Fruité et sucré: compatibles, mais si différents!

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Publié 30/11/2010 par Alain Laliberté

«Nous recevons ce soir et j’aimerais servir un vin blanc avec l’entrée et un rouge avec la viande. Auriez-vous une suggestion pour cette occasion?», demandait le client au conseiller en vin. Ce dernier, après s’être informé des plats, du type de préparation et du budget, s’est dirigé vers les vins alsaciens. En passant devant les vins de Bordeaux, il s’étire le bras vers un précieux flacon et le tend au client qui, le regard inquiet, demande s’il est fruité.

Combien de fois entendons-nous cette remarque? Chaque fois, je me retiens parce que le temps du client est précieux et qu’il n’en a rien à foutre, la plupart du temps, de la nuance. Je me retiens parce que les deux minutes à expliquer l’embêteraient et que, de toute façon, je m’occupe de ce qui me regarde.

Mais à bien y penser, ça me regarde! N’ai-je pas opté pour ce travail dans le but d’éduquer le consommateur à boire mieux? Et boire mieux signifie déguster et apprécier sans pour autant discourir.

Alors, autant vous le rappeler. Fruité ne signifie pas sucré. Puisque la plupart des consommateurs ont commencé avec des vins contenant une certaine quantité de sucre résiduel comme les vins allemands, et que ceux-ci offrent beaucoup sur le plan aromatique, il n’y a qu’un pas à franchir et la confusion s’installe. Il suffit de passer une fin de semaine derrière un kiosque de vins alsaciens à un salon des vins pour constater l’idée fausse qui habite le consommateur. La forme de la bouteille, la flûte, suffit pour nuire aux superbes vins rhénans et autrichiens.

Simplement, la saveur sucrée est un stimulus que perçoit le goût et qui est reconnu sur la pointe de la langue alors que le fruité se perçoit à l’odorat. Prenons le cas d’une personne grippée et congestionnée à qui on offre une fraise, sans la lui montrer et sans lui dire. Une fois en bouche, la perception sera tactile puisque les fibres nerveuses situées au bout de la langue seront excitées. Si ce n’est la forme et la texture connues de la fraise, la personne ne pourrait dire ce qu’elle a en bouche puisque les arômes du fruit ne peuvent être perçus. Nous avons ainsi isolé le sucré du fruité.

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Une fois remise et guérie, cette personne percevra non seulement la saveur sucrée, mais aussi le caractère fruité, c’est-à-dire aromatique, du fruit. Et ce, par voie rétronasale (Il y a un carrefour où se rejoignent l’arrière-bouche et le nez. En aspirant délicatement de l’air, les arômes du vin ainsi aérés ajouteront une impression de volume dans la bouche). Pourvu que cet arôme soit connu du sujet, il pourra identifier la fraise.

Ainsi donc, tous les vins sont sucrés en jeunesse (lors de la fermentation) puisqu’ils ne peuvent renier leur origine: le raisin. La majorité des vins rouges, en excluant les vins fortifiés et mutés, sont secs. Dans le cas des vins blancs, la plupart sont vinifiées en sec, mais il existe quelques exceptions comme les vins moelleux (Sauternes, Loupiac, Bonnezeaux, etc.) et le Gewürztraminer (un cépage alsacien de faible acidité et riche en sucre).

Exception faite des vins allemands identifiés par le taux de sucre résiduel sur l’étiquette (Kabinett, Spätlese, Auslese, Beerenauslese, Trockenbeerenauslese) et quelques vins avec l’indication « demi-sec ou off-dry », aucune mention, si ce n’est l’appellation d’origine, n’identifie un vin «sucré». Notons que le jargon de la dégustation qualifie ce type de vin de doux ou moelleux.

Fromages et vin rouge ne font pas toujours bon ménage

Le squelette, l’épine dorsale du vin rouge, demeure le tanin. Pour les vins rouges légers et coulants, l’acidité supporte le vin qui gagne à être servi frais, comme un vin blanc. Quiconque veut bien faire paraître un vin n’a qu’à le faire goûter avec du fromage. Il existe d’ailleurs un proverbe qui dit: «acheter du vin sur des pommes et le vendre sur du fromage».

Riche en protéines et en lipides, le fromage constitue une bonne source de vitamines, de matières grasses et de sels minéraux. Il se compose de lait, de ferments et d’assaisonnements. Son goût varie selon les caractéristiques de ces éléments et la méthode de fabrication utilisée.

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La plupart du temps, après le repas, la majorité des gens sert un vin rouge tannique et bien charpenté. Maintenant, le porto a la faveur. Le fromage gomme ces vins à la structure imposante en enrobant le tanin de ses protéines. Le vin paraît alors mince et quelconque.

Pourquoi ne pas marier un vin blanc sec dont l’acidité tranchera ce gras du fromage?

La majorité des vins blancs s’acoquinent mieux avec le fromage. Pensons aux mariages régionaux tels un crottin de chèvre et le Sancerre, qu’on peut très bien remplacer par un sauvignon blanc sec et nerveux; le Munster, un fromage puissant, et le Gewurztraminer, tout aussi flamboyant; les pâtes persillées, au goût sec et salé, et les vins blancs moelleux, gras et sucrés, contrastent tout autant.

Il faut oser puisque non seulement l’accord y gagne, mais le fait de servir un vin blanc en fin de repas rafraîchit en plus de surprendre.

P.-S. Les fromages fermes adorent aussi le vin rouge.

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GOUTTE À GOUTTE

La livraison Vintages du 27 novembre est tout simplement époustouflante. Pour preuve, je recommande les vins suivants cette semaine. Je poursuivrai aussi la semaine prochaine.

Ca’ dei Mandorli Le Donne dei Boschi Brachetto d’Acqui 2009 (Vintages 30536 17,95 $) En mai 2007, j’accompagnais un groupe d’amateurs de vin dans un périple au nord de l’Italie. Étant allé dans le Piémont à plus de dix occasions, j’encourageais alors chacun d’avoir l’esprit ouvert puisque plusieurs spécialités locales demeurent effectivement et malheureusement locales. Le Brachetto d’Acqui est léger avec ses 5,5 % d’alcool et ses odeurs aériennes de fraise. Puisque tout le sucre naturel du raisin n’a pas fermenté, le vin présente une agréable douceur en attaque. Le caractère légèrement effervescent ou frizzante en italien provient de la fermentation et ne constitue pas un ajout de gaz carbonique. Très frais, le vin rouge rosé désaltère efficacement en laissant une fin de bouche bien nette. Tout simplement divin avec un bon chocolat noir. ***(*) $$

Domaine Galévan Paroles de Femme Côtes du Rhône 2007 (Vintages 125930 15 $) Issu d’un grand millésime, ce vin rouge de grande valeur en donne plus que le client s’attend à recevoir pour quinze dollars. Serré et puissant, ce vin a du nerf et fouette vigoureusement le palais. Campé sur une structure racée soutenue par des tanins de velours, ce vin dominé par le grenache voit un beau fruit insistant et persistant au nez comme en bouche compléter l’ensemble. ***(*) $($)

Fattoria dei Barbi Brusco dei Barbi Toscana 2007 (Vintages 673160 13,95 $) Impeccable! Un bon sangiovese de tous les jours un peu évolué en couleur et en odeurs avec des notes de terre et animales combinées à des relents floraux et de fruits rouges. De bonne valeur, l’ensemble est bien équilibré avec des tanins souples et une fraîche acidité. Tenue droite, moyen corsé et longue finale. *** $($)

Allegrini Palazzo della Torre Veronese 2007 (Vintages 672931 25 $) Robe rubis violacé profond et soutenu. Le vin respire intensément un usage judicieux du fût bien intégré dans un fruit (cerise noire) appuyé par des nuances anisées, animales et torréfiées. Cet assemblage de corvina et de rondinella, raisins traditionnels du Valpolicella, et de sangiovese, plus connu pour son rôle prédominant dans le Chianti, a du coffre, de la chair et plein de sève. Substantiel et riche, dense et nerveux, il a été produit un peu comme l’Amarone avec près du tiers des raisins bien mûrs séchés à l’air. Enfin, puisqu’il y a une fin, la finale aromatique persiste et dure plus d’une minute. Aucune hésitation. On décante deux jours avant le service ou on le garde encore cinq ans. **** $$($)

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Taja Jumilla Gran Reserva 2003 (Vintages 539148 18,95 $) Un vin rouge espagnol mûr et parfaitement à point issu d’un millésime torride. Harmonieux, ce vin qui embaume le tabac et le chocolat au premier nez voit les fruits noirs un peu cuits prendre la relève aromatique. Corsé, assis sur des tanins fondus, le vin coule et glisse pour le bonheur des amateurs de vins et de jeux de société ou juste pour le plaisir de siroter un bon vin à point. ***(*) $$

Pour les amateurs de vin blanc

Domaine J. Laurens Les Graimenous Crémant de Limoux Brut 2007 (Vintages 183609 17,95 $) Une mise en garde s’impose à cause de l’imposante et explosive mousse de ce Crémant de Limoux brut. Une gorgée, et le gaz carbonique se déchaîne au palais. Sec, bien vif et franc, il constitue la mise en bouche par excellence. ***(*) $$

Hidden Bench Estate Chardonnay Beamsville Bench VQA 2007 (Vintages 68817 35,20 $) Sortez les meubles; le vin prend toute la place. Riche et ample, puissant et bien frais, le vin respire le beurre et la noisette. Tout le fruit a digéré le bois. Long et minéral, ce chardonnay tiendrait la comparaison qualitative avec d’excellents vins blancs de la Côte de Beaune. Sans le prix! **** $$$

Schloss Schönborn Hattenheimer Pfaffenberg Riesling Kabinett 2008 (Vintages 70946 18,95 $) Yummy! Léger, demi-sec, acidité vive, rond, souple et droit. Tour en harmonie et persistant. La magie allemande qui fait que la demi-douceur d’attaque fait place à une finale vive qui rappelle un vin sec. Que c’est bon! ***(*) $$

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Feudi della Medusa Albithia Vermentino di Sardegna 2006 (Vintages 199224 17,95 $) Tout d’abord, ce vin n’a pas vu le bois. Les amateurs de vins blancs secs puissants et étoffés en ont plein la bouche. Voici un bel exemple d’une robe qui, par ses reflets jaune vert étincelants et son cœur moyennement soutenu, confirme que la substance et le support y sont. Très beau vermentino sec, intense, soutenu et vibrant. **** $$

Sortez des sentiers battus et découvrez ces vins produits avec des cépages moins connus. Vous aurez noté, chers lecteurs, que je laisse aux autres chroniqueurs le soin d’analyser les cabernet sauvignon, merlot, shiraz, chardonnay et pinot grigio. À moins qu’un de ceux-ci ne se démarque singulièrement, je vous invite à découvrir les raisins moins connus sans grand risque puisque j’ai dû embrasser plusieurs grenouilles avant de trouver la princesse. Et dire que plusieurs croient que je m’amuse lorsque je déguste au-delà de cent vins le vendredi matin.

L’évaluation
* : Banal
** : Honnête
*** : Très bien
**** : Excellent
***** : Le 7e ciel
(*) : Équivaut à une demi-étoile
♥♥♥ : Coup de coeur

Les prix
($) : jusqu’à 9$
$ : jusqu’à 13$
$($) : jusqu’à 17$
$$ : jusqu’à 24$
$$($) : jusqu’à 30$
$$$ : jusqu’à 40$
$$$($) : jusqu’à 50$
$$$$ : jusqu’à 70$
$$$$($) : jusqu’à 110$
$$$$$ : plus de 110$

Plus de * que de $, le vin vaut largement son prix.
Autant de * que de $, il vaut son prix.
Moins de * que de $, il est cher, voire très cher.

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Vous pouvez écrire à Alain Laliberté à [email protected]

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