Plus d’un et moins de deux

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Publié 20/12/2010 par Martin Francoeur

La langue française n’en est pas à une absurdité près. Des règles de grammaire emberlificotées, et des mots à l’orthographe incongrue nous compliquent parfois l’existence. La palme de l’incongruité revient peut-être à une étonnante règle d’accord du verbe avec les expressions «plus d’un» et «moins de deux».

La logique voudrait que du moment qu’il y a «plus d’une» chose ou «plus d’une» personne, on doive utiliser le pluriel pour le verbe qui suit.

La même chose prévaut pour «moins de deux», qui implique nécessairement qu’il n’y a en fait qu’une seule chose ou une seule personne et qui justifierait l’emploi du verbe au singulier.
Or, il n’en est rien.

Dans le cas de «plus d’un», qui en passant signifie «plusieurs», l’accord du nom et du verbe se fait habituellement avec «un». L’accord se fait donc au singulier même si l’expression fait allusion à un pluriel. Les grammaires considèrent toutes que le sujet est «un» et que le «plus de» qui le précède, bien qu’il ait une importante valeur en ce qui a trait au sens, n’a pas d’impact sur le plan grammatical.

Suivant cette règle, on devra écrire: «Plus d’un mois sera nécessaire pour compléter le projet» ou encore: «Dans cette classe se trouve plus d’un élève qui doit rentrer chez lui en autobus».

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Accord logique?

Certains ouvrages de références admettent tout de même l’accord logique, à condition qu’il soit question d’objets indivisibles. On pourrait donc écrire: «Plus d’une femme parmi mes collègues de travail ont passé un test de dépistage du cancer du sein.»

Bien sûr, on mettra le verbe au pluriel si l’expression «plus d’un» est répétée, entraînant une pluralité de sujets. Comme dans: «Plus d’un sapin, plus d’une épinette ont été abattus pour construire le chalet.» Également, on admettra le pluriel si on utilise un verbe pronominal réciproque – et non réfléchi – comme dans: «Plus d’un candidat se saluèrent à la fin du débat».

La même logique – ou absence de logique, c’est selon – est employée lorsque vient le temps d’accorder le verbe qui suit «moins de deux».

Au lieu de considérer le fait que cette expression implique nécessairement le fait qu’il n’y a qu’un élément du sujet, on s’en remet à l’accord avec «deux». On écrira donc: «Moins de deux mois se sont écoulés depuis la mort de son mari» ou encore: «Moins de deux heures suffiront pour préparer ce dessert savoureux».

L’accord du verbe au pluriel est justifié par le fait que le noyau du sujet est pluriel. On s’en remet donc au mot «deux» dans l’expression «moins de deux». Si cette expression est suivie d’un nom, comme dans «moins de deux heures», il ne serait pas approprié de mettre «heures» au singulier puisque ce mot suit immédiatement «deux». L’accord du verbe repose donc sur cette notion de «noyau du sujet».

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Si j’avais plus d’un million de dollars…

Une difficulté semblable se pose avec l’emploi du singulier dans un nombre supérieur à un mais inférieur à deux. On écrira, par exemple: «Le gouvernement fédéral versera 1,6 million de dollars pour la construction de ce pavillon.»

Le mot «million» demeure au singulier dans un cas comme celui-là. On considère évidemment qu’il y a beaucoup de dollars dans ce 1 600 000, mais le mot million, même s’il est précédé d’un nombre supérieur à un mais inférieur à deux, demeure au singulier.

Un des guides de grammaire du logiciel Antidote nous résume assez bien la règle: «En français, seules les quantités égales ou supérieures à deux prennent la marque du pluriel. L’usage est différent en anglais, où toute quantité exprimée avec une décimale prend la marque du pluriel.» Il faut donc écrire: 1,5 gramme de sucre ou encore 0,5 litre de lait. Mais en anglais, on écrira : 1.5 grams of sugar ou encore 0.5 liters of milk.

Joyeuses Fêtes!

Parlant de sucre et de lait, j’espère que vous profiterez de la période des Fêtes pour manger quelques desserts savoureux…

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Je me permets de vous souhaiter, à vous chers lecteurs – et je sais qu’il y en a plus d’un! – de très joyeuses Fêtes. J’espère que cette période sera l’occasion pour vous de prendre un peu de repos, de passer du bon temps avec la famille ou les amis, de célébrer avec modération.

Je vous retrouverai avec plaisir en 2011.

Auteur

  • Martin Francoeur

    Chroniqueur à l-express.ca sur la langue française. Éditorialiste au quotidien Le Nouvelliste de Trois-Rivières. Amateur de théâtre.

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