J’ai reconnu mon père

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Publié 13/07/2015 par Paul-François Sylvestre

Chaque année, je recense quelques dizaines de romans, récits et nouvelles, mais je ne me suis jamais autant reconnu dans les histoires racontées qu’en lisant La voix de mon père, de la Fransaskoise Madeleine Blais-Dahlem. Ce récit publié en format bilingue nous plonge au milieu des années 1950, dans un petit village canadien-français au nord de Saskatoon.

L’auteure a 13 ans lorsque le film Les dix commandements est présenté en 1956. Elle est donc née comme moi dans les années 1940. Elle raconte sa première année d’adolescente. Les filles portent la coiffure «beehive», les gars empestent l’Old Spice, les soirées d’Action catholique finissent par un «record hop» où le tourne-disque est «crinqué au max».

Le récit est composé de six courts chapitres qui se dévorent à belles dents, tant les sentiments de l’adolescente sont rafraîchissants, tant ses émotions font merveilleusement écho au vécu de plusieurs personnes de ma génération.

J’ai reconnu mon propre père quand Madeleine Blais-Dahlem décrivait la voix bourrue et sourde de P’pa, ses jurons et, surtout, la non-expression de ses sentiments. L’auteure écrit qu’elle n’a jamais intercepté de signaux entre son père et sa mère, «de regards, de sourires secrets révélant leur amour». Je voyais mon père tout craché.

Comme Madeleine Blais-Dahlem, j’ai grandi dans un foyer canadien-français et catholique où on récitait le chapelet en famille et où «les bains étaient une fois par semaine, le samedi soir». Comme elle, je pourrais reprendre mot à mot cette phrase presque lapidaire: «Notre Famille passait beaucoup de temps ensemble, mais on ne se connaissait pas.»

Dans le récit, le vrai prénom de l’adolescente n’est jamais mentionné. On l’appelle Ti’Loup. Ses petits frères sont les «petits chieux». Sa mère est «Elle». Et ce n’est qu’à la dernière page ou presque qu’on apprend que P’pa est Évariste Vadeboncœur.

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L’environnement décrit est celui d’une petite catholique bien innocente: «j’avais vraiment tenté de sublimer le sentiment qui m’animait, de le remplacer par ma ferveur mystique, mais une fois que l’herbe est verte il est difficile de faire carême.» Quelle belle expression!

Ti’Loup voit son corps changer et son cœur battre pour le beau Luc Gravelle, ailier au hockey et lanceur au softball. Elle voudrait bien parler de son éveil sentimental, mais ni sa mère ni sa grande sœur ne savent l’écouter.

Le père de Ti’Loup, vous le savez, n’est pas le genre à prodiguer des mots chaleureux, encore moins à se montrer le moindrement affectueux envers ses enfants. Ti’Loup aurait pourtant tellement besoin d’une petite dose d’amour paternel. Se manifestera-t-il… même sur le tard?

Originaire de Delmas, près de North Battleford (Saskatchewan), Madeleine Blais-Dahlem a mené une carrière dans l’enseignement, puis a commencé à écrire des pièces de théâtre pour adolescents en 1992. Deux de ses créations ont été sélectionnées pour le Festival de la dramaturgie de l’Ouest. La Voix de mon père est son premier récit (qui se lit comme un roman).

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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