Après avoir publié Le Roman colonial (2000) et L’Homme de paille (1998), deux romans qui avaient des saveurs historiques et/ou politiques, voici que Daniel Poliquin nous offre une 7e création romanesque qui se loge plus à l’enseigne du picaresque, voire du plus pur plaisir et délire d’écrire. L’ouvrage s’intitule La Kermesse, l’action se déroule en grande partie à Ottawa et les protagonistes mènent une vie hors de la mesure, pour ne pas dire carrément débridée. Le lecteur et la lectrice s’amusent gaiement.
La période couverte par le roman s’étend de 1914 à 1934, soit du début de la Première guerre mondiale jusqu’à l’aube de la Seconde guerre mondiale. Le personnage principal et narrateur se prénomme Lusignan. Il affirme dès les premières pages que le folklore de son village lui a appris certaines choses, puis il ajoute: «j’ai inventé le reste du mieux que je pouvais (…) ma mémoire exagère, je sais, mais c’est la seule façon de faire vrai».
Cet homme plus vrai que nature décide de devenir tour à tour journaliste, écrivain et homme d’État. Il franchit les deux premiers échelons aisément car «le conformisme est une voie d’avenir et, de surcroît, pas fatigante du tout». Le troisième échelon reste à voir, et ce même si Lusignan se ment comme toujours et qu’il se pardonne aisément.
Traducteur au Sénat, notre protagoniste devient officier-interprète dans le Régiment d’infanterie légère de la Princesse Patricia. C’est là qu’il rencontre Essiambre d’Argenteuil, un homme qui l’envoûte et à qui il prête «le pouvoir de dissoudre toutes mes insuffisances». Lusignan devient lieutenant et amant d’Essiambre.
Revenu au Canada, il multiplie les aventures avec des femmes mais c’est toujours à d’Argenteuil qu’il pense lorsqu’il jouit seul la nuit. Il sombre dans l’alcoolisme, ne trouve pas d’emploi stable, ne peut même plus dire qui est premier ministre du Canada. «C’est agréable de ne plus savoir ce genre de chose.»