En 1933, les Éditions Gallimard publiaient La condition humaine d’André Malraux, troisième volet du cycle asiatique, après Les conquérants (1928) et La voie royale (1930). En 2008, les Éditions Flammarion publient, en parodiant le titre de l’œuvre de Malraux, La condition inhumaine – Essai sur l’effroi technologique d’Ollivier Dyens.
Ce n’est peut-être pas le seul rapprochement que l’on puisse faire avec le célèbre auteur français. L’ouvrage de Dyens est aussi le troisième d’une trilogie, après Chair et métal – Évolution de l’home : la technologie prend le relais (2000) et Continent X (2005). Et en abordant la lecture de La condition inhumaine, on a l’impression de se trouver dans un roman de science-fiction, même si l’ouvrage se voudrait du genre philosophique. La condition humaine de Malraux est aussi un roman philosophique, une réflexion sur le sort des humains dans l’univers dans lequel ils se trouvent et leur attitude devant la vie et l’action dans ce que l’auteur a appelé lui-même «une aventure tragique». Mais tout sépare ensuite ces deux auteurs, Dyens prenant le contre-pied de l’humanisme de Malraux.
La condition… inhumaine
Avec La condition inhumaine, le professeur de l’université Concordia de Montréal nous entraîne dans la description d’un univers dont on peut se demander s’il est réel ou s’il relève en effet de la science-fiction. Pour asseoir sa réflexion, l’auteur part de la traduction (un comble!) d’une citation du biologiste français François Jacob dont voici l’énoncé exact: «Le monde extérieur, dont la «réalité» nous est connue de manière intuitive, paraît ainsi être une création du système nerveux. C’est, en un sens, un monde possible, un modèle qui permet à l’organisme de traiter la masse d’informations reçue et de la rendre utilisable pour la vie de tous les jours. On est ainsi conduit à définir une sorte de «réalité biologique» qui est la représentation particulière du monde extérieur que construit le cerveau d’une espèce donnée.» (François Jacob, Le jeu des possibles, essai sur la diversité du vivant, Fayard 1981, p 100-101).
Ainsi le monde extérieur, qui existe réellement, est en quelque sorte un produit de notre cerveau, d’où cette expression de réalité biologique, que l’on pourrait quasiment traiter de réalité virtuelle, si O. Dyens n’en tirait tout le développement évolutif de l’être humain et de ses caractéristiques physiques et communicatives, dont le langage perçu comme une technologie.
La technologie ou mieux les technologies permettent une appréhension de la matière, de l’environnement et construisent la réalité technologique. «L’être humain… existe donc à la fois comme produit de la réalité biologique (comme produit de l’évolution) et comme produit de ce que j’appelle la réalité technologique» (p. 49).