Grand champion international de la connerie

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Publié 10/10/2006 par Dominique Denis

L’idée peut sembler tordue, mais qu’importe: en écoutant Grand champion international de course (Indica/Outside), je n’ai pas pu m’empêcher de songer à Roland Barthes, le sémioticien français qui avait naguère développé le concept du «degré zéro de l’écriture».

Subvertissant cette notion pour mes propres besoins (quitte à en évacuer tout à fait le sens originel), j’en suis arrivé à la conclusion qu’avec cet opus 2 des Trois Accords, nous atteignons le degré zéro de la chanson, c’est-à-dire le degré de nullité, de bêtise et d’insignifiance absolues.

Mais pour être juste, il convient de saluer l’exploit de la formation originaire de Drummondville: en imposant avec autant d’aplomb leur tonitruante connerie (chiffres de vente à l’appui), les Trois Accords se mettent à l’abri de toute critique.

Qui, en effet, oserait s’en prendre aux auteurs de Gratte-moi, Bing Bing, Morceau de viande et le futur classique Tout nu sur la plage, de peur d’être taxé de snobisme ou, pire, de se voir accusé de n’avoir rien compris?

C’est sans doute flatter les zigotos que de situer leur musique au carrefour de Simple Plan et des Cowboys Fringants, mais cela donne une assez bonne idée de cet album qui revendique son infantilisme à grands coups de décibels.

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Cela dit, mon propre gamin de 12 ans a depuis longtemps passé l’âge de se réjouir de ce genre de provoc, le plus proche équivalent musical d’un concours de pets.

Sous le chapiteau de Stéphane Côté

On ne s’étonnera pas, à l’écoute de Le cirque du temps, que Stéphane Côté ait trouvé sa place aux Productions de l’Onde, la maison de disques fondée par Edgar Bori, là où une certaine idée de la chanson fleurit à l’abri de la médiocrité et, disons-le, de la vulgarité.

Pour ce second album qui marie tout naturellement des échos de Brel (pour la diction et le vocabulaire), de Gabriel Yacoub (pour certaines mélodies à saveur «malicornienne») et de Pink Floyd (pour les climats planants), Côté nous livre les fruits d’un véritable travail d’orfèvre, tant sur le fond que la forme.

Par la même occasion, il partage une leçon salutaire: que le secret des grandes chansons ne réside pas tant dans l’originalité des thèmes que dans la manière de les traiter, soit par le biais d’un langage poétique dense mais toujours rigoureux dans sa structure narrative.

C’est cette rigueur qui lui permet de décliner une petite poignée de sujets passablement éculés (le temps fugace, le miracle de l’enfance, l’art du bonheur) sans que l’on s’ennuie un seul instant dans ce Cirque du temps où chaque rime – voire chaque mot – a sa place.

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L’invitation au voyage

Voilà un album qui porte bien son titre: avec Je vous emmène (Disques Anubis/Outside), première incursion en marge de ses copains de Tryo (que l’on retrouve quand même sur une pièce), le Français Christophe Mali nous lance une invitation à un voyage aux multiples destinations, où le regard se fait tour à tour narquois, attendri, caressant et révolté.

Mali n’a pas peur de reconnaître qu’il marche dans les traces de Fersen, et si vous prenez le temps de remonter ce chemin-là, vous y trouverez Higelin et, à la source, l’ami Trénet.

Mais la principale force de Mali réside peut-être dans sa façon d’utiliser des juxtapositions audacieuses entre paroles et musique à des fins expressives: c’est ainsi que Rose des Sables emploie une palette arabo-andalouse pour dénoncer le sort fait aux femmes musulmanes («À peine offerte à la vie/Que la médina injurie/L’enfant de ne pas être un homme»), ou que On s’en fout embrigade la très festive fanfare des Fils de Theupu pour ironiser sur cette course folle vers le précipice qui caractérise nos rapports à la Terre.

Bref, jamais Mali ne pratique le métissage comme une fin en soi, et sous sa facture très actuelle, Je vous emmène possède cette qualité intemporelle à laquelle on reconnaît les œuvres qui nourrissent le cœur autant que l’esprit.

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