Éradiquer l’hépatite C en s’inspirant de l’effort contre la covid

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Dépistage de l'hépatite C au moyen de l'analyse d'une goutte de sang. Photo: Conor Ashleigh
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Publié 28/07/2021 par Laurie Edmiston

Nous pourrions nous inspirer de mesures prises pour enrayer la pandémie de CoViD-19 pour éliminer d’autres épidémies virales comme l’hépatite C.

Nul besoin de rappeler les pertes incommensurables qui ont accompagné la CoViD-19. Des niveaux record de maladies et de décès… Sans mentionner l’impact sur nos économies, la vie sociale et le bien-être mental.

Vaccination à ARNm contre d’autres maladies

Notre riposte sans précédent à la covid a cependant de bons côtés, comme en témoigne la mise en place de la technologie de vaccination à ARNm.

Une mission impossible sans un apport de fonds important et de ressources humaines dans la recherche et le développement — à une échelle et une intensité encore jamais observées auparavant.

Il est maintenant probable que la technologie à ARNm sera déployée contre d’autres maladies.

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Mais la riposte à la covid s’est aussi accompagnée d’autres victoires — certaines moins visibles que d’autres — qui ont, elles aussi, contribué à ralentir ou inverser le cours de la pandémie.

Le remède contre l’hépatite C existe

L’hépatite C est l’une des maladies infectieuses les plus contraignantes au Canada… Non seulement pour la santé humaine, mais aussi pour notre système de soins. Heureusement, il existe un remède.

Malheureusement, bon nombre de personnes vivent avec cette infection pendant des années avant de recevoir le diagnostic. Pendant ce temps, le virus fait des ravages dans le foie, et entraîne un cancer du foie, une cirrhose et même la mort.

La seule manière d’éliminer l’hépatite C consiste à s’assurer que toutes les personnes exposées au risque de la contracter aient accès au dépistage et aux traitements curatifs.

Mais comment savoir si l’on doit se faire dépister si l’on ne présente aucun signe ni symptôme?

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Offrir le dépistage plus largement

Historiquement, le dépistage de l’hépatite C est offert lorsqu’un prestataire de soins estime qu’un patient présente un risque d’infection.

Le problème avec cette approche est que celui-ci ne connaît pas toujours les facteurs de risque courants ou passés de ses patients.

Les patients eux-mêmes pourraient également avoir ignoré une exposition survenue des dizaines d’années auparavant pendant leur jeunesse. Comme lors du partage de drogues, ou par le biais d’aiguilles de perçage ou de tatouage souillées.

Ils pourraient aussi avoir reçu des soins médicaux dans un autre pays où les pratiques de stérilisation sont moins rigoureuses.

Dynamiques similaires avec la covid

Nous avons observé des dynamiques similaires avec la pandémie de covid.

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Les pratiques de dépistage initiales recommandaient de tester uniquement les personnes répondant à des critères très spécifiques et évidents. Comme après avoir voyagé dans des pays ou des régions ayant un taux d’infection élevé et si ces personnes présentaient des symptômes.

Ceci était dû au rationnement du matériel d’analyse et à l’infrastructure des laboratoires; de nombreux cas n’ont cependant pas été diagnostiqués à cause de cette approche.

Maintenant que nous en savons un peu plus sur le rôle de la propagation asymptomatique de la covid, l’élargissement des possibilités de dépistage a permis d’enrayer certaines éclosions.

Se faire dépister au moins une fois pour l’hépatite C

De manière similaire, les hépatologues et les spécialistes de la médecine liée du foie ont défendu une approche plus large à l’égard du dépistage de l’hépatite C.

Plutôt que de limiter l’offre des tests de dépistage de l’hépatite C aux personnes présentant des symptômes, ou des facteurs de risque actuels, les spécialistes canadiens du foie ont défendu la position selon laquelle toutes les personnes nées entre 1945 et 1975 se fassent aussi dépister une fois pour l’hépatite C.

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Cette approche, expliquent-ils, pourrait aider la grande proportion de personnes vivant sans le savoir avec une hépatite C chronique. Et elle pourrait déstigmatiser l’offre et la demande d’un dépistage de l’hépatite C.

Se focaliser sur les populations prioritaires

Parallèlement à l’élargissement des critères de dépistage de la covid, les mesures de santé publique ont été plus ciblées.

La pandémie a mis au jour des inégalités sociales, raciales et de classes de longue date. À cause de ces inégalités, certaines personnes risquent fort d’être en mauvaise santé et moins à même de pouvoir accéder aux soins de santé.

Certaines autorités de santé publique l’ont bien compris et ont multiplié les centres de vaccination et intensifié la sensibilisation dans les quartiers, sur les lieux de travail ainsi que dans les communautés les plus durement touchées par la pandémie.

La stratégie a porté ses fruits grâce à la focalisation des ressources là où les retombées sont les plus importantes et à l’élimination des obstacles qui empêchent les Autochtones, les Noirs et les autres communautés marginalisées à accéder aux services de santé.

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«Population prioritaire» pour l’hépatite C

Similairement, les défenseurs de la santé ont appelé les gouvernements à adopter une approche de «population prioritaire» pour éliminer l’hépatite C.

Cela signifie reconnaître les communautés les plus touchées par l’hépatite C. Notamment les aînés, les communautés autochtones, les immigrants provenant de pays où l’hépatite C est répandue, les personnes qui s’injectent des drogues.

Les sensibiliser et leur proposer en priorité des initiatives de dépistage et des informations pertinentes d’un point de vue culturel dans leur langue.

Par exemple dans les pénitenciers

Cette approche peut aussi prendre la forme d’une microélimination. Comme en consacrant les ressources des soins de santé à l’éradication de l’hépatite C dans les établissements pénitenciers, où l’on sait qu’elle se transmet facilement.

La covid nous a enseigné que nous ne pouvons pas faire semblant que toutes les populations présentent le même niveau de risque ou bénéficient du même accès aux soins de santé.

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Nous ne serons efficaces que si nous adoptons des stratégies sur mesure pour répondre aux facteurs uniques qui entraînent une prévalence plus élevée dans certaines communautés.

Aborder les facteurs de risque sociaux

Avant que des vaccins sécuritaires et efficaces ne soient disponibles, la plupart des mesures de prévention de la covid consistaient à changer des comportements: éviter les contacts physiques rapprochés, porter un masque et se laver les mains.

Nous avons également reconnu les facteurs de risque médicaux qui pourraient rendre une personne prédisposée à tomber gravement malade.

La mesure décisive consistant à répondre aux déterminants sociaux de la santé prise par certains gouvernements a été un autre heureux développement pendant la pandémie de covid.

Certaines régions, craignant que les personnes sans-abri soient plus vulnérables face à la covid, ont offert des hébergements temporaires aux personnes vivant dans les refuges, dans la rue et les parcs, et cela de manière proactive.

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Sans-abri: un risque plus élevé d’hépatite C

Mais l’idée d’offrir un toit en guise de mesure de santé publique n’est pas nouvelle. Des dizaines d’années de recherche ont démontré qu’un manque d’abri stable est associé à un risque plus élevé d’hépatite C, entre autres conditions de santé.

La pandémie a prouvé que nous disposons des ressources pour héberger les gens lorsque nous le voulons afin de prévenir et d’éliminer une infection respiratoire.

Pourquoi ne pouvons-nous pas rassembler les ressources pour les héberger quand nous savons que cela préviendra et éliminera les autres maladies infectieuses?

Les déterminants sociaux de la santé vont bien au-delà du logement: revenus, accès à l’éducation, sécurité alimentaire, inclusion sociale et bien plus encore. Notre réponse à l’hépatite C et aux autres épidémies virales ne peut exclure toutes ces mesures de santé publique efficaces.

L’action maintenant, les économies plus tard

Les coûts associés à la covid sont sans précédent: pertes d’emplois, ralentissement des échanges commerciaux, effondrement d’industries entières. Les effets induits sur les recettes fiscales et les dépenses publiques doivent encore être compilés.

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Avec du recul, tout est toujours beau. Mais vous auriez du mal à trouver un économiste aujourd’hui qui ne reconnaisse pas la valeur qu’aurait eue un investissement des gouvernements dans des mesures de santé publique plus solides et efficaces avant le début de la pandémie.

Bombe à retardement

On ne peut pas changer le passé, mais on peut en tirer des leçons.

Pour l’avenir, certaines personnes ont décrit l’hépatite C comme une «bombe virale à retardement». À cause du nombre d’infections non diagnostiquées qui pourraient entraîner un taux ingérable de maladies du foie pour le système de santé.

L’hépatite C au Canada nous coûte actuellement 160 M$ par an. Et on s’attend à ce que ce chiffre passe à 260 M$ d’ici 2032, lorsque les cas actuels développeront des complications.

D’ici 2030

Mais si nous changions notre fusil d’épaule dès à présent.

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En élargissant nos stratégies de dépistage…

En focalisant nos efforts de prévention sur les populations prioritaires…

Et en nous assurant que chacun ait accès à des traitements curatifs…

Les épidémiologistes estiment que le Canada pourrait en fait éliminer l’hépatite C de la liste des menaces de santé publique d’ici 2030.

Et ainsi économiser des millions de dollars en coûts de soins de santé.

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La pandémie de covid nous a montré ce qui peut mal tourner lorsqu’on reste les bras croisés… Et ce qui est possible quand on prend des mesures. Il reste à voir si les preneurs de décision en tireront des leçons.

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