La juge Karakatsanis fait honneur au bilinguisme

Avec humilité et professionnalisme

Autour du juge en chef Richard Wagner, les membres de la Cour suprême du Canada.
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Publié 23/01/2021 par Gérard Lévesque

Il y a une grande différence entre bilinguisme et perfectionnisme. Pour être bilingue, il ne faut pas nécessairement maîtriser parfaitement les deux langues. Il faut être capable de bien se débrouiller dans la langue seconde. 

C’est ce qu’Andromache Karakatsanis, juge à la Cour suprême du Canada, a appris jadis de sa professeure de français.

Elle l’a rappelé aux étudiants en droit qui participaient au «Souper français» virtuel du 8 janvier dernier, un évènement annuel de l’Association étudiante de la section de common law de l’Université d’Ottawa. 

Andromache Karakatsanis, juge, Cour suprême du Canada
Andromache Karakatsanis, juge à la Cour suprême du Canada. Photo: Jessica Deeks Photography, collection de la CSC

La perfection est l’ennemi du bien

Conférencière d’honneur, la juge Karakatsanis reconnaît que, pour un juge anglophone, présider une audience en français, c’est tout un défi. «Cela demande d’être vulnérable devant les parties et les avocats, de révéler que même les juges sont imparfaits.»

Elle exhorte les étudiants qui n’ont pas le français comme langue maternelle à ne pas hésiter de s’exprimer dans leur langue seconde.

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«Le fait que vous vous exprimez dans cette langue favorise l’accès à la justice en français, encourage vos collègues anglophones à apprendre le français et à oser le parler même avec des erreurs.»

«Et ça lance le message que la langue et la culture des citoyens canadiens d’expression française sont respectées et valorisées.»

Seule Cour bilingue et bi-juridique

Fière d’être membre de la Cour suprême qui, au monde, est la seule à être à la fois bilingue et bi-juridique, la juge Karakatsanis affirme qu’il est nécessaire de célébrer la vitalité et l’importance de la pratique juridique francophone.

«Le français est une richesse et un atout dans notre propre vie, dans notre système de justice et dans notre pays bilingue. Continuez de le promouvoir et de le faire rayonner.»

Née à Toronto

Comment une anglophone née dans la capitale de l’Ontario, de deux parents immigrés de Grèce, est-elle devenue une juriste d’expression française?

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À entendre la juge Karakatsanis parler français, on sait immédiatement que ce n’est pas sa langue maternelle, mais qu’il s’agit d’une langue qu’elle aime profondément et qui occupe une place importante dans sa vie, tant personnelle que professionnelle.

Elle a toujours aimé apprendre d’autres langues. D’abord le grec à la maison puis l’anglais à la maternelle. Après l’acquisition de ces deux langues, il lui était facile d’en apprendre une troisième. Elle suit des cours de français à l’école primaire puis secondaire et continue à l’université.

Il a toujours été important pour elle de faire honneur aux deux langues officielles du pays. Aujourd’hui, il lui arrive de parler trois langues au cours de la même journée: le français et l’anglais à la Cour avec ses collègues ou ses clercs, puis le grec avec sa mère.

Ouvrir une fenêtre sur d’autres façons de penser

Pour elle, acquérir une langue, c’est ouvrir une fenêtre sur d’autres façons de penser et de voir le monde. «C’est une richesse pour moi d’avoir accès à ces autres perspectives.»

C’est aussi pourquoi elle est une grande lectrice d’œuvres, autant en français qu’en anglais. Elle est reconnaissante qu’à son arrivée à la Cour suprême, sa nouvelle collègue Louise Charron lui a prêté une collection de romans sur l’histoire du Québec. 

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Selon la juge Karakatsanis, l’apprentissage d’une langue n’est jamais un projet accompli. Depuis 13 ans, sauf en 2020, elle passe une ou deux semaines par année à Québec pour suivre des cours de perfectionnement du français.

«En tant que juge, je veux toujours bien m’exprimer et ne jamais faire des fautes de grammaire ou des fautes de prononciation. C’est difficile pour moi d’accepter que ce ne soit pas toujours le cas.»

Dans le secteur privé

La juge Andromache Karakatsanis a accédé à la Cour suprême du Canada en octobre 2011. Auparavant, elle avait été nommée juge à la Cour d’appel de l’Ontario en mars 2010 et à la Cour supérieure de justice de l’Ontario en décembre 2002.

Diplômée de l’Université de Toronto et de la Faculté de droit de Osgoode Hall, Mme Karakatsanis est auxiliaire juridique à la Cour d’appel de l’Ontario après son admission au Barreau en 1982 . Elle exerce le droit pendant plusieurs années dans le secteur privé, à Toronto, dans le domaine du droit criminel, du droit civil et du droit de la famille.

Dans la haute fonction publique

Elle travaille ensuite pendant 15 ans dans la fonction publique de l’Ontario, où elle occupe différents postes de haut niveau.

Au cours de sa carrière dans le secteur public, Andromache Karakatsanis est présidente et chef de la direction de la Commission des permis d’alcool de l’Ontario de 1988 à 1995; sous-procureure générale adjointe et secrétaire des affaires autochtones de l’Ontario de 1995 à 1997, puis sous-procureure générale de 1997 à 2000.

Elle assume ensuite les fonctions de secrétaire du Conseil des ministres et de greffière du Conseil exécutif de l’Ontario, de juin 2000 à novembre 2002. En tant que plus haute fonctionnaire de la province, elle fournit direction et leadership aux sous-ministres et à l’ensemble de la fonction publique de l’Ontario.

Pendant ses années à la fonction publique, la juge Karakatsanis travaille activement sur des questions liées à l’éducation et à la réforme de la justice administrative. Elle est aussi membre du conseil du Forum des politiques publiques (FPP).

Auteur

  • Gérard Lévesque

    Avocat et notaire depuis 1988, ex-directeur général de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario. Souvent impliqué dans des causes portant sur les droits linguistiques. Correspondant de l-express.ca, votre destination pour profiter au maximum de Toronto.

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