HotDocs 2008: un programme de haute volée

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Publié 15/04/2008 par l-express.ca

Le plus grand festival de documentaires d’Amérique du Nord revient à Toronto. Hot Docs 2008, c’est 170 documentaires venus de 36 pays différents, et autant de points de vue sur le monde.

Le célèbre festival fête ses quinze ans d’existence en misant plus que jamais sur l’éclectisme, la qualité du regard et l’originalité des créations. La plupart seront pour la première fois projetées à Toronto et la majorité des réalisateurs feront le déplacement. Un tour du monde haut en couleur sur la toile blanche, pour s’ouvrir l’esprit et s’en prendre plein les yeux, du 17 au 27 avril.

Huit documentaires francophones se démarquent de cette avalanche dans les salles obscures, et abordent des sujets inattendus.

Au programme, des boxeuses congolaises, une équipe junior québécoise de hockey, une soeur autiste, un panda danseur érotique et un tueur en série, mais aussi le rude quotidien d’une radio voix des opprimés et la déliquescence progressive de l’Antarctique.

L’Express vous dévoile et critique ici l’ensemble des documentaires francophones du festival.

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Ondes de choc, de Pierre Mignault. Canada. 52 min. Note: 4/5

Alors que la République Démocratique du Congo bascule dans l’instabilité et la violence, une radio se fait la voix des opprimés sur l’ensemble des territoires. Radio Okapi, média sous l’égide de l’ONU, est au coeur de l’action, de Kinshasa à Goma. Dans un pays en proie à la crise politique et sociale, elle couvre avec le maximum d’objectivité possible le quotidien des populations face aux défis qu’elles rencontrent.

Menaces de mort, tentatives de corruption, l’exercice du métier tel qu’il est dépeint par Pierre Mignault est particulièrement périlleux pour les journalistes locaux. À travers le regard de plusieurs envoyés d’Okapi, le film propose un regard touchant et troublant sur un aspect du journalisme inconnu des Occidentaux.

Tandis que l’armée taxe illégalement les populations avec le consentement implicite des pouvoirs publics, l’oeil de Mignault se pose sur l’importance de la déontologie journalistique, sur la façon dont les journalistes impliqués conçoivent leur mission: faire de la RDC un meilleur pays, au risque d’y perdre la vie. Une menace qui en rattrape parfois certains.

Le 13 juin dernier, le reporter Serge Maheshe perdait la vie dans d’étranges circonstances. Son procès, dont l’issue tend de plus en plus à privilégier la thèse de l’assassinat, est toujours en cours.

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Le vendredi 18 avril à 18h45 au cinéma Al Green et le dimanche 20 avril à 12h au ROM.

Dance with a serial killer, de Nigel Williams. Royaume-Uni. 72 min. Note: 4/5

Une femme est retrouvée morte, étendue sur une plage de France balayée par le vent. Malgré les gens qui se baignent encore, elle a été poignardée plusieurs fois, d’une force extrême qui surprendra le légiste. Un meurtre à découvert, précis, vif, que personne n’a remarqué. Mais tuer en plein après-midi devant tant de monde, l’assassin, «ça ne

a lui a pas posé de problème». L’enquête commence pour le détective Jean François Abgrall, qui décrit face à la caméra le long et fastidieux travail qui le mènera à confondre Francis Heaulmes. Autrement dit l’un des plus grands criminels français.

D’instinct, il sent que c’est lui, et analyse chacune de ses paroles, chacun de ses gestes. Très professionnel, le détective est aussi passionné par sa traque. Il raconte devant chaque lieu de crime ou de recherche tous les détails qui ont compté pour lui. Ce qui importe, dit-il passionné, presque amusé, «c’est ce que le criminel nous donne à voir, pas ce que l’on voit». C’est «son univers, sa personnalité» qui transparaît de chaque meurtre, du lieu choisi pour le crime.

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Un travail sur le sens de l’acte, pas toujours évident à saisir, Francis Heaulmes étant d’une précision impénétrable. Ou presque.

Le dimanche 20 avril à 21h30 au ROM et le mercredi 23 avril à 10h30 au ROM.

Victoire terminus, les boxeuses de Kinshasa, de Renaud Barret et Florent De La Tullaye. France. 80 min. Note: 2.5/5

À la veille de l’élection présidentielle de 2006 en République Démocratique du Congo, un groupe de boxeuses de Kinshasa tente d’organiser un tournoi au stade Tata Raphaël de la capitale. Sur fond de pugilat politique entre Joseph Kabila junior et Jean-Pierre Bemba, Victoire Terminus prend le parti de suivre un groupe de boxeuses et de montrer à travers elles le quotidien d’une population déchirée.

Si les témoignages sont poignants et le propos du film incontestablement aussi pertinent qu’original, Victoire Terminus souffre d’un manque de liant un peu déroutant. Barret et De La Tullaye suivent leurs sujets chronologiquement et le tout met un peu de temps à démarrer. Et même après une demi-heure de film, on se perd toujours un peu dans l’entremêlement des histoires, au détriment de la compréhension du film.

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On regrettera également que les auteurs n’aient pas suffisamment développé le lien entre l’organisation de ce tournoi et la présidentielle en cours. Dommage, car on trouve en Victoire Terminus quelques passages vraiment intéressants. Mais ils ne viennent malheureusement que ponctuer une trame que l’on aurait souhaitée moins laborieuse.

Le vendredi 18 avril à 21h45 au ROM et le dimanche 20 avril à 16h30 au ROM.

Elle s’appelle Sabine, de Sandrine Bonnaire. France. 85 min. Note: 4.5/5

«C’est sûr que tu viens me voir demain?» Tout au long du film, cette question lancinante harcèle Sandrine Bonnaire, tout autant que le spectateur. Cette question, c’est Sabine qui la pose, inlassablement. Sabine est la soeur autiste de la célèbre comédienne française.

Dans ce documentaire qui mélange images d’archives familiales et images tournées en 2006, Sandrine Bonnaire nous montre la transformation de sa soeur. Jeune fille, resplendissante de beauté, elle savait parler de manière intelligible, prononcer quelques mots d’anglais, lire, tricoter, jouer du piano. Devenue violente après le décès de son frère et un déménagement, elle est internée à l’hôpital psychiatrique, faute de structure mieux adaptée.

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Lorsqu’elle en sort cinq ans plus tard, elle est méconnaissable et a complètement régressé. Sandrine Bonnaire alterne de manière judicieuse l’avant et l’après. Alors que le regard du spectateur s’accroche à la beauté du jeune visage de Sabine, un gros plan d’aujourd’hui vient lui rappeler que cette jeune femme n’est plus.

La réalisatrice ne pousse pas de hauts cris pour dénoncer l’absence de prise en charge des autistes. Elle se contente de montrer, sans commentaire, quelques images qui parlent d’elles-mêmes. Par son dépouillement, ce documentaire frappe droit au coeur.

Le dimanche 20 avril à 16h15 au cinéma Isabel Bader et le samedi 26 avril à 11h30 au ROM.

Junior, d’Isabelle Lavigne et Stéphane Thibault. Canada. 80 min. Note: 3,5/5

Présenté en ouverture des rencontres internationales du documentaire de Montréal en novembre dernier, Junior propose un regard intéressant sur le monde du Hockey Junior. Dans les coulisses du Drakkar de Baie-Comeau, Lavigne et Thibaud mettent l’objectif sur les dérives de la ligue de hockey junior majeur du Québec.

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Sur l’ensemble de la saison, les situations se succèdent et l’on constate amèrement les désillusions de certains jeunes tandis qu’ils prennent conscience que leur rêve de professionnalisme tarde à prendre forme. La LHJMQ y est présentée comme un vivier de joueurs professionnels potentiels, à qui ont fait miroiter un avenir en ligue nationale, tandis que les ficelles sont tirées en coulisses en fonction des enjeux financiers des clubs.

Un jeune de 17 ans se voit ainsi échangé en plein milieu de saison à Chicoutimi, alors qu’il suit parallèlement un cursus universitaire à Baie-Comeau. «Si tu décides de fermer la porte, tu seras cuit…», lui assènera son entraîneur.

À l’image de cette anecdote, Junior est un enchaînement chronologique d’événements qui mettent en lumière la jungle de la ligue junior. Un parcours semé d’embûches qu’un joueur sur cent parviendra à compléter jusqu’à la ligue nationale.

Le dimanche 20 avril à 19h au cinéma Alliance Cumberland et le mardi 22 avril à 16h30 à l’Innis Town Hall.

Naufragés des Andes, de Gonsalo Arijon. France, Suisse. 112 min. Note: 4,5/5

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En 1972, l’équipe de rugby de Carrasco (Uruguay) affrète un avion pour se rendre au Chili jouer un match amical. Alors que l’avion traverse les Andes, une violente tempête de neige s’abat sur la région et le crash ne peut être évité. Les quelques survivants de l’accident engagent une lutte incroyable contre la mort, un combat qui durera 72 jours, les menant jusqu’au cannibalisme.

Trente-cinq ans plus tard, ils reviennent sur cette expérience hors du commun, non sans émotion, mais avec une pudeur et un recul déconcertants.

Lauréat du prix Joris Ivens 2007 dans le cadre du Festival international du film documentaire d’Amsterdam, Naufragés des Andes est une passionnante épopée basée sur l’une des plus incroyables histoires de survie de l’histoire. Gonsalo Arijon dépeint avec une rare virtuosité le regard de ces survivants qui ont dû franchir les limites de l’horreur pour survivre, et les témoignages qui alimentent le film sont particulièrement intenses.

Le tout est porté par une réalisation pertinente malgré les nombreuses scènes reconstituées, et les deux heures de film s’évaporent sans même que l’on s’en rende compte. En résulte un film qui frise la perfection tant par sa présentation que son contenu.

Le mercredi 23 avril à 21h au cinéma Bloor et le samedi 26 avril à 18h15 au cinéma Bloor.

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