Hallucinantes confessions de tueurs en série

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Publié 26/02/2008 par Paul-François Sylvestre

Avec 51 meurtres et 150 viols commis chaque jour, l’Afrique du Sud connaît l’une des plus fortes criminalités au monde. C’est aussi l’un des pays qui compte le plus de tueurs en série.

Pas étonnant, donc, que l’Afrique du Sud ait attiré Stéphane Bourgoin, spécialiste mondialement reconnu des serial killers (pourquoi l’emploi de l’anglais? ignorance? snobisme?) et que ce dernier ait suivi les traces de la profileuse Micki Pistorius, psychologue capable de se glisser dans la tête des meurtriers. Bourgoin signe un portrait de Pistorius dans Profileuse: une femme sur la trace des serial killers.

Journaliste en vogue de la chaîne sud-africaine SABC, Micki Pistorius couvre tout ce qui touche aux spectacles. Parallèlement, elle suit des études très poussées en psychologie à l’Université de Pretoria. Un professeur lui suggère de faire un mémoire sur les tueurs en série.

Le texte tombe entre les mains du patron de la police sud-africaine, qui est justement à la recherche d’un psychologue pour aider les flics et leur suggérer de nouvelles méthodes pour traquer les tueurs en séries. Pistorius est embauchée en 1994.

C’est l’année où l’étrangleur des gares tue et sodomise de jeunes garçons, tous noirs, âgés de 8 à 15 ans. Il est passé à l’acte à 22 reprises entre octobre 1986 et mars 1994. Ce cas et quelques autres sont décrits dans tous leurs détails sordides.

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Et chacun d’eux permet à Bourgoin d’accompagner Micki Pistorius dans son travail quotidien, sur les scènes de crimes, dans les morgues, les commissariats et jusque dans les prisons de haute sécurité où elle recueille les hallucinantes confessions de ces criminels pédophiles, cannibales ou nécrophiles.

Ce safari morbide nous révèle une femme qui ne cherche pas des indices ou des empreintes digitales, mais qui «parle d’ego, de rentrer dans la tête du suspect, de retracer son cheminement psychologique». Elle se met dans l’esprit du tueur et comprend qu’il a fantasmé et planifié son crime des centaines de fois avant de passer à l’acte. Elle le voit comme un «égal de Dieu» puisqu’il possède le pouvoir de vie ou de mort.

Pistorius conclut qu’il est impossible de réhabiliter un tueur en série: «Dans les premières années de son développement, le futur criminel fait une fixation et cela lui prend environ vingt ans pour devenir un serial killer. Quand ces individus commencent à tuer, ils en tirent de la satisfaction, cela satisfait leur besoin profond d’existence. Et ils deviennent des accros et dépendants. […] Ce sont des personnes qui souffrent énormément et qui expriment cette immense douleur en infligeant de terribles souffrances à leurs victimes.»

En entrant dans la tête d’un tueur en série, la profileuse réussit à dégager certaines caractéristiques qui aident les policiers à brosser un portrait robot du suspect. Ainsi, dans le cas de l’étrangleur des gares, elle explique que les tueurs en série s’attaquent à des victimes de la même race qu’eux, que les enfants suivent plus facilement quelqu’un de leur propre race, que les tueurs en série tuent souvent après une période d’incubation, pendant laquelle il ont le temps de laisser libre cours à leurs fantasmes.

Elle ajoute que «tous les serial killers fantasment sur le meurtre et se masturbent pendant qu’ils vivent leurs fantasmes. Ceux-ci sont souvent alimentés par la pornographie.»

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Le profilage n’est pas un aboutissement, note Bourgoin; c’est juste un outil supplémentaire, un instrument qu’un enquêteur peut utiliser, comme il se servirait des empreintes digitales de quelqu’un. Établir le profil de ces tueurs permet aux policiers de comparer les différents suspects, de les classer par catégories, d’éliminer ceux qui ne correspondent pas, d’économiser du temps et de sauver des vies.

Retracer le cheminement psychologique n’est pas de tout repos. Micki Pistorius vit de terribles cauchemars qui l’épuisent moralement et physiquement. Ce stress finit par la rendre malade. En mars 2000, elle démissionne de la police, abîmée par tout cela: «J’ai l’impression que mon âme et mon esprit ont été violés à plusieurs reprises, mais j’ai refusé d’être une victime et je pense que j’y suis parvenue. […] J’espère qu’un jour mes blessures seront cicatrisées.»

Pendant toutes ses années de profileuse, Micki Pistorius n’a jamais pu avoir une relation amoureuse. Mariée au moment de son entrée dans la police sud-africaine, elle a presque immédiatement divorcé, faute de pouvoir partager son vécu avec son conjoint. C’était le prix à payer pour plonger au cœur des ténèbres.

Stéphane Bourgoin, Profileuse: une femme sur la trace des serial killers, Paris, Éditions Grasset, 2007, 256 pages.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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