Jusqu’où ira la détérioration de l’habitat?

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Publié 05/09/2006 par Claude Bergeron

Il est inévitable que la forme de l’habitation change dans une ville comme Toronto où elle était jusqu’à récemment une habitation de banlieue. Dans un rayon toujours plus étendu autour du centre de la ville, il faut maintenant sonner le glas de la maison individuelle avec son jardin profond.

La maison en rangée, où l’accès à l’extérieur se réduit à une terrasse plus ou moins grande, constitue le changement le moins désastreux. Elle comporte même un côté positif puisqu’elle présente une solution plus urbaine, et l’impact négatif qu’elle exerce sur la qualité de vie de son occupant est très réduit. S’il y a détérioration de la qualité de l’habitat à Toronto, c’est ailleurs qu’il faut la chercher.

La première moitié du XXe siècle représente un âge d’or pour le progrès de l’habitation. Des recherches soutenues, particulièrement entre les deux guerres, et influencées par le mouvement hygiéniste de la fin du siècle précédent ainsi que par une meilleure connaissance de certaines maladies et de leur traitement, dont la tuberculose, ont fait naître de nombreuses solutions pour rendre aux villes denses des conditions de nature.

Le soleil, la verdure et l’espace étaient retenus comme les «trois premiers matériaux de l’urbanisme». L’objectif visé était la ville dans un parc où les immeubles plus ou moins hauts seraient éloignés les uns des autres, au milieu de vastes étendues vertes, pour que le soleil pénètre au cœur de chaque logis. À Toronto, Regent Park fut une première application de ces nouvelles mesures

Ce nouvel urbanisme n’a pas eu que des effets positifs. L’éloignement des immeubles a entraîné un relâchement de la trame urbaine que l’on combat depuis quelques décennies; mais ce faisant on est en train de jeter le bébé avec l’eau du bain en oubliant d’autres éléments de la réforme qui demeurent valables.

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L’éloignement des édifices devait aussi améliorer l’aération du logis. Pour atteindre encore de meilleurs résultats, on imagina de nombreuses solutions pour ouvrir les appartements sur deux façades. L’aération naturelle pouvait traverser l’intérieur de part en part, le soleil y pénétrait pendant un plus grand nombre d’heures et les vues sur la nature étaient deux fois plus nombreuses que dans des appartements tournés vers une seule façade.

C’est surtout l’habitation subventionnée qui a tiré profit de ces solutions. Les promoteurs privés, animés par des objectifs de profit plus que de qualité de vie et répondant à une clientèle toujours en quête d’un moindre coût, ont préféré entasser le plus grand nombre possible d’unités en les répartissant de chaque côté d’un corridor central qui élimine tous les avantages de l’appartement traversant toute la profondeur de l’édifice.

Le logis domestique était ravalé au rang de chambre d’hôtel. C’est ainsi que sont construits aujourd’hui tous les condos de Toronto à part ceux logés dans quelques tours fines où quatre appartements profitent des façades adjacentes aux coins de chaque étage.

Ce n’est pas seulement dans les gros immeubles que cette situation se répand. Les maisons en doubles rangées, adossées à un mur commun, présentent même de pires conditions puisqu’elles ne s’ouvrent à l’intérieur sur aucun corridor qui pourrait à l’occasion permettre une certaine circulation de l’air.

On est indigné de voir ces maisons reproduire exactement la configuration d’un type d’habitation hérité des villes industrielles du XIXe siècle et dénoncé avec vigueur par les réformateurs du siècle suivant, pour qui il représentait le type par excellence du taudis.

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N’est-il pas étonnant que, de nos jours encore, on construise de semblables maisons non seulement dans les régions denses du centre de la ville, mais jusque dans les banlieues les plus éloignées de la région métropolitaine, où si l’on a toujours le loisir de faire un usage abusif du terrain il ne faudrait toutefois pas que ce soit en oubliant la qualité du logis que ces grands espaces sont censés procurer? N’a-t-on rien retenu de la réforme de l’habitation et des conditions qu’elle a cherché à combattre?

Certes, nos maisons bénéficient d’équipements sanitaires que ne possédait pas le logement misérable des travailleurs industriels du XIXe siècle, mais les conditions ne sont pas complètement changées pour autant.

La climatisation artificielle a beau rendre confortable la température de la pièce, mais elle contribue bien peu à son aération. C’est toujours le même air qui circule dans ces intérieurs étanches et scellés où les matériaux de construction et beaucoup de produits qu’on y utilise dégagent des gaz toxiques.

Il y a pire encore. Nous sommes tous devenus familiers avec cette pièce supplémentaire que les promoteurs appellent astucieusement «den», pièce à la fonction indéfinie qui n’aurait besoin de lumière solaire ni d’aération naturelle. Elle occupe le fond de l’appartement, généralement adjacent au corridor de l’immeuble. Or, ce qui était jusqu’ici un «den» devient de plus en plus une chambre à coucher, ou plus encore celle-ci est une seconde pièce sans éclairage ni aération naturels qui s’ajoute au «den».

La popularité des lofts a sans doute favorisé cet ajout sournois. Les bâtiments industriels dans lesquels on les aménage n’offrent pas toujours des dimensions adaptées à la distribution d’appartements de part et d’autre d’un corridor axial.

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On vend présentement dans le voisinage du Casa Loma des lofts larges de moins de trois mètres et longs de plus de 19 mètres, des proportions avoisinant celles d’un wagon de métro; mais alors que dans le wagon la lumière entre de tous les côtés, dans ces lofts elle ne pénètre que par une seule fenêtre au bout du tunnel.

La chambre à coucher, ou plus exactement une alcôve où le lit s’avancera inévitablement jusqu’au milieu du corridor, commence à 12 mètres de la fenêtre. L’air naturel, s’il y en a, n’y parviendra qu’après avoir traversé tout le séjour, y compris la cuisine, puis un étroit passage de plus de 3,5 mètres de longueur.

Cela satisferait au code du bâtiment qui exige que 40% d’une chambre à coucher s’ouvre à la lumière solaire, peu importe comment et à quelle distance d’une fenêtre.

Pour compléter ce panorama des innovations de l’habitation à Toronto, il faut ajouter les maisonnettes superposées («stacks»). C’est une solution très appropriée au milieu urbain, garantissant une certaine densité tout en prévenant le gigantisme.

Malheureusement, tel qu’on les bâtit, ces ensembles ne sont pas exempts des handicaps décrits plus haut et ils en comportent plusieurs autres.

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L’escalier qui conduit à la maisonnette supérieure est étroit, parfois plus étroit que celui qui relie les deux niveaux d’une même unité, l’insonorisation est souvent inadéquate et la structure n’offre pas de plus grande protection contre les incendies que dans des constructions à occupation moins dense. On en bâtit par centaines à l’ouest du centre de la ville.

CondoBoom: du 21 septembre au 1er octobre on présentera des expositions et un symposium à The Great Hall Downstairs, 1087, rue Queen Ouest. Artistes, architectes et organismes communautaires d’ici et de l’étranger traiteront de marketing, de construction, de l’impact des condos sur le voisinage, etc.

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