Clémence est comme nous

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Publié 21/01/2014 par Paul-François Sylvestre

Les fans de Clémence DesRochers se souviennent tous d’Odette et Valentine, toujours au téléphone, de Je vis ma ménopause et des Deux vieilles, pour ne nommer que quelques succès de Notre Clémence, titre d’une biographie que signe Hélène Pedneault avec la collaboration de Danielle Bombardier.

«Clémence, depuis cinquante ans, fait rire, émeut, dépeint, esquisse ses semblables, grossissant les traits, comme dans ses dessins d’enfant, pour chercher du sens. Et tous, mais surtout toutes, se reconnaissent.»

Clémence DesRochers est née le 23 novembre 1933 à Sherbrooke, ville de factries. C’est d’abord là qu’elle observe les gens ordinaires, les femmes effacées, les exploitées. Ce ne sont pas, à vrai dire, des sujets à chansons, mais Clémence compose La vie d’factrie pour dénoncer la condition lamentable des ouvrières dans les usines de coton.

«À coup sûr, il y a une filiation entre Clémence et le Fridolin de Gratien Gélinas […]; l’un et l’autre ont créé des personnages qui disaient des choses énormes sous le couvert de la naïveté la plus totale.» Clémence y ajoute une touche plus poétique qui agit comme baume ou un réconfort.

Formée pour devenir institutrice, Clémence n’enseignera que pendant un peu plus d’un an. Elle étudiera ensuite au Conservatoire d’art dramatique, mais ne complètera pas sa formation. Il n’y a pas de métier taillé à sa mesure. Qu’à cela ne tienne, elle en invente un qui lui permet de n’être rien d’autre qu’elle-même. «Elle n’a jamais eu à suivre la mode, puisqu’elle la précédait, elle la créait.»

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Le spectacle est une chose grave pour Clémence, «pas une chose gratuite que tu fais par-dessus la jambe». Tout en cherchant à faire rire, elle a constamment abordé des sujets riches, de nature à toucher le plus de monde possible. «Je n’ai jamais fait la cute. L’écriture, c’est plus difficile que ça, et faire rire l’est encore plus.»

Les gens parlent d’Yvon Deschamps ou de Claude Léveillée, mais ils se réfèrent à Clémence tout court. Elle n’est pas le genre d’artiste qui développe de grandes théories existentialistes, plutôt l’effet miroir: «Je suis une fille qui ressemble à ben du monde, et ben du monde me ressemble. Je raconte en riant des choses tragiques, les gens se disent “elle est comme moi”.»

Le journaliste Louis-Marie Lapointe a écrit que «l’évangile selon Clémence est simple: les grands malheurs, comme les grands bonheurs, sont quotidiens avant tout, avant d’être politiques, métaphysiques ou cosmiques».

Clémence a toujours parlé ouvertement de l’alcoolisme de son père, a monologué sur sa ménopause, n’a jamais caché son âge, ni ses amours au féminin. Louise Collette est son agent et sa conjointe depuis quarante ans. Avec la chanson Deux vieilles, elle a «voulu chanter l’aspect amoureux et beau de la vie de deux femmes. C’est coast to coast que les gens vont connaître mon orientation sexuelle.»

On doit à Clémence DesRochers plus de quinze disques. Elle a aussi publié presque tous ses monologues et chansons, nombre de poèmes, mais également une pièce de théâtre et des nouvelles. Et on l’a vue évoluer dans des téléséries ou téléthéâtres tels que Les deux valses d’André Laurendeau, La famille Plouffe de Roger Lemelin, La côte de sable de Marcel Dubé, Le pain du jour de Réginald Boisvert et Hyménée de Gogol.

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Parmi les artistes qui ont créé ou interprété des chansons de Clémence, il importe de mentionner Claude Léveillée, Pauline Julien, Louise Forestier, Renée Claude, Fabienne Thibeault et Dan Bigras.

Notre Clémence a d’abord paru en 1989. Cette nouvelle édition a été entièrement revue et mise à jour; elle s’appuie sur des extraits d’articles, d’entrevues et de lettres écrites en l’honneur d’une artiste de grande envergure. L’ouvrage est truffé de témoignages fort émouvants, notamment de Marcel Dubé, Jacques Normand, Michel Tremblay, Yvon Deschamps et Louise Latraverse.

Hélène Pedneault avec la collaboration de Danièle Bombardier, Notre Clémence. D’amour et d’humour, biographie, Montréal, Éditions de l’homme, 2013, 416 pages, 29,95 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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