Du sexe, du sexe et encore du sexe

Cette semaine je vous présente un roman, un essai et un rapport d’enquête qui traitent tous de la sexualité. Je commence avec Le Livre des fantasmes qui résume les résultats d’une enquête menée par le docteur Brett Kahr auprès de 19 000 Britanniques prêts à lui dévoiler leurs fantasmes en toute franchise.

Selon ce psychothérapeute, tout le monde, à tout moment de la journée, a l’esprit occupé par des images sexuelles et des désirs inassouvis, inavoués et souvent inavouables.

Qu’il s’agisse d’un jeune trader londonien incapable de jouir à moins de regarder le DVD d’un match de boxe entre deux jeunes Allemandes, d’une bonne mère de famille rêvant de se faire violer par son propre fils, ou encore d’un grand patron obsédé par l’idée de se faire fouetter au cours d’une orgie romaine, les récits consignés par Brett Kahr nous montrent avant tout que le plus puissant organe sexuel de l’humain, c’est le cerveau.

Le Livre des fantasmes aborde des sujets aussi variés que les infidélités, les exhibitionnismes, les fétichismes, les extrêmes violences sexuelles et les fantasmes conjugaux. Au moins 19% des individus interrogés reconnaissent que les fantasmes sont un moyen d’échapper à l’ennui; 21% y voient une sorte d’antidépresseur; et une grande majorité avoue que les fantasmes permettent d’explorer de nouvelles facettes de la sexualité.

Normaux ou anormaux, nos fantasmes ont souvent pour objet quelqu’un ou quelque chose d’autre que nos épouses, nos maris, nos compagnes et compagnons. L’enquête révèle que 25% des Britanniques fantasment sur une ou plusieurs célébrités. Les hommes se livrent plus souvent que les femmes à ce genre de rêverie, les jeunes y succombant davantage.

Le monde des stars éveille souvent l’intérêt sexuel. On se voit dans les bras du prince William, de Robbie Williams, Brad Pitt ou d’Isabelle Huppert, Britney Spears et Catherine Deneuve.

Voici d’autres chiffres révélateurs: 30% des gens interrogés ont des fantasmes à caractère masochiste, 3% ont des fantasmes animaliers et 1% des hommes et des femmes fantasment à l’idée de s’auto-asphyxier dans un but érotique (la strangulation leur procurant un plaisir sexuel).

L’auteur n’hésite pas à affirmer que «nous savons qui partage nos draps – mais connaît-on jamais les pensées qui occupent l’esprit de nos partenaires sexuels?» Brett Kahr est convaincu que les fantasmes sexuels sont parfaitement normaux. Ce psychothérapeute serait même très inquiet s’il devait rencontrer un patient incapable de fantasmer, «car cela pourrait être le signe d’une déficience de l’activité mentale et de graves troubles psychologiques».

Jeux interdits

Les agressions sexuelles suscitent une réprobation générale. Mais sait-on que le quart de ces agressions sont commises par des mineurs? À partir des témoignages de quinze adolescents accusés d’agression sexuelle, Bruno Sioui présente une réalité plus complexe que ce qu’on imagine et redonne leur humanité à des garçons qu’on aurait tendance à voir comme des monstres. Son étude s’intitule Jeux interdits: ces adolescents accusés d’agression sexuelle.

On y apprend que ces garçons ont presque tous fait l’objet de diagnostics similaires: déficit de l’attention avec hyperactivité. Leur inconduite sexuelle vise souvent à réduire une tension et une colère; elles sont parfois reliées à la peur et à l’impuissance. Plusieurs garçons sont issus de milieux où la négligence, les abus physiques/sexuels, les rivalités entre parents divorcés sont monnaie courante.

Persuadés d’avoir vécu des injustices, ces adolescents ont commis des agressions pour régler des comptes. Un coup d’audace pour combler un vide relationnel. Une échappatoire pour contrer l’angoisse et le désespoir. Un plaisir interdit pour compenser un manque de valorisation.

Ignorant presque tout des rapports sexuels, ces quinze ados ont exploré ce qui leur échappait par la voie d’une agression. Ils connaissent mal les lois et distinguent difficilement ce qui est interdit de ce qui ne l’est pas. D’où la nécessité de revoir les programmes d’éducation, voire de rééducation.

Professeur d’abstinence

Dans son tout dernier roman, l’auteur américain Tom se montre fin observateur des mœurs contemporaines. En signant Professeur d’abstinence, il se livre à une radiographie satirique de la société américaine en explorant le vécu spirituel et sexuel des gens ordinaires.

L’action se déroule à Stonewood Heights, banlieue opulente du nord-est des États-Unis. L’endroit semble peu réceptif à l’idée qu’il existe en ce bas monde un plaisir auquel on pourrait lui refuser un accès libre et illimité. À y regarder de plus près, il y a pourtant un petit noyau d’évangélistes qui fréquentent une église appelée Tabernacle de la Vérité évangélique. Ces adeptes traditionalistes voient leur banlieue comme une Sodome offensant le Seigneur par sa seule existence. Surtout par la présence de la professeure d’éducation sexuelle à l’école secondaire, une dénommée Ruth Ramsey.

Pour Ruth, démystifier le sexe constitue un véritable sacerdoce. «Hors de question que ses élèves quittent Stonewood Heights persuadés que la branlette les mènerait droit en enfer…» Dans un de ses cours, elle laisse tomber que certaines prennent plaisir à la fellation. Ce commentaire inoffensif s’avère imprudent et finit par la livrer à une vindicte populaire.

Petit à petit, les puritains gagnent du terrain et Ruth doit réviser ses notes de cours. Mais pourquoi avoir une taille de sylphide si personne ne peut en profiter, se demande l’enseignante. Cette question préoccupe aussi le très charismatique coach de l’équipe féminine de football, ancien rockeur devenu fan du Tabernacle de la Vérité évangélique.

Comme sa fille joue au football, Ruth doit un jour affronter le coach et ce qui commence par un différend finit par se transformer en une puissante voie d’expressions émotives qui se fraie un chemin sous la placide surface de la vie familiale. Le roman devient savoureusement cruel et délicieusement désopilant.

Brett Kahr, Le Livre des fantasmes, essai traduit de l’anglais par Pierre Demarty, Paris, Éditions Grasset, 2008, 400 pages, 34,95 $.

Bruno Sioui, Jeux interdits: ces adolescents accusés d’agression sexuelle, essai, Montréal, VLB éditeur, 2008, 176 pages, 19.95 $.

Tom Perrota, Professeur d’abstinence, roman traduit de l’anglais par Madeleine Nasalik, Paris, Éditions de L’Olivier, 2008, 400 pages, 34,95 $.