Dernier volet d’une trilogie époustouflante

Parti pour la gloire

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Publié 01/08/2006 par Paul-François Sylvestre

Pardonnez-moi un jeu de mot un peu trop facile et permettez que je vous dise que le romancier Yves Beauchemin est parti pour la gloire. Il a créé le personnage de Charles Thibodeau, dit Charles le téméraire, d’abord un décrivant son enfance dans Un temps de chien, puis en racontant son adolescence dans Un saut dans le vide. Cette série romanesque se termine avec Parti pour la gloire qui brosse un savoureux portrait de Charles, devenu adulte mais resté toujours aussi téméraire.

La réputation de Yves Beauchemin n’est plus à faire. Il est un conteur hors pair qui aime plonger ses lecteurs dans des aventures époustouflantes. Le protagoniste de ces aventures est toujours plus grand que nature et Charles Thibodeau n’échappe pas à la règle, loin de là.

Les aléas de la vie ou le mauvais sort ont placé sur son chemin «des crevasses béantes, des forêts inextricables, des rivières pleines de tourbillons perfides». Mais avec une bonne dose de témérité et une grande force de caractère, Charles réussit à surmonter tous ces obstacles. Yves Beauchemin prend plaisir à raconter les dédales de chacune de ces trépidantes courses à obstacles.

Charles écrit pour le journal Vie d’Artistes, mais il ne tarde pas à se rendre compte qu’il fait du sur place. Il lui faut relever un plus grand défi. Aussi, lorsqu’on lui propose de remplir la fonction de biographe de Pierre Péladeau, magnat de la presse québécoise, il saute sur l’occasion. Mais l’effervescence des salles de rédaction lui manquant, il devient journaliste de combat dans un hebdo où il peut défendre les causes qui lui sont chères.

Au lendemain du référendum de 1995, Charles commence à se passionner de politique et finit par accepter de travailler pour le député péquiste de Saint-Henri. Chacun de ces emplois regorge d’événements déchirants, d’incidents cocasses et de drames passionnés. La verve de Beauchemin ne tarit jamais et s’étend avec élégance sur plus de 400 pages.

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Rien de surprenant à ce que l’amour soit le filon principal qui traverse ce troisième et dernier volet de la série «Charles le téméraire».

L’auteur résume bien le dilemme auquel fait face notre protagoniste. «Est-ce que l’amour, le vrai, celui qui soude les âmes et donne l’impression qu’on est l’autre presque autant que soi-même, est-ce que cette chose merveilleuse et incompréhensible disparaissait avec la première jeunesse? Est-ce qu’avec l’âge on devait se contenter de pis-aller, de mauvaises imitations, de caricatures grotesques?»

La réponse à cette dernière question peut sembler évidente, mais le moyen pour y arriver ne l’est pas nécessairement. Les détours demeurent nombreux et Yves Beauchemin excelle dans l’art de les raconter.

Parti pour la gloire est un roman dont la toile de fond est très contemporaine. Une partie de l’action se déroule à l’époque du référendum de 1995, tant et si bien que réalité et fiction font bon ménage.

L’auteur nous apprend qu’Ottawa avait un plan pour faire gonfler le nombre d’électeurs opposés à la souveraineté du Québec. Les attributions de citoyenneté canadienne au Québec auraient augmenté de 87% entre 1993 et 1995, une croissance fabuleuse qui ne s’est jamais reproduite par la suite. Et, c’est chose bien connue, les immigrants votent en faveur du gouvernement qui leur a ouvert les bras.

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Autre fait glissé entre deux envolées romanesques: la circonscription à majorité anglophone de Westmount a vu le nombre de ses électeurs bondir de 16% par rapport à l’élection tenue un an avant le référendum.

Il est beaucoup question de politique, mais le nom des politiciens fédéraux n’est jamais mentionné, exception faite de quelques brèves références à Trudeau. On parle d’un ministre surnommé Flingon et du «premier ministre, dit Flabotte». En revanche, du côté québécois, on mentionne carrément Parizeau, Johnson, Bouchard et Charest.

Au sujet de Lucien Bouchard, l’auteur souligne que la plupart des Québécois s’attendaient à ce qu’il travaille à la promotion de la souveraineté, mais «il se contenta de gérer la province en bon père de famille, soucieux de faire régner l’ordre et le calme, (…) et cherchant avec une belle ardeur à concilier des intérêts inconciliables».

Est-ce que l’auteur affiche ses couleurs politiques? En guise de réponse, voici ce que Beauchemin fait dire au ministre fédéral Flingon: «il faut humilier et même aplatir les Québécois, ces éternels pleurnichards, jusqu’à ce qu’ils courbent l’échine et acceptent de devenir des Canadiens comme les autres! Après tout, c’est nous qui leur faisons une faveur en essayant de les décrotter!»

Une autre page d’actualité présente dans ce roman est le déluge de juillet 1996. Des pluies torrentielles s’abattent sur le Saguenay, des dizaines de municipalités sont privées d’électricité, de téléphone et d’eau potable, 500 maisons sont détruites, des ponts et tronçons de routes sont emportés par le cataclysme, 15 800 personnes sont évacuées et on compte 10 morts. Le roman fait aussi écho à la crise du verglas, survenue en janvier 1998.

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J’ai mis une journée complète à lire les 400 pages de Parti pour la gloire. Au lit, dans mon fauteuil, sur la bicyclette dans le gymnase de mon édifice, j’ai dévoré les 35 chapitres de cette brillante finale d’une trilogie époustouflante.

Yves Beauchemin, Parti pour la gloire, roman, tome 3 de «Charles le téméraire», Éditions Fides, Montréal, 2006, 424 pages, 24,95 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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