Éloge de la Folie

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Publié 20/09/2011 par Gabriel Racle

Il y a 500 ans, en 1511 donc, paraissait un ouvrage qui, malgré son titre badin et ses propos parfois mordants, ou à cause de ceux-ci, allait connaître un grand succès et qui pourrait bien être toujours d’actualité dans notre monde moderne, si l’on veut bien se donner la peine de le lire et d’en retenir l’essentiel. Ce livre, c’est L’Éloge de la Folie.


L’auteur


L’auteur de ce texte satirique est un moine et prêtre d’origine hollandaise, né sans doute à Rotterdam en 1469, ni le lieu ni la date n’en sont connus avec certitude, et dénommé Érasme. Il ne semble pourtant pas avoir exercé d’activités religieuses et il se comporte plutôt comme un homme indépendant, qui voyage souvent et qui écrit beaucoup en latin.


Érasme dédicace son œuvre à son grand ami Thomas More, avec lequel il a beaucoup d’affinités. More (1478–1535), est un érudit, philanthrope, historien, philosophe, humaniste, théologien et homme politique anglais, auteur d’Utopie, qui a comme lui le sens de l’humour froid. Et précisément, l’idée de l’œuvre vient à Érasme en se rendant en Angleterre.


«Ces jours derniers, voyageant d’Italie en Angleterre et devant rester tout ce temps à cheval; je n’avais nulle envie de le perdre en ces banals bavardages où les Muses n’ont point de part. Voulant donc m’occuper à tout prix, et les circonstances ne se prêtant guère à du travail sérieux, j’eus l’idée de composer par jeu un éloge de la Folie.»


La Folie


«Critiquer les mœurs des hommes sans attaquer personne nominativement, est-ce vraiment mordre? N’est-ce pas plutôt instruire et conseiller? Au reste, ne fais-je pas sans cesse ma propre critique? Une satire qui n’excepte aucun genre de vie, ne s’en prend à nul homme en particulier, mais aux vices de tous. Et si quelqu’un se lève et crie qu’on l’a blessé, c’est donc qu’il se reconnaît coupable, ou tout au moins s’avoue inquiet.» C’est ainsi qu’Érasme définit son objectif.


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Et c’est toute l’astuce de cet artifice littéraire. Ce n’est pas Érasme qui critique, mais la Folie, une déesse. 


Érasme est ainsi libre de critiques qui ne sont pas vraiment les siennes, mais celle d’un personnage que l’on peut qualifier de déraisonnable.


N’empêche, ce qui sera dit, écrit, le sera. De plus, choisir la voix d’une déesse, c’est choisir une voix céleste qui se moque d’autres voix divines souvent évoquées ou invoquées.


Et ses critiques


Une des critiques majeures de la Folie concerne cette facilité que les humains ont de croire à toutes sortes de superstitions, de prédictions, de fables, bref la Folie s’en prend à leur crédulité.


Le chapitre XL est particulièrement mordant. La Folie commence à s’exprimer ainsi: «Je reconnais authentiquement de notre farine ceux qui se plaisent à écouter ou à conter de mensongères et monstrueuses histoires de miracles.»


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«Ils ne se lassent point d’entendre ces fables énormes sur les fantômes, lémures et revenants, sur les esprits de l’Enfer et mille prodiges de ce genre. Plus le fait est invraisemblable, plus ils s’empressent d’y croire et s’en chatouillent agréablement les oreilles.»


Et la Folie en mentionne de nombreux exemples: invocations, prières, cierges, croyances. Elle en fait une revue complète et humoristique pour ajouter: «Et de pareilles folies, dont j’ai moi-même presque honte, ce n’est pas seulement le vulgaire qui les approuve, ce sont aussi des professeurs de religion.»


«Si la critique de la crédulité humaine se fait de façon légère, la dénonciation de la religion qui est faite doit être considérée avec plus de sérieux, car les religieux manipulent le peuple, eux, étant plus instruits, ils encouragent l’absence de sens critique du peuple pour mieux le posséder et en tirer profit.» (LeWebPédagogique)


De quelques personnages


Il n’est pas possible, dans un court article, de détailler les personnages dont la Folie se gausse avec humour. Il y en a trop et il faut lire le texte pour en apprécier toute la saveur. «J’arrive à ceux qui se donnent, parmi les mortels, l’extérieur de la sagesse et convoitent, comme ils disent, le rameau d’or.»


Et ce sont les rhéteurs, les jurisconsultes, les dialecticiens, les sophistes, les philosophes, les théologiens, qui sont raillés. 


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«Dignes rivaux des princes, voici les Souverains Pontifes, les cardinaux et les évêques. Ils en sont presque à les dépasser» par leurs richesses, leurs palais, leurs titres.


Actualité


Il est facile de transposer ce texte, toujours actuel. Érasme serait comblé. Les croyances les plus superstitieuses existent, comme la fin du monde le 21 décembre 2012. À la liste de la Folie, on ajoutera des politiciens, qui retournent vers des attributs monarchiques dépassés comme planche de salut.


Et il y aurait tous les abus des religieux et des religions, qui ne reposent que sur des croyances. La lecture de ce texte satirique et humoristique est délicieuse en le replaçant de nos jours

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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