Faire le ménage, aussi dangereux que de fumer

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Produits d'entretien ménager. (Photo: Pxhere)
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Publié 15/06/2018 par Ève Beaudin

Ces derniers mois, vous avez peut-être vu circuler des articles qui affirment que «selon une étude norvégienne, faire le ménage est aussi mauvais pour la santé que de fumer la cigarette.» À lui seul, l’article «Poumons: faire le ménage serait aussi mauvais que fumer 20 paquets de cigarettes» paru sur e-santé.fr, a été partagé plus de 60 000 fois depuis sa publication en février.

20 paquets par jour? Par mois? Dans plusieurs articles de vulgarisation, on dit erronément 20 paquets par année…

E-santé.fr cite une étude de l’Université de Bergen en Norvège, publiée dans l’American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine (AJRCCM), qui indique que l’utilisation régulière de produits nettoyants – par exemple par des femmes de ménage – entraîne des dommages sur les voies respiratoires et pourrait accélérer le déclin de la fonction pulmonaire.

Déclins des fonctions pulmonaires

Après vérification, il s’avère que l’American Thoracic Society (ATS) qui publie l’AJRCCM, est une organisation reconnue et respectée. De plus, l’AJRCCM ne publie que des articles révisés par des pairs, généralement un gage d’intégrité.

Le lecteur ou la lectrice qui prendra le temps d’aller lire l’étude scientifique, disponible sur le web, se rendra compte tout d’abord que son titre est beaucoup plus sobre: «Faire le ménage à la maison ou au travail en lien avec le déclin des fonctions pulmonaires et l’obstruction des voies respiratoires».

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En résumé, voici ce que l’étude conclut:

• Les femmes qui font de l’entretien ménager ou qui utilisent régulièrement des produits de nettoyage semblent avoir un déclin de leur fonction pulmonaire plus important avec l’âge que les autres femmes.

• Chez celles qui font de l’entretien ménager comme travail, ce déclin serait similaire à celui des fumeurs qui fument un peu moins que «20 paquets-années».

Paquet-année… pire que paquet par année

Or, le terme paquet-année contient un piège dans lequel sont tombés la plupart des articles consacrés à cette recherche. En langage scientifique, un «paquet-année», ce n’est pas la même chose qu’un «paquet par année».

«La notion de paquet-année est utilisée par les chercheurs pour comparer des fumeurs de diverses quantités de cigarettes, en prenant également en compte leurs antécédents en termes d’années de tabagisme», précise Marie-Ève Girard, inhalothérapeute à l’Association pulmonaire du Québec. Par exemple, si un homme fume 1 paquet par jour pendant 40 ans, on dira qu’il fume 40 paquets-années.

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«Puisque l’étude parle de 20 paquets-années, on doit donc comprendre que c’est l’équivalent de fumer 1 paquet par jour pendant 20 ans», une quantité beaucoup plus élevée que les 20 paquets par année mentionnés dans plusieurs articles.

Les polluants restructurent nos voies respiratoires

Quant aux effets à long terme, celle qui est également coordonnatrice des soins de santé pour l’Association pulmonaire du Québec n’est pas surprise des conclusions de cette étude menée sur 6235 participants pendant une période de 20 ans.

«À ma connaissance, il s’agit d’une première étude à ce sujet, mais les résultats corroborent ce que nous suspections déjà, c’est-à-dire que les polluants chimiques inhalés restructurent nos voies respiratoires au fil des ans, modifiant ainsi leur bon fonctionnement.»

Les auteurs de cette étude estiment que ce déclin serait attribuable à l’irritation des muqueuses qui tapissent les voies respiratoires causée par des produits nettoyants irritants, comme l’eau de Javel, l’ammoniaque et autres produits présents dans les vaporisateurs et aérosols.

La dose fait le poison

«Comme toujours, c’est la dose qui fait le poison. Un petit fumeur est moins à risque de développer des problèmes pulmonaires qu’un gros fumeur. C’est la même chose avec les produits d’entretien. L’étude précise que ce sont les personnes dont c’est le travail de faire du ménage qui ont des atteintes similaires à ceux qui fument 1 paquet par jour», précise-t-elle.

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Il faut aussi souligner que la comparaison avec la cigarette s’arrête là. «On ne mentionne pas que les produits nettoyants sont cancérigènes dans cette étude, on parle seulement des atteintes aux parois pulmonaires.» Or, on sait que le tabagisme est relié à plus de 85% des cas de cancer du poumon.

Fait étonnant, les chercheurs n’ont pas observé de déclin de la fonction respiratoire chez les hommes. Possiblement dû au fait que les hommes qui font de l’entretien ménager étaient peu nombreux dans l’étude, et que leur exposition à des produits nettoyants était donc différente de celle des femmes.

Auteur

  • Ève Beaudin

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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