La musique, de toute évidence, est faite pour être vue autant qu’entendue. C’était déjà vrai à l’époque des troubadours et des trouvères (les premiers song and dance men de la culture occidentale), mais dans la conception moderne du spectacle musical, tant dans le rock ou le rap que sur Broadway ou à Las Vegas, la dimension visuelle occupe une place de plus en plus importante, notamment grâce à la technologie qui crée une expérience sensorielle totale, alimentant du coup les attentes du public.
Mais si l’industrie du disque donne l’impression, depuis quelques années, de vouloir se convertir en industrie du DVD, il ne faut pas y voir la réponse à un profond besoin d’appréhender la musique par les yeux, mais plutôt une tentative, de la part des compagnies de disques, d’offrir une quelconque plus-value aux consommateurs désormais habitués à la gratuité du produit musical (because le piratage et le téléchargement), et qui ont désormais besoin d’incitatifs additionnels pour dépenser.
C’est dans ce contexte qu’il convient d’aborder les récentes parutions des Charbonniers de l’Enfer et de Daniel Boucher, qui suivent la nouvelle définition d’album double: un CD assorti d’un DVD. Ce n’est pas que le détour visuel soit injustifié, mais il est peu probable que ces récents spectacles auraient été documentés et, surtout, mis en marché à une époque où les ventes de disques suffisaient à faire vivre les artistes – et à remplir les coffres de leurs labels.
Pour l’éminemment charismatique Daniel Boucher, Chansonnier et La Patente /Live (GSI Musique) furent l’occasion de filmer deux tournées qui mettent en valeur ses deux incarnations complémentaires.
Si Chansonnier mise sur l’intimisme d’une approche qui revendique son côté artisanal (une chaise, une guitare acoustique, une voix, à la Félix ou Brassens), La patente est portée par l’énergie (et les clichés, par moments) du show de rock nourri aux hormones, ce qui est tantôt exaltant, tantôt franchement risible.