Des entrées qui n’en sont pas

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Publié 16/09/2008 par Martin Francoeur

Les vacances sont terminées. La saison estivale a été plus qu’ordinaire mais elle a tout de même permis à la majorité d’entre nous de prendre un peu de répit. Mais puisqu’il faut revenir aux choses sérieuses, alors je reprends du service dans ces pages!

L’été a été bon? Malgré le temps souvent maussade, vous en avez quand même profité? Un grand voyage? De petites escapades? De la baignade? Un séjour à la campagne ou près d’un lac? Un peu de repos en ville, en profitant des événements et des rassemblements estivaux? Peu importe le moyen qu’on trouve pour décrocher, il semble que les vacances nous fassent à tous le plus grand bien.

Pour ma part, je me suis rendu en Nouvelle-Angleterre pour y passer quelques jours. Histoire de renouer avec Boston, probablement ma ville préférée chez nos voisins du sud. Ça devait être la septième ou huitième fois que j’y séjournais et j’y éprouve toujours un grand bonheur. Surtout quand j’y trouve l’inspiration pour une chronique!

En fait, j’aurais pu la trouver n’importe où aux Etats-Unis ou au Canada anglophone. Dans un menu de restaurant.

Je ne m’habituerai probablement jamais à voir les plats principaux qu’offre un restaurant répertoriés dans une catégorie qu’on appelle bêtement, en anglais: «entrées». Et mes parents, qui voyageaient avec moi et qui ont un anglais approximatif, étaient parfois déroutés de voir la consistance de certains mets qu’on proposait en «entrée» et le prix parfois exorbitant qu’on associait à une «entrée»!

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Pourquoi donc appelle-t-on «entrée», directement emprunté au français, un plat qui ne correspond pas du tout à notre notion d’«entrée»? J’ai fait quelques recherches pour trouver que c’est davantage l’évolution de la notion de repas ou de menu qui a entraîné cette confusion.

À une certaine époque, le menu français traditionnel consistait en différents plats, correspondant à autant d’étapes. On commençait par la soupe, puis par les hors-d’œuvre ou le poisson. On enchaînait avec les entrées, comme troisième service. Les entrées, qui précédaient le rôti, pouvaient alors être des plats de boucherie (boeuf, veau, mouton), de porc, de volailles et de gibier, de poisson. Elles pouvaient aussi bien être froides (pâtes froides, viandes froides, quiches, etc.) que chaudes (vol-au-vent, bouchées, timbales, soufflés, etc.).

Le plat de rôti venait ensuite. Le dessert terminait le tout et il arrivait même qu’on trouve un service entre le rôti et le dessert. Cette réalité est encore présente aujourd’hui avec le service des fromages.

On constate donc que les «entrées» étaient en fait le troisième service. C’est vraisemblablement ce qui explique qu’elles soient devenues synonymes de «plats principaux». Et puisque ces plats contenaient généralement des viandes ou des éléments qui pouvaient constituer un plat principal, l’emploi du terme «entrée» allait de soi. Probablement que nos appétits ont diminué pour en venir à modifier ainsi la composition des menus traditionnels et le niveau de consistance qu’on a donné à certains plats qui entrent dans l’élaboration d’un repas complet.

En français, on a conservé le sens selon lequel l’«entrée» précède le repas principal.

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Dans la langue française, «entrée» correspond à ce que les anglophones nord-américains appellent «appetizers» ou «starters». Il ne s’agirait donc pas d’une erreur de traduction mais plutôt de l’interprétation qu’on a faite, au fil des siècles, des étapes successives de la composition d’un repas.

Sur le plan orthographique, il arrive que les restaurants qui offrent des plats principaux qu’ils appellent «entrées» laissent tomber l’accent aigu sur l’avant-dernier «e». Les accents, sur les claviers anglais, sont parfois difficiles à atteindre…

Alors voilà. La table est mise pour une autre série de chroniques dans ces pages. J’espère que vous continuerez à me faire part de vos commentaires et à alimenter la discussion sur le blogue correspondant à cette chronique sur le site web de L’Express. Il me fait toujours plaisir de vous lire!

Auteur

  • Martin Francoeur

    Chroniqueur à l-express.ca sur la langue française. Éditorialiste au quotidien Le Nouvelliste de Trois-Rivières. Amateur de théâtre.

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