Appelons ça le piège du puriste: celui de vouloir figer dans une certaine forme «classique» un mode d’expression (musicale ou autre) qui, au départ, était le fruit du hasard, un de ces enfants plus ou moins légitimes, dont la vigueur même était due à leurs origines parfois suspectes. En confondant la forme et l’esprit, ces âmes bien intentionnées signent une œuvre souvent parfaite, sur le plan technique, mais qui ne nous donne aucune raison de ne pas lui préférer l’original.
Prenons le cas de la musique de Django Reinhardt, souvent qualifiée de jazz manouche, que le brillant guitariste belge réalisa dans les années 30 et 40 au sein du Hot Club de France, avec la complicité du violoniste Stephan Grapelli.
Propulsée par un sens du swing qui doit autant au jazz nord-américain qu’à la tradition de la valse musette, la musique du Hot Club était assez riche pour être décortiquée par l’intellect, mais assez populaire – voire populiste – pour satisfaire les exigences des danseurs du samedi soir.
Plutôt que de singer, comme tant d’autres l’ont fait, la proposition virtuose de la musique de Django, les huit membres de l’ensemble Gypsophilia y ont vu le germe d’un discours plus personnel, en retenant certains aspects de l’héritage manouche, tout en y aménageant un vaste espace d’invention.
Formé il y a cinq ans en Nouvelle-Écosse (un milieu qu’on associe rarement au jazz), Gypsophilia a créé une musique joyeusement bâtarde, qui rend le plus bel hommage possible à l’esprit de Django: celui de ne pas s’en tenir aux paramètres de ses enregistrements classiques des années 30 et 40.