Détruire des pistes cyclables, «c’est ramener nos villes aux années 1950»

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Une intersection modèle. Photo: rapport 2023 de la Ville de Toronto sur les pistes cyclables.
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Publié 20/11/2024 par Émilie Gougeon-Pelletier

Plus d’une quinzaine de bâtisseurs de la capitale fédérale, y compris l’entreprise immobilière Brigil, ont fait part de leur opposition au projet du gouvernement ontarien concernant les pistes cyclables dans une lettre envoyée mardi au premier ministre Doug Ford.

«Nous, les bâtisseurs de la région de la capitale nationale, écrivons afin d’exprimer notre opposition à une loi provinciale qui rendrait plus difficile l’aménagement d’infrastructures cyclables sécuritaires», ont écrit les bâtisseurs dans une lettre adressée à M. Ford, à son ministre des Transports, Prabmeet Sarkaria, et aux chefs des partis d’opposition.

Au cours des dernières semaines, le gouvernement progressiste-conservateur a accéléré le processus législatif pour tenter d’adopter plus rapidement son projet de loi 212, soit la Loi de 2024 sur le désengorgement du réseau routier et le gain de temps.

S’il est adopté, le plan donnera à la province le pouvoir d’éliminer des pistes cyclables existantes et d’empêcher la création de nouvelles artères réservées aux vélos.

Il obligerait les municipalités à obtenir l’approbation de la province pour construire toute nouvelle piste cyclable sur les routes où une voie de circulation automobile serait réduite.

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«En tant que promoteurs, architectes, urbanistes, concepteurs urbains, paysagistes et planificateurs des transports, nous sommes d’avis que cette décision serait préjudiciable à la sécurité, à la santé et au bien-être général des Ontariens», ont écrit les bâtisseurs dans leur lettre où ils exhortent le gouvernement Ford à «reconsidérer» sa décision.

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La piste cyclable qui traverse les rues O’Connor et Laurier à Ottawa. Photo: Étienne Ranger, Le Droit

Moins de stationnements, plus de transports alternatifs

«Dans tous nos projets et tout le travail qu’on fait avec la Ville d’Ottawa, on va dans une direction où on essaie de créer des milieux de vie qui sont beaucoup moins dépendants de la voiture», souligne le vice-président du développement chez Brigil, Jessy Desjardins.

«Ça implique de la planification par rapport à des projets où on a moins de stationnements que de logements. On planifie en se basant sur le fait qu’il va y avoir des pistes cyclables à proximité, et ça fait en sorte que la planification urbaine va être mise énormément à risque si un gouvernement s’impose comme ça», déplore-t-il.

Et lorsque les promoteurs incluent moins de stationnements de voitures dans leurs projets immobiliers en Ontario, c’est notamment parce que le gouvernement Ford l’a permis.

En 2022, le groupe de travail sur le logement commandé par les progressistes-conservateurs a recommandé d’éliminer les exigences de stationnement pour tout développement sur les rues qui ont un service de transport en commun.

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Le dernier projet de loi sur le logement de la province, adopté au printemps, a fait un pas dans cette direction en empêchant les municipalités d’exiger le stationnement dans les développements à proximité des stations de transport en commun.

Jessy Desjardins indique que la construction d’un stationnement peut coûter jusqu’à 500 000 $.

S’il est adopté, le projet de loi du gouvernement Ford sur les pistes cyclables aurait comme effet de «ramener nos villes aux années 1950, après la guerre», craint-il.

Trois pistes déjà identifiées à Toronto

Le gouvernement Ford a déjà promis de retirer trois pistes cyclables sur des voies principales du centre-ville de Toronto, soit les rues Bloor et Yonge et l’avenue University.

La Ville de Toronto estime que la suppression de ces pistes cyclables pourrait coûter 48 millions $.

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Le ministre des Transports, qui a promis que la province paierait pour le retrait de voies réservées aux vélos, a contesté cette estimation, lundi, sans offrir de calcul alternatif.

«Je ne pense pas que cela soit exact», a-t-il déclaré en mêlée de presse, lundi, en évoquant d’autres suppressions de pistes cyclables qui ont coûté moins cher.

Le gouvernement Ford n’a pas encore indiqué s’il prévoyait de supprimer la totalité ou seulement une partie des pistes cyclables identifiées au centre-ville de la Ville Reine.

Il n’a pas non plus identifié d’autres pistes cyclables qu’il aimerait retirer.

Beaucoup d’opposition

Une panoplie d’experts municipaux, commerciaux et en sécurité routière se sont rendus à Queen’s Park, lundi, pour exprimer leur mécontentement à propos du projet de loi 212 lors de la réunion du comité permanent du patrimoine, de l’infrastructure et de la culture.

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«Je peux vous dire que chaque kilomètre de piste cyclable [installé à Ottawa] a été un combat. L’élargissement des routes et les nouvelles routes, les nouvelles autoroutes sont approuvés sans fanfare, mais les pistes cyclables et les sentiers sont toujours contestés», a-t-il noté.

«Pour de nombreuses familles, il ne devrait pas être nécessaire de conduire sur les courtes distances requises au quotidien, mais sans alternative sécuritaire, elles conduisent partout. Elles conduisent leurs enfants à l’école. Elles conduisent pour aller chercher un sac de lait, elles conduisent pour aller chercher leur courrier», a soutenu le conseiller de Kitchissippi, à l’Ouest du centre-ville ottavien.

La loi 212 va ralentir les progrès de la Ville d’Ottawa «en matière d’amélioration de la sécurité routière pour tous», selon Jeff Leiper.

Le député néo-démocrate Joel Harden a confronté le ministre des Transports durant ce comité, au sujet des décès d’Alex Amaro et d’Ali Sezgin Armagan, tués alors qu’ils circulaient à vélo à Toronto.

«Ce que vous dites aux usagers vulnérables de la route, c’est que vous ne vous souciez pas d’eux», a lancé le député d’Ottawa-Centre.

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Ces décès sont «évidemment très malheureux», a répondu Prabmeet Sarkaria, ajoutant que l’idée est de déplacer les pistes cyclables vers les routes secondaires «où c’est plus sûr, où il y a moins de circulation».

municipalités
Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, au 125e congrès de l’AMO au mois d’août. Photos: AMO sur X

Ingérence municipale

Les fonctionnaires municipaux présents à la réunion du comité ont répété que la province empiétait sur des questions qui devraient être réglées au niveau local.

«Quelqu’un croit-il vraiment que la suppression de ces pistes cyclables résoudra le problème complexe de la congestion à Toronto?» a demandé le directeur général de l’Association des municipalités de l’Ontario (AMO), Brian Rosborough.

Le député conservateur Hardeep Singh Grewal a demandé à Brian Rosborough si l’AMO était en faveur du déplacement des pistes cyclables des routes principales vers les rues secondaires.

«Si c’était une bonne idée, les municipalités le feraient sûrement sans intervention provinciale», a répliqué le DG de l’AMO.

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Données

Le ministre des Transports martèle depuis quelques semaines que seulement 1,2% des Torontois se déplacent à vélo.

Or, ce chiffre mentionné par M. Sarkaria fait référence à des données collectées il y a 13 ans — l’année la plus récente pour laquelle des données distinctes sur l’utilisation des vélos par la population torontoise étaient disponibles.

Contrairement aux statistiques présentées par le gouvernement, le cyclisme gagne en popularité lorsque les infrastructures pour les vélos sont construites, ont indiqué les experts présents à la réunion du comité.

Des entrepreneurs torontois ont aussi indiqué que leurs profits avaient augmenté lorsque des pistes cyclables ont été installées près de leurs succursales.

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