«Tout comme le sexe et la sexualité étaient les tabous de l’époque victorienne, la mort et la mortalité sont les tabous de l’époque moderne.» Voilà ce qu’affirme Caitlin Doughty dans Chroniques de mon crématorium, un récit fascinant sur l’industrie funéraire, une réflexion fort bien documentée sur comment accueillir nos morts plus humainement et comment accepter l’inacceptable.
Pour obtenir son diplôme en études médiévales, Caitlin Doughty a écrit un mémoire sur les sorcières accusées de faire rôtir des enfants morts et de broyer leurs os. Incapable de trouver un emploi relié à l’histoire médiévale, elle accepte de travailler pour Westwind Cremation & Burial, à San Francisco. À 23 ans, «je me retrouvais littéralement en train de faire rôtir des enfants morts et de broyer leurs os».
Chroniques de mon crématorium explique que les gens choisissent la crémation, au lieu de l’enterrement, parce qu’elle donne «l’impression de se débarrasser plus complètement et définitivement du mort». La crémation peut se faire devant témoins et un membre de la famille peut presser le bouton qui déclenche les flammes.
Même si le corps sera incinéré, plusieurs souhaitent le voir une dernière fois. Il y a donc embaumement et maquillage. L’auteure nous apprend que le visage d’une personne morte est proprement horrible selon les critères très fermés de notre culture. «Les yeux restent ouverts, s’affaissent, se voilent se figent. La bouche, béante, rappelle Le Cri d’Edward Munch. La figure perd ses couleurs.» Ce n’est pas ce que la famille veut voir comme dernier portrait du disparu.
Caitlin Doughty décrit diverses techniques pour rafistoler le visage, pour fermer les yeux et la bouche. Au besoin, on utilise des aiguilles et du fil pour fermer la bouche des cadavres. Si cela ne marche pas, il y a toujours «la superglue».