Continental, un film sans fusil: ode à la solitude

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Publié 04/03/2008 par Ulysse Gry

Jusqu’au bout de la nuit. Dans la veine du célèbre roman de Céline, Continental, un film sans fusil nous plonge dans l’isolation et la solitude de quatre québécois ordinaires. Stéphane Lafleur, le réalisateur, nous renvoie sans concessions l’image de notre propre quotidien, à travers un film superbe de sobriété.

Si Continental est bien un film sans fusil, il va droit au cœur, comme une balle. S’y brosse progressivement le sombre tableau d’une société de la solitude, à travers les tranches de vie ordinaires de quatre Québécois qui se démènent pour exister, et qui finalement se recoupent dans leur lente déchéance.

«Mais qu’est-ce tu veux qu’il nous arrive, on ne fait jamais rien.» Nouvel assureur, Louis reçoit cette réponse cinglante de vérité de la part d’un de ses premiers clients, en pleine face, comme un miroir de sa propre existence. Comme lui, les personnages de cette comédie noire souffrent en silence du gouffre d’ennui qui remplit leur vie, monotone, lourde de vide et de solitude.

Dès la première scène on pénètre dans cette atmosphère de nuit, par l’entremise d’un bus abandonné qui transporte un homme endormi, à l’orée d’une forêt obscure et mystérieusement attirante. Sa femme Lucette sera la seule à attendre anxieusement son retour, évitant qu’il ne tombe déjà dans l’oubli, comme un mince espoir, en fait un simple contretemps. «On disparaît pas comme ça, quand même», lâche-t-elle impuissante à l’agent de police lui expliquant qu’aucune enquête ne sera effectuée.

En contrepoint, Chantal, interprétée par la touchante Fanny Malette, est une jeune et souriante réceptionniste qui cherche quelqu’un pour partager sa vie, ou pour tout du moins discuter un peu, de tout et surtout de rien.

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Louis séjourne dans son hôtel, séparé de sa petite famille qui bat de l’aile alors que lui reste cloué à son nouveau travail. Réal Bossé est parfait dans ce rôle, tout en retenue d’intentions refrénées et intérieures.

Cette recherche désespérée du contact avec l’autre est au centre de ce conte des temps modernes: les personnes s’y croisent sans se toucher, alors que leur avenir est fragilement entremêlé et leurs sentiments si proches.

La déformation du relationnel est donc crûment mise à nu, dans un décor d’intérieurs étriqué où la communication se restreint au prisme froid du travail. On évolue entre chambres d’hôtel et plantes en plastique, éclairées par de faibles lumières artificielles.

Quelques images de l’extérieur nous dévoilent bien de paisibles paysages canadiens, mais plongés dans un soir qui ne finit pas et habités seulement par un flot de voitures individualisées.

Explorant les tréfonds des relations humaines, le scénariste et réalisateur Stéphane Lafleur nous livre une vision sans équivoque d’une société cloisonnée sur son vaste continent, servi par une photographie éclatante de sobriété de Sara Mishara.

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Le film, qui connaît certes quelques longueurs et un pathétisme prononcé, saura nous entraîner dans la fuite éperdue de ces quatre personnages vers autrui, et nous révéler leurs difficultés à percer cet immense abcès de solitude. On se confronte alors avec eux à des obstacles qui ne sont bien souvent qu’eux-mêmes.

Les situations sont souvent drôles et éloquentes, comme lorsque Marcel, le quatrième protagoniste, lance un «votre meilleur beignet, s’il vous plaît» à une vendeuse d’une enseigne de restauration rapide, incapable de répondre quoi que ce soit.

Continental, un film sans fusil vise donc juste, et touche au plus profond de soi. Car il parle avant tout de nous, spectateur du film mais aussi spectateur de notre vie.

On ne ressort pas indemne, et c’est tant mieux, d’une telle projection sur grand écran de la vie de tous les jours.

Continental, un film sans fusil, est sorti en salles le vendredi 29 février à Toronto.

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