Des parents dans tous leurs états!

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Publié 20/04/2010 par Nathalie Prézeau

Il arrive parfois qu’on mette la main sur un livre qui provoque en nous un «aha! moment» (maintenant passé dans la culture populaire grâce à l’omniprésente Oprah). Mindset, de l’auteure Carol Dweck, est l’un de ces livres. Quel parent ne s’est pas arraché les cheveux en se demandant pourquoi leur enfant tant aimé, appuyé dans ses intérêts, intelligent et talentueux refusait de faire les efforts voulus pour utiliser son potentiel? Attention, âmes sensibles à l’égo fragile s’abstenir. Vous y apprendrez que les parents sont souvent, sans le réaliser, la source du problème. C’est une question d’état d’esprit.

«Bébé t’availle»

Suite à ma lecture de Mindset: The New Psychology of Success, j’avais la même impression que lorsque je change la prescription de mes lunettes (je pensais y voir clair, mais il s’avère qu’une foule de subtilités m’échappaient).

M’est revenue une anecdote impliquant ma fille dans son bain quand elle était toute petite. J’ai voulu lui prendre le bras pour le lui laver et elle s’est débattue, franchement exaspérée par mon comportement inconsidéré. «Bébé t’availle», m’a-t-elle dit, puisqu’il faut tout m’expliquer. Sur quoi elle est retournée à son dit travail: l’adhésion de petits poissons de caoutchouc sur la céramique mouillée à la hauteur de ses yeux.

Voilà qui résume l’essence du propos de Carol Dweck, professeure de psychologie à l’Université Stanford. Le travail et le jeu se confondent dans l’esprit des enfants. «Tant que je suis en train d’apprendre à maîtriser quelque chose, c’est le fun et sérieux à la fois, et je veux continuer de jouer/travailler. Prière de me laisser tranquille», nous diraient-ils s’ils étaient plus articulés. Puis les enfants vieillissent un petit peu et ça se met à changer.

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T’es donc bon

Lors d’expériences auprès d’enfants de quatre ans, Carol a constaté que plusieurs petits participants choisissaient de refaire un casse-tête qu’ils venaient de terminer plutôt que de s’amuser à en essayer un nouveau, un peu plus difficile. Elle et son étudiante en doctorat s’interrogeaient sur la différence de réaction des milliers de sujets de tout âge mis dans des situations de défi au cours de leurs expériences. Certains pouvaient accepter la possibilité d’un échec et en profiter pour apprendre de leurs erreurs alors que les autres semblaient obsédés par le besoin de prouver leurs habiletés.

Puis elles ont eu une épiphanie. C’est dans la définition de ce qui constitue une habileté que ces deux types de personnes différaient. Pour les uns, une habileté est innée et c’est à eux de démontrer qu’ils la possèdent (état d’esprit fixe). Pour les autres, une habileté est quelque chose qui se développe (état d’esprit de croissance).

Y’a qu’à regarder le monde du sport pour réaliser à quel point notre esprit collectif croit en la notion du talent inné: «Il a ça dans le sang. C’est un naturel», dira-t-on. Inconsciemment, nous sommes continuellement en train d’évaluer le développement de notre enfant, à l’affût d’un signe qui pourrait indiquer qu’il est «un naturel» en quelque chose. Quand on est sur une piste, on ne lâche plus le morceau. Tout est mis en oeuvre pour couver ce talent.

«Que tu es intelligent! T’as eu un A sans même étudier!», «J’te dis que tu apprends vite, t’es le premier à avoir terminé», «Regarde-moi ça ce beau dessin! Elle tient ça de moi.» L’enfant se voit alors étiqueté sportif, artiste, intelligent, leader. Étrangement, la notion de tout le travail requis pour atteindre la maîtrise se perd en cours de route.

C’est pas ça que j’voulais dire!

Les recherches de Carol ont révélé que 80% des parents affirment qu’il est nécessaire de complimenter leurs enfants pour développer leur confiance.

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Elle a donc élaboré de nombreuses expériences et entrevues avec les enfants pour étudier le message qu’ils décodent en réalité lorsqu’on leur adresse de tels compliments. «Pourquoi est-ce que tu penses que tes parents sont contents quand t’as un beau bulletin?» «Parce que ça montre que je suis intelligent», répondent les enfants de parents à l’esprit fixe. «Parce que ça montre que j’ai bien travaillé», comprennent les enfants de parents à l’esprit de croissance.

L’enfant préoccupé de prouver qu’il est intelligent se demande continuellement (et inconsciemment) comment il sera jugé. Son désir de maintenir son titre d’enfant «intelligent» le pousse à éviter des situations qui pourraient le mettre en péril. Voilà donc le bon écolier qui refuse de prendre des risques; la petite artiste qui ne dessinera que des fleurs (qu’elle fait si bien).

Pour ajouter à la confusion, non seulement on les complimente sur leurs talents mais on les complimente sur les talents qu’ils n’ont pas développés! Voilà plusieurs années que je me tape le récital annuel de l’école de musique de mes enfants (auquel tous les élèves sont tenus de participer). Les bravos fusent pour tous, même pour les gamins qui n’ont manifestement pas pratiqué de toute l’année et font subir au public captif (mais non captivé) leur horrible exécution sans coeur. Qu’applaudit-on? Je sais bien que notre intention est de souligner l’importance de participer. Mais nombre d’entre eux retiennent qu’il est plus important de performer que de pratiquer.

D’autres messages perçus par les enfants à l’esprit fixe et identifiés par Carol et son équipe? Si on ne réussit pas du premier coup, c’est parce qu’on ne «l’a pas» (on n’est pas réellement intelligent, fort, bon en dessin, etc.); le succès, c’est d’être plus talentueux que les autres (avec une telle croyance, pour l’esprit d’équipe, on repassera!) et, plus pernicieux encore, l’effort est pour ceux qui n’ont pas de talent. Arrgh!!!

Focus sur le processus

Mindset nous met sur plusieurs pistes pour développer chez nos enfants et en nous cet état d’esprit de croissance qui donne envie d’apprendre et de s’améliorer. Celui qui nous donne la motivation de fournir l’effort quand les difficultés se présentent.

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D’abord et avant tout, il nous faut nous écouter parler à nos enfants. Lorsqu’on s’entend leur accorder des traits permanents et de les évaluer, reformulons nos paroles afin qu’elles leur envoient le message clair que nous croyons qu’ils sont des êtres en développement et que ça nous intéresse.

Devant le beau résultat d’un test, on s’entraîne à remplacer le «T’es donc ben intelligent!» par un enthousiaste «Wow! T’as vraiment compris comment étudier ton algèbre». Devant le beau dessin de fleur, on remarque le choix intéressant de couleurs, la composition originale. On complimente donc sur le processus. Plus le compliment (qui se doit d’être sincère, ils ne sont pas dupes) porte sur un aspect précis du processus, plus il donne de l’information utile à l’enfant pour continuer son exploration. Quand un enfant raconte qu’il est un champion, on lui explique que les champions sont ceux qui travaillent le plus fort: «Tu es en train de devenir un champion. Demain, raconte-moi ce que tu as fait de plus pour devenir un champion.» S’il raconte combien il a fait mieux que les autres, on le ramène doucement vers la bonne voie avec un «D’accord, mais qu’est-ce que tu as appris?».

Un autre excellent conseil proposé dans Mindset: ne jamais manquer une occasion de relever les situations où nos enfants se sont améliorés grâce à leur persistance. Nous sommes les témoins de leur évolution. «L’an dernier, tu ne tenais pas sur tes patins mais tu t’es pratiqué et regarde comme ça va bien maintenant.»

Si, tout comme moi, vos enfants sont maintenant des grands du secondaire, vous vous autoflagellez probablement pour les avoir «contaminés» de votre esprit fixe. (Dans lequel cas, il vous faudra relire tout cet article sur les habiletés qui sont en continuel développement, n’est-ce pas?)

Pour aider les ados à sortir de l’état d’esprit qui leur donne une vision arrêtée et sans espoir d’eux-mêmes, il nous faut prêcher par l’exemple. Carol Dweck recommande de se détacher de notre jugement pour focusser sur la prochaine action (aussi petite soit-elle) pour améliorer chaque situation. Elle souligne qu’il est vraiment bon de raconter à nos enfants les anecdotes de notre vie au quotidien.

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On oublie de leur raconter ce qu’on a nous-mêmes appris aujourd’hui (répétez après moi «Parents are people too»). On peut leur parler des erreurs qu’on a faites, et des solutions qu’on a empruntées pour s’en sortir.

L’ensemble de ces actions offre des modèles concrets et renforce le message que dans notre famille, on valorise l’apprentissage et la persévérance.

La psychologue est passée maître dans cet art (beaucoup de pratique, voyez-vous). Lorsqu’un enfant participant à ses recherches réussit trop facilement l’un de ses tests, elle s’excuse littéralement de lui avoir fait perdre son temps. «Nous allons te trouver un exercice plus intéressant, afin que tu puisses apprendre quelque chose.»

(Pour lire les blogues en archives, consultez On arrive-tu?. Pour en savoir plus sur le guide de la chroniqueure Nathalie Prézeau Toronto Fun Places, 4th édition, Cliquez ici.

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