Deuxième roman du «Faulkner de la France»

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 12/04/2016 par Paul-François Sylvestre

En juillet 2014, je vous ai parlé du jeune romancier Édouard Louis, 21 ans, qui avait publié un premier roman intitulé En finir avec Eddy Bellegueule. Deux ans plus tard, il récidive avec Histoire de la violence, un ouvrage qui semble tout aussi autobiographique que le premier et qui est qualifié par L’Express (Paris) de «témoignage personnel impressionnant d’agilité». La critique voit déjà en Édouard Louis le «Faulkner de la France d’aujourd’hui».

Avec un titre comme Histoire de la violence, attendez-vous à un roman coup-de-poing. Le sujet se résume en cette phrase: «Il a sorti un revolver et il a dit qu’il allait me tuer; il m’a insulté, frappé, violé.» C’est une histoire polyphonique racontée par Édouard, sa sœur Clara ainsi que ses amis Geoffroy et Didier.

Le soir de Noël 2012, Édouard rentre chez lui après un réveillon chez ses amis et est abordé par Reda, un séduisant immigré algérien. Il l’invite chez lui pour un verre, un échange, un corps à corps chaleureux puis violent.

Édouard échappe à la mort et son agresseur quitte tout bonnement l’appartement. Des démarches policières, médicales et judiciaires s’ensuivent, mais au lieu de réparer la violence, elles la prolongent et l’aggravent.

Pour la police, le mot maghrébin est synonyme de «racaille, voyou, délinquant». Édouard regrette presque d’avoir porté plainte, car son histoire appartient maintenant à la police. «J’étais exclu de ma propre histoire» tout en étant forcé d’en parler.

Publicité

Le récit polyphonique a le mérite d’offrir des points de vue différents sur ce qui s’est passé cette nuit-là et nous permet de comprendre les dynamiques de l’agression et du traumatisme. L’auteur explique comment le pouvoir peut engendrer le mensonge, comment «la haine est un sentiment qui ne peut par nature jamais disparaître, mais seulement passer d’un corps à l’autre».

Le style de l’auteur est assez souvent déroutant, voire déstabilisant. Les phrases peuvent s’étirer sur plus de vingt lignes (environ 200 mots). À mon avis, il manque parfois des virgules, comme dans ce bout de phrase: «votre cousin qui a eu pitié de vous vous vous trompez». Plusieurs phrases sont en revanche bien tournées, comme «Reda il était toujours là, raide comme la justice.»

Édouard Louis aime mélanger le littéraire et le vernaculaire; attendez-vous à lire des répliques comme: «Tu vas le payer, je vais te buter moi sale pédé, je vais te faire la gueule pédale.»

Il lui arrive aussi parfois de digresser un peu trop longuement sur un sujet peu relié à l’intrigue. C’est le cas, entre autres, lorsqu’il raconte l’histoire d’une bande d’ados qui font du cambriolage. On aurait pu facilement couper 50 pages de ce roman pour éviter de telles longueurs.

Le romancier truffe son histoire de propos fort intéressants sur l’amitié, la justice et la guérison. Il écrit, par exemple, que sa guérison est venue de cette possibilité de nier la réalité.

Publicité

«Tout en étant parfaitement aptes à appréhender le monde par le sens et le raisonnement, nous ne sommes pas insérés, rattachés à lui, de la façon dont une partie est inséparable du tout. Nous sommes libres de changer le monde et d’y introduire de la nouveauté.»

L’hebdomadaire Le Point (Paris) a écrit qu’«en notre époque où le plaisir de la littérature semble se confondre avec le malheur des autres, Histoire de la violence est promis à un grand succès». Je n’en doute point.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur