Chaque année, je recense quelques dizaines de romans, récits et nouvelles, mais je ne me suis jamais autant reconnu dans les histoires racontées qu’en lisant La voix de mon père, de la Fransaskoise Madeleine Blais-Dahlem. Ce récit publié en format bilingue nous plonge au milieu des années 1950, dans un petit village canadien-français au nord de Saskatoon.
L’auteure a 13 ans lorsque le film Les dix commandements est présenté en 1956. Elle est donc née comme moi dans les années 1940. Elle raconte sa première année d’adolescente. Les filles portent la coiffure «beehive», les gars empestent l’Old Spice, les soirées d’Action catholique finissent par un «record hop» où le tourne-disque est «crinqué au max».
Le récit est composé de six courts chapitres qui se dévorent à belles dents, tant les sentiments de l’adolescente sont rafraîchissants, tant ses émotions font merveilleusement écho au vécu de plusieurs personnes de ma génération.
J’ai reconnu mon propre père quand Madeleine Blais-Dahlem décrivait la voix bourrue et sourde de P’pa, ses jurons et, surtout, la non-expression de ses sentiments. L’auteure écrit qu’elle n’a jamais intercepté de signaux entre son père et sa mère, «de regards, de sourires secrets révélant leur amour». Je voyais mon père tout craché.
Comme Madeleine Blais-Dahlem, j’ai grandi dans un foyer canadien-français et catholique où on récitait le chapelet en famille et où «les bains étaient une fois par semaine, le samedi soir». Comme elle, je pourrais reprendre mot à mot cette phrase presque lapidaire: «Notre Famille passait beaucoup de temps ensemble, mais on ne se connaissait pas.»
Dans le récit, le vrai prénom de l’adolescente n’est jamais mentionné. On l’appelle Ti’Loup. Ses petits frères sont les «petits chieux». Sa mère est «Elle». Et ce n’est qu’à la dernière page ou presque qu’on apprend que P’pa est Évariste Vadeboncœur.