Deux petits points bien alignés

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Publié 20/10/2009 par Martin Francoeur

Les accents, qu’ils soient aigus, graves ou circonflexes, sont fréquents en français. Ils apparaissent dans de nombreux mots, s’emploient dans la conjugaison et, il faut bien l’admettre, provoquent parfois quelques hésitations. Mais il y a un signe diacritique qui est moins fréquent et qui pose autant de problèmes: le tréma.

D’entrée de jeu, rassurons ceux et celles qui se demandent ce qu’est un signe diacritique. L’adjectif «diacritique» signifie «qui sert à distinguer, à caractériser». 

L’emploi est surtout concentré en linguistique, où il qualifie certains signes graphiques que l’on pose sur une lettre pour en modifier la valeur ou pour empêcher la confusion entre homographes. L’accent grave, l’accent aigu, l’accent circonflexe, le tréma, la cédille et le tilde sont parmi les signes diacritiques les plus courants. L’adjectif a été substantivé et on peut employer «diacritique» comme nom masculin.

Prononcer ou taire

En français, le tréma modifie certaines lettres pour deux raisons: il peut soit forcer la prononciation d’une voyelle normalement muette, comme dans maïs, soit rendre une voyelle muette, comme dans exiguë. Dans ce cas, on parle aussi d’un «signe d’effacement».

Autrement dit, on indique au lecteur de ne pas prononcer les lettres «gue» comme le son «gue», mais bien d’effacer le e pour rendre le u bien prononcé.

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Mettons d’abord une chose au clair. En français, une lettre est surmontée d’un tréma et non de trémas. Même s’il y a bel et bien deux points alignés horizontalement, le signe en lui-même, formé de ces deux points, s’appelle «un tréma». Un tréma comprend forcément deux points. On ne mettra donc pas «des trémas» sur une voyelle…

Deux voyelles

On emploie le tréma surtout sur le i, et parfois sur les voyelles u et e. Dans certains mots, comme «archaïque», «maïs», «glaïeul», «coïncider» ou «astéroïde», on remarque clairement que le tréma force la prononciation de la voyelle i, pour éviter des sons normalement créés par la succession de deux voyelles. Il y a une différence entre «mais» et «maïs». Entre «coïncider» et «coin». Entre «astéroïde» et «froide».

Même s’il est plus rare, le tréma sur la voyelle u permet aussi de distinguer la prononciation de cette lettre, comme dans «capharnaüm».

Rare aussi, le tréma sur le e a généralement la même fonction. L’exemple le plus courant demeure celui de la fête de «Noël», mais on retrouve aussi l’État d’«Israël», un «canoë» et quelques mots issus de langues étrangères.

Sur le e ou le u?

Histoire de simplifier l’utilisation du tréma, les rectifications orthographiques de 1990 préconisent l’emploi de ce diacritique sur la voyelle qui doit être prononcée. Cela touche principalement les voyelles qui suivent la combinaison «gu». Traditionnellement, on écrit: «aiguë», «ambiguë», «exiguë», «contiguë», «bisaiguë» et «ciguë».

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Selon les rectifications, on devrait écrire: «aigüe», «ambigüe», «exigüe», «contigüe», «bisaigüe» et «cigüe». De même, «ambiguïté» deviendrait «ambigüité».

Suivant le même raisonnement, on pourrait aussi voir apparaître un tréma dans des mots qui n’en ont pas présentement. Ce serait le cas de «gageüre» et de «rongeüre» pour insister sur le fait que le u doit être prononcé. Exactement comme le fait l’accent circonflexe sur le u dans «piqûre».

Aucune valeur phonétique

Dans certains rares cas, le tréma n’a aucune valeur phonétique. Le mot «ouïe» pourrait très bien s’écrire «ouie» sans que la prononciation ne soit altérée. Dans le cas de «inouï», le tréma vient surtout de l’origine étymologique de ce mot, qui nous rapporte au verbe «ouïr», dont le participe passé fait «ouï».

Enfin, mentionnons qu’on retrouve le tréma dans certains mots d’origine étrangère, comme «troïka», «skaï», «röntgen», «dalaï-lama» ou «balalaïka».

On le trouve aussi dans certains noms propres, notamment dans des prénoms bien français. C’est le cas pour «Michaël», «Loïc», «Gaël», «Ismaël», «Raphaël», «Joël», «Noël», «Isaïe» ou «Ésaü».

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Oui, il arrive que tréma rime avec tracas. Mais il s’agit d’une autre belle particularité de notre langue. Et quand on y pense, c’est fou le pouvoir que peuvent avoir deux simples petits points bien alignés…

Auteur

  • Martin Francoeur

    Chroniqueur à l-express.ca sur la langue française. Éditorialiste au quotidien Le Nouvelliste de Trois-Rivières. Amateur de théâtre.

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