Gypsophilia, ou l’art de réinventer Django

Ils seront au Hugh’s Room le 9 juillet

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Publié 06/07/2010 par Dominique Denis

Appelons ça le piège du puriste: celui de vouloir figer dans une certaine forme «classique» un mode d’expression (musicale ou autre) qui, au départ, était le fruit du hasard, un de ces enfants plus ou moins légitimes, dont la vigueur même était due à leurs origines parfois suspectes. En confondant la forme et l’esprit, ces âmes bien intentionnées signent une œuvre souvent parfaite, sur le plan technique, mais qui ne nous donne aucune raison de ne pas lui préférer l’original.

Prenons le cas de la musique de Django Reinhardt, souvent qualifiée de jazz manouche, que le brillant guitariste belge réalisa dans les années 30 et 40 au sein du Hot Club de France, avec la complicité du violoniste Stephan Grapelli.

Propulsée par un sens du swing qui doit autant au jazz nord-américain qu’à la tradition de la valse musette, la musique du Hot Club était assez riche pour être décortiquée par l’intellect, mais assez populaire – voire populiste – pour satisfaire les exigences des danseurs du samedi soir.

Plutôt que de singer, comme tant d’autres l’ont fait, la proposition virtuose de la musique de Django, les huit membres de l’ensemble Gypsophilia y ont vu le germe d’un discours plus personnel, en retenant certains aspects de l’héritage manouche, tout en y aménageant un vaste espace d’invention.

Formé il y a cinq ans en Nouvelle-Écosse (un milieu qu’on associe rarement au jazz), Gypsophilia a créé une musique joyeusement bâtarde, qui rend le plus bel hommage possible à l’esprit de Django: celui de ne pas s’en tenir aux paramètres de ses enregistrements classiques des années 30 et 40.

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«Il y a beaucoup de groupes qui jouent du gypsy jazz authentique», explique le guitariste Ross Burns, l’un des membres fondateurs de l’octuor.

«Pour nous, c’est plus intéressant – et plus honnête – de travailler sans paramètres précis. Notre musique est un mélange de toutes nos influences.»

Lorsqu’on sait que les membres de Gypsophilia évoluent en parallèle dans les milieux du blues, du reggae, du flamenco, du funk et du klezmer, il eût été inconcevable que leur musique ne multiplie pas les détours et les juxtapositions imprévues.

Mais ce qui, entre les mains d’artistes moins accomplis, aurait pu faire l’effet d’un simple gag – désopilant à la première écoute, mais vite lassant – nous fait ici l’impression d’être en présence d’un nouveau langage forgé à partir d’un vocabulaire ancien.

En ce sens, l’approche de Gypsophilia n’est pas sans rappeler celle de Tom Waits, qui, à l’aube des années 80, s’était bricolé un idiome aussi bâtard que personnel en combinant la provocation du cabaret berlinois, le primitivisme microtonal du compositeur américain Harry Parch et l’impact viscéral du vieux blues du Mississippi.

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Le parallèle avec l’univers de Waits se confirme à l’écoute du premier album de Gypsophilia, Sa-Ba-Da-Ow!. Alors que la plupart des enregistrements contemporains sont axés sur la quête d’une certaine perfection sonore et technique (laquelle est facilitée par la technologie numérique), l’approche de Gypsophilia célèbre la spontanéité et le flou sonore.

«Notre truc, c’est de jouer ensemble, en direct, en misant sur les réactions des autres musiciens», précise Ross Burns.

«L’enregistrement multipistes est plus précis, mais pour nous, c’est plus naturel de travailler comme ça. Le son low-fi est le résultat de ce processus, mais en même temps, c’est mieux pour la musique d’avoir un son plus vieux, plus naïf.»

Véritable laboratoire de création, tant au niveau de la composition que des arrangements et de leurs potentialités d’improvisation, la musique de Gyspophilia est tout, sauf hermétique.

Pour eux, l’interaction avec le public, celui qui écoute autant que celui qui danse, est primordiale. «De voir les réactions des gens dans la salle, de les voir danser, ça influence notre façon de jouer», précise Burns.

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«L’énergie sur scène change à chaque spectacle, et c’est à nous de la canaliser.»

Gypsophilia se produira à Hugh’s Room (2261, rue Dundas Ouest, 416-531-6604), le 9 juillet, 20h30.

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