Pourquoi, le 21 novembre 2005, G.W. Bush était-il le premier président des États-Unis à se rendre à Oulan-Bator, capitale de la Mongolie? Il n’y a ni pétrole ni gaz dans ce pays d’Asie et l’économie ne semblait pas être le but de cette visite de quelques heures. Et remercier le président mongol pour l’envoi de 132 soldats en Irak, comme on l’a dit, semble un motif bien léger. En fait, la vraie réponse tient probablement en un mot: la géopolitique.
Mais, qu’est-ce que la géopolitique? Dans un excellent livre, d’une lecture facile et agréable, le géographe et historien Yves Lacoste donne la définition suivante: «Le terme de géopolitique, dont on fait de nos jours de multiples usages, désigne en fait tout ce qui caractérise les rivalités de pouvoirs ou d’influence sur des territoires et les populations qui y vivent: rivalités entre des pouvoirs politiques de toutes sortes – et pas seulement entre des États, mais aussi entre des mouvements politiques ou des groupes armés plus ou moins clandestins, – rivalités pour le contrôle de territoires de grande ou de petite taille.» (Yves Lacoste, Géopolitique. La longue histoire d’aujourd’hui, Paris, Larousse, 336 p. plus de 150 cartes en couleur, index)
L’influence de Darwin
Le terme de géopolitique, qui combine donc la politique et la géographie, est né en Allemagne à la fin du XIXe siècle et, assez curieusement, sous l’influence du livre de Darwin, De l’origine des espèces au moyen de la sélection naturelle, ou la lutte pour l’existence dans la nature, paru en 1859, il y a 150 ans. Malgré les réserves de l’auteur, le darwinisme entrera dans le domaine social, en incluant les États, vu comme une forme de vie par l’Allemand Friedrich Ratzel, passé de la botanique à la biogéographie humaine sous l’influence d’Ernst Haeckel, inventeur du terme «écologie». En 1897, il publie sa Politische Geographie et en 1901, Der Lebensraum (l’espace vital – nécessaire à une espèce) terme qui sera repris par Hitler dans Mein Kampf (mon combat). En 1805, un Suédois germanophile reprendra son expression Politische Geographie, en la contractant en Geopolitik.
La géopolitique ayant en quelque sorte servi de base au nazisme conquérant en quête d’espace vital pour sa grande Allemagne, le terme sera banni dans l’ensemble des milieux intellectuels, pour ne réapparaître que vers 1980, dépourvu d’idéologie, pour désigner des rivalités de pouvoirs, dans le sens de la définition citée plus haut. Comme l’indique Armand Frémont, dans une recension du livre d’Yves Lacoste: «Aujourd’hui, l’expression «géopolitique» fait florès. Elle est partout. Les politistes, les philosophes, les géographes, bien d’autres s’en sont emparé, et les professionnels comme les diplomates ou les militaires l’ont redécouverte alors même qu’ils l’avaient toujours pratiquée. .. en ce début de XXIe siècle, la géopolitique est devenue une nécessité, dans un univers troublé, mondialisé, plus que jamais conflictuel, et ce en une gamme très ouverte et très diversifiée où le territoire du pouvoir reste un enjeu de premier ordre.»
Revue du monde
Yves Lacoste passe en revue, sous l’angle géopolitique, l’histoire récente des plus importants pays du monde, des situations conflictuelles comme la guerre froide ou des points chauds actuels du globe. La lecture de ces pages illustrées de cartes explicatives, permet de mieux saisir le déroulement des événements récents qui ont marqué notre époque ou de ce qui se passe actuellement sous nos yeux, comme la guerre de Géorgie ou la visite du président russe Dmitri Medvedev au Venezuela, en novembre dernier.