: écarter un livre.

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La langue française au Canada a évidemment subi de nombreux emprunts à l’anglais; deux exemples courants sont bécosse (back-house) et coquerelle (cockroach). Mais il n’y a pas de quoi se fermer la trappe!

Histoires de mots solites et insolites est un ouvrage qui nous convie à une sorte de voyage dans le monde des mots familiers ou recherchés, voyous ou bien élevés, très vieux ou nouveaux, héréditaires ou immigrés, sérieux ou simplement ludiques. Dans un cas comme dans l’autre, force est d’admettre que la langue nous fait joliment jongler.

Gaétan St-Pierre, Histoires de mots solites et insolites, essai, Sillery, Éditions du Septentrion, 2011, 334 pages, 29,95 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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