Entre deux mots de deux lettres, il faut choisir le meilleur

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Publié 09/03/2019 par Michèle Villegas-Kerlinger

Le dictionnaire français du jeu Scrabble compte 80 mots de deux lettres. Bien qu’un grand nombre de ces termes fassent partie intégrante du français, d’autres sont sujets à caution. Dans cet article, on abordera quelques-unes des expressions fautives.

Pour commencer, voici une petite colle pour tester vos connaissances:

Dans les phrases qui suivent, remplacez les mots en gras par une tournure française. Pour le numéro 5, il y a un petit mot de deux lettres qui manque. Pourriez-vous le retrouver?

1 – Nous examinerons les avantages de l’école publique vs l’école privée.

2 – Ces bonbons peuvent contenir des noix et/ou des produits laitiers.

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3 – Sa mère a peigné sa crinière.

4 – Ça pleut aujourd’hui.

5 – Remets ton travail avant qu’il soit trop tard.

Vs (versus)

C’est via l’anglais que la préposition d’origine latine versus ou Vs est entrée dans la langue française au cours des années 1960. Un mot passe-partout dans la langue de Shakespeare, son usage se limite, en français, au domaine de la linguistique: Masculin vs féminin (mise en évidence d’une opposition binaire).

Pour les autres emplois, le français dispose de nombreuses solutions plus heureuses:

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– La partie Montréal vs Toronto (sport): La partie Montréal contre Toronto ou La partie MontréalToronto (d’autres possibilités: rencontrer, s’opposer, mettre aux prises ou s’affronter).

– L’affaire Dupont vs Dupond (droit): L’affaire Dupont contre Dupond ou L’affaire Dupont c. Dupond.

– Les revenus de 2018 vs ceux de 2019 (finance): Les revenus de 2018 par rapport à ceux de 2019; (d’autres possibilités: contre, au lieu de, comparé à, comparativement à ou en comparaison de).

– École publique vs école privée (alternative ou opposition entre deux notions): École publique ou l’école privée ou École publique et l’école privée (d’autres possibilités: par opposition à, opposé à, contrairement à).

Et/ou

L’expression et/ou, une traduction littérale de l’anglais and/or, bien qu’acceptée récemment par les dictionnaires et l’Office québécois de la langue française, est encore boudée par la langue littéraire ou soutenue.

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En fait, la conjonction «ou» peut être soit exclusive soit inclusive, non seulement en logique et en mathématiques, mais encore dans la langue courante. Donc, le terme peut se limiter à un choix entre deux éléments ou devenir un synonyme du mot «et» comme dans les exemples qui suivent.

Dans ces deux cas, c’est le verbe qui aide à dissiper toute confusion:

– La présidente ou le vice-président viendra rencontrer les candidats. (Un seul des deux se présentera.)

– La présidente ou le vice-président viendront rencontrer les candidats. (Les deux pourront se présenter ou seulement un des deux.)

Si un des sujets est au pluriel, le verbe se met au pluriel, ce qui pourrait semer la confusion:

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– Les deux élèves ou le prof seront présents à la réunion.

Le verbe s’accorde en personne selon une certaine hiérarchie, la première personne ayant préséance sur la deuxième qui l’emporte sur la troisième:

– Toi ou tes amis pouvez venir mardi.

Si le deuxième sujet est entre virgules, le verbe est au singulier puisque le deuxième terme apporte une rectification ou est un synonyme du premier:

– Sa persévérance, ou plutôt sa patience, lui permettra d’obtenir son diplôme.

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– L’ours polaire, ou l’ours blanc, vit dans le grand nord canadien.

Si l’accord du verbe ne réussit pas à éclaircir la question d’exclusivité ou d’inclusivité, le français possède d’autres stratagèmes pour trancher la question:

– Ces bonbons peuvent contenir des noix ou des produits laitiers, ou les deux.

– La tempête apportera de la neige ou de la grêle, ou les deux dans la même journée.

La ou sa?

Lorsqu’il n’y a pas de doute sur l’identité du possesseur, l’article défini remplace avantageusement l’adjectif possessif pour les parties du corps et les vêtements (sauf si ces derniers sont accompagnés d’un adjectif autre que «gauche» ou «droit»):

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– J’ai mal à l’oreille.

– J’ai mal à l’oreille gauche.

Mais: J’ai mal à ma pauvre petite oreille.

Quelques expressions courantes avec l’article défini sont: fermer les yeux, tirer la langue, ouvrir la bouche, perdre la tête, retrouver la mémoire, avoir (donner, faire) mal à, avoir (donner) chaud (froid) à, etc.

De la même manière, les verbes suivants s’emploient généralement avec l’article défini: baisser, fermer, garder, hausser, lever, ouvrir, se brosser, se casser, se fouler, se fracturer, se frictionner, se frotter, se laver, se maquiller, se mordre, se nettoyer, se peigner, se raser, se rincer, se tordre, etc.

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Si le possesseur n’est pas une personne, on dira plutôt:

– J’aime la ville; j’en apprécie la facilité des déplacements.

On emploie normalement le possessif quand le nom désignant la partie du corps est le sujet grammatical:

Ma main est enflée.

Quelques exceptions: La tête me tourne. La main me démange. Les yeux me piquent.

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Quand l’action se fait sur le corps d’une autre personne, on utilise la construction suivante:

– Sa mère lui a peigné la crinière.

Mais: Sa mère lui a peigné sa belle crinière blonde.

Ça ou il?

Ces deux pronoms ne sont pas vraiment interchangeables. Le premier est un pronom démonstratif qui renvoie à un sujet identifiable:

Ça m’énerve. (son comportement, ce bruit, etc.)

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«Ça» se trouve aussi dans quelques expressions figées (Ça va, ça vaut la peine, ça y est, etc.).

Le deuxième pronom est personnel:

Il m’énerve. (ce monsieur, le voisin, mon petit frère, etc.)

ou impersonnel, c’est-à-dire sans sujet identifiable, surtout lorsqu’on parle de phénomènes météorologiques, de lois générales, de contraintes ou d’obligations:

Il pleut aujourd’hui.

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Il est maintenant 8h.

Il faut arriver à l’heure.

Ne explétif

Ce petit mot ne change pas grand-chose à la phrase puisqu’il n’est pas accompagné d’un «pas», ce qui en ferait une négation. On l’emploie surtout à l’écrit, dans la langue soignée, avec des adverbes de comparaison (davantageplusmoinsmieuxmeilleurpiremoindre suivis de que):  

– Elle est plus téméraire qu’elle n’en a l’air.

– Elle est plus téméraire qu’elle en a l’air. 

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Par ailleurs, on peut trouver le ne explétif après certains verbes à l’affirmatif (craindreavoir peurredouterempêcheréviter, etc.):

– Je crains que nous ne soyons en retard.

– Je crains que nous soyons en retard.

On l’utilise également après certaines locutions conjonctives (avant queà moins que, etc.):

– Remets le travail avant qu’il ne soit trop tard.

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– Remets le travail avant qu’il soit trop tard.

Il va sans dire que, si la deuxième partie de la phrase est négative, il faut employer «ne…pas»:

– Je crains que nous ne soyons pas à l’heure.

Le club des cinq

Pour conclure, voici une petite phrase où ces cinq cas sont présents. Sauriez-vous faire les changements nécessaires?

«Ouvre grand tes oreilles: je crains que, si ça pleut encore aujourd’hui, la partie Toronto vs Winnipeg soit carrément annulée et/ou remise à la Saint-Glinglin.»

Auteur

  • Michèle Villegas-Kerlinger

    Chroniqueuse sur la langue française et l'éducation à l-express.ca, Michèle Villegas-Kerlinger est professeure et traductrice. D'origine franco-américaine, elle est titulaire d'un BA en français avec une spécialisation en anthropologie et linguistique. Elle s'intéresse depuis longtemps à la Nouvelle-France et tient à préserver et à promouvoir la Francophonie en Amérique du Nord.

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