D’où je viens et où je vais: table ronde sur l’immigration au Salon du livre

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Publié 15/12/2009 par Annik Chalifour

Jean-Louis Grosmaire, Didier Leclair et Hédi Bouraoui participaient à une table ronde sur le thème Immigration et intégration dans la littérature franco-ontarienne, vendredi 11 décembre, au Café littéraire du Salon du livre 2009. Christine Hernandez, directrice générale de la Fédération des éditeurs canadiens-français (FÉCF), en était l’animatrice. Les trois auteurs, à partir de leurs ouvrages respectifs et leur expérience personnelle, ont échangé quant à leur perception du vécu lié à l’immigration.

Au Canada, je me sens Africain et en Afrique je me sens Canadien, de mentionner Didier Leclair. Ses propos jettent la lumière sur des sentiments partagés parmi nombre d’immigrants, dont la vie oscille entre deux mondes et parfois même plus, qui comportent des valeurs et croyances qui peuvent, à certains égards, s’opposer à l’extrême.

Regard de l’autre

«Pourtant mon pays, c’est définitivement le Canada. Je suis simplement un Canadien avec des valeurs inculquées par une femme d’ailleurs qui m’a élevé, et qui font irrémédiablement partie de qui je suis», ajoute Leclair.

Dans son livre, Ce pays qui est le mien, Didier Leclair raconte l’histoire d’Apollinaire, un médecin qui se voit obligé de quitter son pays ravagé pour se refaire une nouvelle vie. Peu de temps après son arrivée au Canada, Apollinaire fait la rencontre d’un autre réfugié, nul autre qu’un tortionnaire connu dans son pays d’origine.

La quête d’une nouvelle identité se teinte alors d’une question brutale: serait-il plus facile de retourner ou de rester? Plusieurs immigrants font face à cet effarant dilemme, et ce, indépendamment des causes liées à leur immigration respective. Le parcours de chacun, dans sa crise identitaire, reste très individuel.

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«On essaie alors de s’accrocher aux regards qui faciliteront son intégration», dit Leclair. «Parmi ses regards, il y a aussi ceux de sa communauté d’origine, qui représentent un immense défi de détachement…»

Côté passager

Selon Jean-Louis Grosmaire, l’immigration est le point commun de tous les êtres humains. «Tout individu est un migrant. La vie c’est une migration», soutient-il. L’important, «c’est le déplacement, le décalage entre le temps et l’espace qui se fait à l’intérieur de nous-mêmes.»

Le message de Grosmaire rappelle que chacun de nous est appelé à faire son propre cheminement sous-terrain, à traverser sa propre quête d’identité. Le dépaysement identitaire fait partie des incontournables de la vie humaine.

Pour immigrer, il faut un incitatif au départ, une force d’attraction vers un autre côté, qui nous pousse à partir volontairement ou involontairement , selon Grosmaire.

Certains quittent pour oublier, pour effacer, pour finalement tout recommencer ailleurs, à partir de bases intérieures renouvelées. D’autres partent sans avoir le temps de faire leurs valises, «comme un côté passager de la vie, qui nous donne un autre regard sur l’existence et les autres», dit l’auteur.

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«Mon pays est où je suis au moment précis», clame Grosmaire, né en Côte d’Ivoire et ayant vécu nombre d’années au bord du fleuve Sénégal et en Franche-Comté (France).

L’essence avant tout

Qu’est-ce que l’essence de la Méditerranée? Voilà le point de départ qui motive Hédi Bouraoui, originaire de la Tunisie, à créer l’histoire d’Hannibal ben Omer, personnage central de son roman intitulé Cap Nord.

Poussé de l’intérieur, Hannibal doit quitter sa terre natale, la Tunisie. À travers ses périples en Sardaigne, Sicile, en Corse et sur l’île de Crête, il apprend à reconnaître son identité profonde, fondée sur les îles méditerranéennes. Malgré l’Occident toujours prêt à le dominer, Hannibal reste fidèle à lui-même; il sait ce qui fait de lui qui il est, où qu’il soit.

«L’immigration comprend une recherche de soi par rapport à soi; une remise en perspective de soi-même», rappelle Bouraoui.

L’auteur parle aussi du terme «ethnoculturel», en faisant référence aux ghettos constitués de personnes aux noms «étrangers» et qui ne sont pas nées au Canada. Ces ghettos ne sont pas l’expression du véritable multiculturalisme selon Bouraoui.

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Faut-il faire une distinction entre Canadiens qui appartiendraient à un groupe ethnique et d’autres qui n’ont aucune idée de leur ethnie? L’ethnicité fait-elle même partie du concept de l’identité canadienne d’aujourd’hui? «La supériorité ne provient pas du fait que l’on est né dans un pays ou non», affirme Bouraoui.

«Je retrouve ma terre natale partout où je vais», conclut-il, bienheureux dans son essence personnelle.

Auteur

  • Annik Chalifour

    Chroniqueuse et journaliste à l-express.ca depuis 2008. Plusieurs reportages réalisés en Haïti sur le tourisme solidaire en appui à l’économie locale durable. Plus de 20 ans d'œuvre humanitaire. Formation de juriste.

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