Haïti, une économie de violence

Autour du livre de Fritz Alphonse Jean

De violentes émeutes contre une hausse du prix de l'essence et contre la pauvreté ont secoué Haïti.
Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 14/09/2019 par Annik Chalifour

Voici un aperçu des propos de l’économiste haïtien Fritz Alphonse Jean concernant son tout récent ouvrage intitulé Haïti, une économie de violence lancé en Haïti le samedi 3 août au Quartier Latin, à Pétion-Ville.   

Le livre de Fritz Alphonse Jean dépeint la situation «toxique» de l’État haïtien sous l’emprise d’une violence armée alimentée par trois grandes catégories d’acteurs. Mais il sème aussi l’espoir d’une transition possible vers un leadership économique partagé à l’ère numérique.

Le livre Haïti, une économie de violence. Photo: Ayibopost

Pourquoi avez-vous écrit ce livre, à qui s’adresse-t-il ?

Haïti, une économie de violence explique la forme que revêt l’économie de rente haïtienne devenue désuète.

Mon ouvrage s’adresse aux dirigeants, aux institutions internationales, aux simples citoyens et citoyennes pour qu’ils puissent saisir la réalité actuelle de l’État haïtien en pleine décadence et le danger que cette réalité fait planer sur nous tous.

Ce témoignage donne suite à mon livre Haïti, la fin d’une histoire économique publié en 2015, qui jetait un regard critique sur l’économie de rente haïtienne ayant jalonné l’histoire d’Haïti du 19e siècle à aujourd’hui.

Publicité

Cette forme d’économie est désormais caduque. L’État qu’elle a façonné ne peut plus répondre aux besoins de ses citoyens; il ne peut plus reproduire ses institutions.

Nous assistons donc à la fin d’une ère économique qui se caractérise par un appauvrissement généralisé de la population et une concentration des richesses du pays dans les filets des Réseaux sociaux d’accumulation (RSA) qui dictent les règles de l’économie.

L’économiste Fritz Alphonse Jean. Photo: Rajmagazine

Quel est le message de votre ouvrage ?

Pour moi, l’État haïtien actuel est prisonnier de trois groupes: le secteur traditionnel des affaires, les entrepreneurs politiciens, et les grands commis de l’État tels les ministres, directeurs généraux.

Les institutions de cet État captif  (administrations des douanes, des ports, banques d’État, etc.) sont des instruments au service de ces groupes.

Ce nouveau mode opératoire détruit les capacités de l’État haïtien à pouvoir gouverner sainement, notamment en matière de justice et de sécurité.

Publicité

Au cœur de cet environnement néfaste, la faveur des gangs armés devient un bien économique précieux qui se répartit en ces trois groupes. On assiste donc à une forme caricaturale de capture de l’État.

Mon livre se veut un appel pour la déconstruction de cette économie de violence, et une démarche active pour la transition vers une économie de prospérité partagée.

Y a-t-il de l’espoir à l’horizon pour Haïti?

Les solutions d’espérance ne sortiront pas d’un simple rééquilibrage économique, mais plutôt d’une rupture avec ce chaos et une emprise sur la violence qui s’est installée.

Cela se fera à la lumière de la dynamique des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC), en évacuant les solutions dépassées.

Certes, Haïti a raté la première révolution industrielle, elle a aussi raté la deuxième: nous sommes aujourd’hui en plein dans l’économie du savoir. Le pays ne pourra prendre le train de la modernité en ne considérant que son capital humain à l’intérieur de ses 27 000 kilomètres carrés.

Publicité

L’Haïti de demain doit se réinventer un capital cognitif avec ses citoyens à travers le monde (Amérique du Nord, du Sud, l’Europe, etc..).

La Commune rurale de Sainte-Suzanne. Photo Annik Chalifour

À propos de Fritz Alphonse Jean

Fritz A. Jean a plus de 20 ans d’expérience dans les institutions publiques et privées nationales et internationales. Il travaille sur la problématique de la modernité en Haïti, «mise à mal par un État prédateur et des opérateurs économiques qui s’appuient sur un système de rente périmé», selon lui.

Fritz Alphonse Jean est actuellement le responsable de l’Institut haïtien d’observatoire de politiques publiques (INHOPP). Il fut antérieurement gouverneur de la Banque République d’Haïti, doyen de la Faculté des Sciences économiques et politiques de l’UNDH (Université Notre-Dame d’Haïti), et président de la Chambre de commerce du Nord-Est.

Une agricultrice en train de peler des tubercules de manioc, Sainte-Suzanne. Photo: Rudolf Dérose

Annik Chalifour a rencontré Fritz Alphonse Jean en avril 2018, dans la commune de Sainte-Suzanne située au nord-est d’Haïti où réside l’économiste.

On peut se procurer le livre de Fritz A. Jean en Haïti, aux librairies la Pléiade et Communication Plus à Port-au-Prince, ainsi qu’à Cap-Haïtien. On peut également le commander via [email protected]

Publicité

Notons que l’ouvrage Haïti, une économie de violence sera disponible en librairie à Montréal à compter d’octobre 2019.

Auteur

  • Annik Chalifour

    Chroniqueuse et journaliste à l-express.ca depuis 2008. Plusieurs reportages réalisés en Haïti sur le tourisme solidaire en appui à l’économie locale durable. Plus de 20 ans d'œuvre humanitaire. Formation de juriste.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur