Insécurité linguistique: «On doit accepter plusieurs manières de parler français»

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Phyllies Dalley réclame un changement d'approche dans les écoles pour enseigner la langue française. Photo: Daniel St-Louis
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Publié 29/02/2024 par Charles Fontaine

Lorsqu’elle s’adresse à une foule québécoise dans un contexte formel, la Franco-Ontarienne Phyllis Dalley trébuche sur ses mots. Sa profession de professeur et sociolinguiste ne pèse plus dans la balance. Le fossé entre la manière de parler des deux populations francophones l’insécurise.

«Je suis consciente qu’objectivement, mon français n’est pas mauvais», dit la professeure titulaire à la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa, Phyllis Dalley.

«Je suis inévitablement plus nerveuse. J’ai peur de me faire juger. Au Québec, il y a beaucoup de préjugés comme quoi les gens à l’extérieur de la province parlent mal français. Si je vais en France, c’est encore pire», poursuit-elle. «Je vais jusqu’à changer mon accent.»

Un cas classique d’insécurité linguistique

La situation qu’elle vit est un cas classique d’insécurité linguistique, concept que sa collègue Annette Boudreau explore en détail dans son livre Insécurité linguistique dans la francophonie.

«Je me suis déjà fait corriger en France», se rappelle-t-elle. «Ça se passe plus à l’écrit. On va dire que mon écriture n’est pas élégante.»

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Née en Acadie d’une mère acadienne et d’un père anglophone originaire de Terre-Neuve-et-Labrador, Dalley se considère à la fois Acadienne et Franco-Ontarienne. Elle habite en Ontario depuis 2005.

«Je suis une Franco-ontarienne d’adoption», déclare-t-elle. «Je m’identifie aux enjeux franco-ontariens, aux valeurs et aux luttes. Il faut comprendre que c’est un choix citoyen et qu’il n’y a pas de lien à la naissance ou au nombre d’années où on habite dans la province.»

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La sociolinguiste acadienne Annette Boudreau vient de lancer son livre Insécurité linguistique dans la francophonie. Photo: Simon Séguin-Bertrand, Le Droit

La langue française sous toutes ses formes

L’insécurité linguistique est répandue dans plusieurs communautés, surtout en milieu minoritaire.

«Tout le monde en vit, c’est normal. C’est un problème tant et aussi longtemps qu’on accepte qu’il n’y ait qu’une manière de parler français», dit Phyllis Dalley. Célébrons les nombreuses manières de parler notre langue au lieu de comparer les accents, prône-t-elle.

«En Ontario, les gens de l’Est ontarien trouvent que ceux de Sudbury parlent mal, et ceux-ci jugent les gens de North Bay», remarque Mme Dalley. «C’est ce jugement linguistique qu’il faut changer. En Ontario, il y a plusieurs accents, notamment en raison de l’immigration.»

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Lorsque cette variation linguistique est acceptée, on se trouve plus imperméable aux remarques langagières, trouve-t-elle.

«Ce n’est jamais facile de se sentir mal à l’aise, concède Mme Dalley. «C’est possible d’accepter le jugement de l’autre, même si mon français est adéquat. C’est ma couleur et j’y ai droit. C’est une force qui vient de la communauté, et donc il est plus facile d’affronter le malaise.»

Changer la manière d’enseigner

Afin de former un bouclier face aux critiques langagières et d’embrasser sa langue, quelques manies du système d’éducation doivent changer selon la sociolinguistique.

Les calques de l’anglais ne disparaîtront jamais, dit-elle. Le frottement entre les deux communautés teint inévitablement dans le langage des francophones de l’Ontario.

La fameuse préposition en fin de phrase répandue dans le parler franco-ontarien en est un exemple. «Le mall que je suis allé shoppé à», vont dire certains.

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«Le corps enseignant va continuellement dire aux élèves que c’est du mauvais français», remarque la professeure elle-même. «L’intention est excellente de donner aux élèves un accès à un français plus standard et valorisé dans la société. Vu qu’on passe par la correction, ça décourage les élèves.»

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L’ouvrage Insécurité linguistique dans la francophonie, de la sociolinguiste acadienne Annette Boudreau. Photo: Simon Séguin-Bertrand, Le Droit

Le parler bilingue

Cette méthode pédagogique décourage et éloigne certains jeunes de leur identité francophone, remarque Mme Dailey. «Les professeurs ont une responsabilité d’enseigner un français plus écrit», relève-t-elle.

«Il faudrait expliquer les rapports de pouvoir entre les variations linguistiques. Qu’est-ce qu’on fait en cas d’insécurité linguistique? C’est important de parler de ça à l’école, parce que l’insécurité survient après le secondaire», dit Phyllis Dalley.

Malgré les nombreuses remarques sur sa manière de parler au fil du temps, Phyllis Dalley n’a pas remis son identité en question, contrairement à plusieurs jeunes, a-t-elle remarqué.

Tout réside dans la manière d’enseigner la langue. «Le parler bilingue est un phénomène normal, c’est même une variété importante qui nous distingue.»

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