Dany Laferrière, entre la glace du Nord et le feu du Sud

Visite à la Bibliothèque de Yorkville

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 24/05/2011 par Annik Chalifour

L’auteur renommé, Dany Laferrière, d’origine haïtienne, bien connu au Québec et ailleurs, est venu présenter son livre primé L’énigme du retour, lauréat du Prix Médicis 2009 à la Bibliothèque de Yorkville, jeudi soir 19 mai, dans le cadre des rencontres avec auteurs organisées par les Bibliothèques publiques de Toronto. L’oeuvre de Laferrière, sous la forme de poèmes en prose, reflète son retour en Haïti pour annoncer la mort de son père inconnu décédé à New York, à sa mère restée à Port-au-Prince et qui ne l’a jamais oublié depuis 50 ans.

Des funérailles sans cadavre, où l’auteur ramène l’esprit d’un père qu’il n’a jamais connu, auprès de son patelin d’origine, Barradères, au sud d’Haïti.

Une écriture extrême, maintenue à la pointe de l’émotion surgissante, face à l’insaisissable perte d’un être invisible. Laferrière a offert une brève conférence ponctuée de lectures d’extraits de son recueil, en compagnie du traducteur de son ouvrage, l’écrivain David Homel, devant l’auditoire admiratif.

Bien sûr, étant Québécoise d’origine, je connais Dany Laferrière, mais c’était la première fois que je le rencontrais face à face jeudi dernier. Il m’est apparu à l’image qu’il désire transmettre de lui-même: un homme sans conventions, seul à connaître sa véritable identité intérieure.

Car bien qu’il ait l’apparence d’un Haïtien, Laferrière dans l’âme, est-il Haïtien, Québécois, Français, Américain ou autre? Lui seul le sait… Peut-être est-il comme le personnage énigmatique de son livre? Un homme dont les valeurs oscillent constamment, entre le Nord et le Sud…

Publicité

Un homme isolé devant son identité, qui a cheminé sans repère culturel d’un père. «Il y a une distance fine entre la distance et la mort», confie l’auteur. Pourtant l’absence du père pèse lourd dans le livre de Laferrière; elle remplit toute son écriture…

L’ouvrage propose un périple identitaire, le retour aux racines de l’être, la conclusion ou peut-être le prologue, à la redécouverte de soi. «On a deux vies», clame-t-il. «Celle qui nous appartient (la secrète?); et celle qui appartient à ceux qui nous connaissent depuis l’enfance (la publique?)».

Et peut-être aussi celle qui réside dans les yeux de celui qui nous regarde… «Comme l’immigrant devant l’agent d’immigration, ou le patient devant le médecin», déclare-t-il. «C’est toujours une meilleure posture quand les gens n’arrivent pas à vous définir», dit l’écrivain, non sans ironie.

L’auteur fait par ailleurs référence à la terre d’origine de son père: «Où les choses n’ont pas bougé, comme un ruban sans fin. Où vivre équivaut à se nourrir au quotidien, sans plus. Où l’on part sans laisser de traces, dans une grande discrétion des sentiments.»

Tout au long du récit de l’auteur, on ressent bien sa retenue, presque pudique, son grand sens du respect de l’espace de l’autre face à la détresse: «Le regard futile de ma mère me touche plus que sa douleur… Je sais que mon père existe dans le coeur de ma mère… et moi aussi.»

Publicité

«J’écris pour savoir qui je suis! Je suis là où je veux être!», lance l’écrivain. C’est peut-être ça l’oeuvre de certains artistes: nous faire avancer vers le meilleur de qui nous sommes.

«Il y a des règles dans le monde, parce que nous n’avons pas encore atteint le statut du véritable amour», ajoute-t-il. Or la première règle n’est-elle pas de s’approprier qui l’on est, avant de pouvoir faire la paix avec l’autre?

À l’occasion de la conférence de Dany Laferrière, organisée par Céline Marcoux-Hamade, spécialiste des services en français auprès des Bibliothèques publiques de Toronto, celle-ci s’est vue décerner, jeudi dernier, le prix Jean-Baptiste Rousseau 2011 par la Société d’histoire de Toronto, afin de souligner l’apport inestimable de la lauréate vis-à-vis du développement de la communauté franco-torontoise.

Auteur

  • Annik Chalifour

    Chroniqueuse et journaliste à l-express.ca depuis 2008. Plusieurs reportages réalisés en Haïti sur le tourisme solidaire en appui à l’économie locale durable. Plus de 20 ans d'œuvre humanitaire. Formation de juriste.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur