Chostakovitch: un musicien prodigue et prodige

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Publié 19/09/2006 par Gabriel Racle

Le 25 septembre, le monde musical célèbre le 100e anniversaire de naissance de Dimitri Chostakovitch, ce compositeur russe que l’on a qualifié d’un «des plus grands génies de la musique du XXe siècle» ou même de «Beethoven du XXe siècle».

Dimitri est né à Saint-Pétersbourg et, dès l’âge de 9 ans, sa mère, une pianiste professionnelle, lui donne des leçons de piano. En 1919, il est admis au conservatoire de Petrograd (Saint-Pétersbourg), où il étudie le piano et la composition.

En 1926, à 20 ans, il compose sa première symphonie, dont Nicolaï Malko, chef de l’orchestre symphonique de Petrograd, dit qu’il a «trouvé une nouvelle page de l’histoire de la musique». Reprise dans le monde entier, elle met immédiatement le jeune compositeur sur la scène internationale et lui vaut l’appui de Toscanini, le grand chef italien, qui lui assurera toujours un soutien sans faille.

En 1927, le gouvernement soviétique lui commande une deuxième symphonie, pour commémorer le 10e anniversaire de la Révolution d’octobre. La même année, il obtient la mention «honorable» au concours Chopin à Varsovie. Il crée ensuite des partitions de musique de film et de ballet, ainsi que Le Nez, un opéra d’après l’une des Nouvelles de Saint-Pétersbourg de Gogol.

En 1930, Chostakovitch entreprend son opéra, Lady Macbeth du district de Mzensk, d’après l’œuvre de N. Leskov, romancier et nouvelliste russe, qui sera créé à Leningrad (nouveau nom de Petrograd depuis 1924) en janvier 1934, et de nombreuses représentations seront données jusqu’en 1936, lorsque la Pravda critique férocement l’opéra dans un article intitulé «Le chaos au lieu de la musique». Les représentations sont alors arrêtées, Chostakovitch étant présenté comme un «ennemi du peuple».

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Cette alternance d’exaltations et de critiques caractérise la vie musicale de Chostakovitch sous le régime soviétique. Avec la Symphonie n°5, exécutée en novembre 1937, il revient en faveur dans la propagande artistique soviétique et obtient en 1940 le Prix Staline, pour son Quintette avec piano.

L’invasion de l’URSS par Hitler, en juin 1941, exalte son sentiment patriotique qu’il exprime dans sa Symphonie no 7, Leningrad, qui traduit la résistance russe devant les nazis. L’œuvre sera exécutée en mars 1942 et, en juillet de la même année, Toscanini la dirige pour la retransmettre à la radio afin que des millions d’auditeurs puissent l’entendre. La symphonie devient alors le symbole artistique de la lutte contre le nazisme, aux États-Unis en particulier, où elle sera jouée au moins 62 fois en une seule saison, entre 1942 et 1943.

À la fin de la guerre, la censure visant les artistes devient de plus en plus rigide. La Symphonie n° 9 (1945) vaut à Chostakovitch sa mise au ban de l’Union des compositeurs. Pour célébrer la Libération, Staline attendait une œuvre grandiose à la gloire de l’URSS triomphante. Il n’en sera rien, la Symphonie n° 9 est plus une pièce légère qu’un panégyrique, ce qui provoque la colère du Petit Père des Peuples. Chostakovitch perd alors la liberté de s’exprimer comme il le veut dans sa musique et, en 1948, il est accusé, tout comme Prokofiev d’ailleurs, de formalisme en musique, par Jdanov, président de l’Union.

Staline meurt le 5 mars 1953, le même jour que Prokofiev, et la très relative libéralisation menée par Nikita Khrouchtchev et ses successeurs ne signifie pas la fin des ennuis pour le compositeur. Malgré son adhésion, sans doute de pure forme, au Parti communiste, en 1960, Chostakovitch est critiqué, car il défend avec force les juifs opprimés par le régime. Sa Symphonie n° 13, Babi Yar, créée en décembre 1962, est un exemple de sa critique du stalinisme et du traitement infligé aux personnes israélites, encore inadmissible.

En 1966, Chostakovitch est atteint d’un infarctus cardiaque qui ruine sa santé; il décède le 9 août 1975, après avoir achevé sa dernière page musicale, la Sonate pour alto et piano. En 1953, il avait obtenu le Prix international de la paix. Il laisse une œuvre considérable: 147 opus dont 15 symphonies, 15 quatuors à cordes, 6 concertos, 3 opéras, 3 ballets, 5 sonates.

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«Chostakovitch fut un compositeur pour le moins éclectique, influencé par toutes sortes de courants et de tendances musicales comme le jazz ou la musique traditionnelle russe, s’intéressant aussi bien aux compositeurs de l’avant-garde qu’aux formes d’écritures les plus classiques et les plus traditionnelles», commente Richynet. «Rarement dans l’histoire de la musique un corpus symphonique, étalé sur toute une vie créatrice, ne s’est révélé autant homogène. Si certaines symphonies de Chostakovitch sont plus souvent jouées et enregistrées que d’autres, aucune ne peut être considérée comme «mineure» dans la production de ce compositeur», a dit de lui Maxime Kaprielian, directeur de ResMusica.

Parmi les différents hommages qui lui sont rendus, EMI Classics édite l’intégralité de ses 15 symphonies sous la baguette de Mariss Jansons, et Brilliant Classics sort un important coffret de 27 CD.

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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