Des détaillants de cannabis ne veulent plus du givré

Sentiment d’insécurité

boutique de cannabis
Value Buds sur la rue Queen Est à Toronto. Aucun produit n'est visible de l'extérieur.
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Publié 07/07/2023 par Émilie Gougeon-Pelletier

Elles sont parfois obscurcies, parfois complètement givrées. C’est la loi: les devantures des magasins de cannabis doivent être conçues de façon à pouvoir dissimuler les produits qui y sont offerts à l’intérieur… Mais les règles pourraient bientôt changer.

Chaque fois qu’elle entend la petite clochette annonçant qu’un client vient d’entrer dans le magasin de cannabis dont elle est la gérante, Meech* ressent un pincement au ventre, un sentiment de peur.

Dans cette boutique torontoise pas très spacieuse, un grand mur sépare la fenêtre avant et l’intérieur du magasin.

Ce mur a été érigé afin de respecter la Loi sur le cannabis, qui exige que les produits et les accessoires de cannabis ne doivent en aucun cas être visibles de l’extérieur de la succursale.

Ce règlement a été mis en place principalement afin d’éviter que les enfants puissent voir les produits de cannabis à travers la fenêtre des commerces.

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Or, Meech affirme qu’elle ne se sent pas en sécurité, camouflée derrière la devanture de la boutique, et qu’elle n’aime pas le sentiment d’isolement qu’elle ressent. «Je n’ai pas vécu d’incidents trop épeurants cette année, mais ça arrive, parfois, note-t-elle. Surtout le soir.»

Et elle n’est pas la seule à avoir partagé ces craintes.

boutique de cannabis
Cette boutique de cannabis Giggles est à côté du bureau de la députée fédérale Julie Dabrusin.

Changements à venir?

La Commission des alcools et des jeux de l’Ontario (CAJO) se penche d’ailleurs sur la question de la sécurité, a-t-elle fait savoir au Droit dans un courriel.

Jusqu’au 11 juillet, elle recueille des commentaires sur la visibilité du cannabis et des accessoires de cannabis depuis l’extérieur des magasins et sur les incitations pour les clients à acheter du cannabis.

«Afin de bénéficier du point de vue et de l’expertise des parties concernées, la CAJO dialogue régulièrement avec les principales parties prenantes lorsqu’elle envisage de modifier ses normes», nous a-t-on indiqué.

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Une fois le processus terminé, la CAJO prévoit fournir des informations aux parties prenantes et sur son site Web, si des modifications sont apportées aux règlements.

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Civilian House of Cannabis. Certaines boutiques ne lésinent pas avec la décoration extérieure.

Briser l’isolement

Un mur qui sépare la fenêtre et l’intérieur du commerce n’est pas le seul moyen d’assurer que les règles soient respectées.

Meech se dit envieuse de ceux qui travaillent à House of Bud, une autre boutique de cannabis pas très loin de la sienne, où les employés ont, eux, une vue sur l’extérieur du commerce.

Les dirigeants de ce commerce ont opté pour une fenêtre avant de type «miroir sans tain».

Ainsi, alors que le personnel peut voir ce qui se trame dehors, les gens qui passent devant ne voient que leur propre reflet dans la fenêtre, plutôt que les produits se trouvant à l’intérieur.

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Le gérant, Honoré Prentice, se dit très heureux de pouvoir témoigner de l’énergie qui se trame dans la rue lorsqu’il travaille et de ne pas vivre l’isolement que certains de ses collègues ressentent.

Il dit sympathiser avec les travailleurs des boutiques qui ont choisi l’option de la fenêtre givrée, par exemple. «Ça doit être une préoccupation importante, effectivement, surtout pour les femmes», remarque-t-il.

En Ontario, toute personne qui travaille dans un magasin de vente au détail de cannabis doit réussir un programme de formation approuvé par le conseil d’administration de la CAJO avant son premier jour de travail pour favoriser la vente et la consommation sécuritaire de cannabis.

Certes, cette formation peut aider, mais Honoré Prentice affirme que le fait de pouvoir voir qui s’apprête à entrer dans sa boutique lui donne toujours une longueur d’avance. «C’est un avantage, sans aucun doute.»

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K’s Pot Shop sur la rue Queen Est à Toronto.

L’Alberta forcée à agir

En Alberta, une série de vols impliquant de la violence, et parfois des armes, l’été dernier, a forcé l’Alberta Gaming, Liquor and Cannabis Commission (AGLC) à agir.

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«En réponse à l’augmentation des vols, l’AGLC a modifié sa politique pour s’assurer qu’elle ne contribue pas par inadvertance à cibler ces lieux et à améliorer la sécurité du personnel et du public», a indiqué la commission, dans un courriel.

L’AGLC a supprimé la section du Manuel du magasin de cannabis au détail qui interdit que les produits et accessoires de cannabis soient visibles de l’extérieur.

Impossible de savoir si cette stratégie a fonctionné, toutefois, puisque la commission de l’Alberta dit ne pas pouvoir révéler ces données. «Cependant, l’AGLC continuera de travailler avec les détaillants sur les options pour améliorer la sécurité des magasins et la sécurité du personnel et des consommateurs et minimiser la visibilité pour les jeunes dans la mesure du possible», précise-t-on.

N’empêche, givré, pas givré, les vols à l’étalage sont un phénomène auquel les travailleurs de la vente au détail ne peuvent pas échapper, souligne quant à lui Clay Mazinga, le gérant de la boutique de cannabis Dutch Love.

Il souligne que c’est le genre de situation à laquelle il faut «malheureusement» s’attendre, dans le domaine de la vente au détail, insistant sur l’importance du programme de formation de la CAJO, mais aussi sur le leadership de l’entreprise face à la sécurité de ses employés.

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*Meech a préféré taire son nom de famille et l’entreprise pour laquelle elle travaille afin d’éviter des représailles.

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