Choix très personnel de 3 360 citations

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Publié 02/05/2006 par Paul-François Sylvestre

La citation que vous pouvez lire en première page du journal – «Gare aux cœurs qui se dévorent à distance» d’Andrée Lacelle – a été tirée du Dictionnaire des citations littéraires de l’Ontario français depuis 1960 (DICLOF). Elle figure parmi 3 360 citations extraites de 760 ouvrages écrits par 230 auteures et auteurs. Une telle moisson est rendue possible grâce au travail soigné et méticuleux de Mariel O’Neill-Karch et Pierre Karch.

Ce dictionnaire est une version revue et augmentée d’un ouvrage paru en 1996. Le nouveau DICLOF inclut 30 auteurs de plus et recense 330 titres additionnels. La première édition présentait 2 000 citations; la seconde en a retranché 360 et a ajouté 1 700 nouvelles citations. Les 3 360 citations du nouveau DICLOF sont réparties sous 1 200 rubriques telles que Amour, Enfant, Langue, Mort, Ottawa, Toronto, Sudbury, etc.

Le point de départ du dictionnaire est 1960, mais on ne précise pas l’année d’arrêt. Pierre Karch m’a précisé que le manuscrit a été remis aux Éditions L’Interligne au début de l’été 2005. «C’est dire que nous n’avons retenu aucun livre de 2005 ou de 2006.»

Quand la première édition du DICLOF a paru, j’étais le directeur des Éditions L’Interligne. J’avais donc hâte de voir la nouvelle version, d’examiner sa facture matérielle et de découvrir les nombreuses additions. Comme je suis critique littéraire, je n’ai pas pu m’empêcher de scruter «pointilleusement» la bibliographie des 760 titres.

J’ai évidemment découvert que certains ouvrages brillaient par leur absence. Et cela demeure tout à fait normal, pour deux raisons. D’abord, parce que les auteurs ont «volontairement omis de (leur) corpus les essais qui ne portent pas sur la littérature, les thèses, les ouvrages techniques, scientifiques ou journalistiques, la littérature jeunesse, les contes folkloriques et les légendes, les livres scolaires et les anthologies…». Ensuite parce qu’il n’était pas question pour Mariel O’Neill-Karch et Pierre Karch de retenir TOUS les titres (l’Avant-propos est clair –là-dessus).

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Pierre Karch m’a personnellement confié que «les polars renferment assez peu de phrases citables. C’est l’action qui compte. Pour nous, ce qui comptait, c’était des phrases qui pouvaient servir d’introduction à un sujet de débat.» On pourrait ajouter un sujet de réflexion ou de méditation. Voici deux citations qui illustrent ce parti pris: «La justice ne couche qu’avec les meilleurs avocats.» (Maurice Henrie). «Est-ce que le théâtre peut faire du bien si les acteurs se sont du mal?» (Pol Pelletier).

Ce n’est pas parce qu’un livre a remporté le Prix Anne-Hébert ou le Prix des lecteurs Radio-Canada qu’il figure automatiquement dans les œuvres citées. Ce qu’il faut savoir et ce que l’Avant-propos ne manque pas de souligner, c’est que les citations retenues découlent «de choix personnels, avec tout ce que cela implique d’arbitraire».

Je suis bien placé pour apprécier ce genre de décisions subjectives puisque j’ai dû moi-même choisir les 950 personnes incluses dans les 1 384 éphémérides de L’Ontario français au jour le jour (Éditions du Gref).

Parmi les nouvelles citations du DICLOF 2006, en voici une qui allie poésie, amour et filiation. Elle est de Gaston Tremblay: «Malgré la poésie qui m’habite / malgré ces poèmes qui transpirent / je ne sais toujours pas / trouver les mots / justes / pour te dire / je t’aime… mon fils.» Et celle-ci, très franche, d’Éric Charlebois: «Je suis criblé d’erreurs de jeunesse.»

Je dis qu’elle est très franche, mais les auteurs du DICLOF nous mettent en garde de ne «pas attribuer aux gens de lettres tout ce qui sort de la bouche de leurs personnages. (…) Si certaines citations se lisent comme des proverbes ou des apophtegmes, d’autres gagnent, en effet, à être replacées dans leur contexte pour mieux en dégager l’intention réelle et profonde.» C’est le cas cette citation de Nancy Vickers sur la mort: «Ah! l’horrible beauté de la mort. Du compost pour recommencer la vie; un monde de merde qu’il nous faut -adorer!»

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Avec 3 360 citations, il est presque inévitable de trouver de légers accros. On se demande, par exemple, pourquoi le DICLOF inclut une citation extraite de Le tonneau, de Roger Levac, alors que ce texte a paru dans une anthologie et que les auteurs ont dit avoir volontairement omis les anthologies de leur corpus. Mais je suis sans doute trop -pointilleux.

Mieux vaut conclure en vous laissant méditer sur ces mots de Pierre Raphaël Pelletier (surtout si vous prévoyez faire un usage abondant de citations): «Écrire est un acte de transgression. Plus encore magnifique quand on pratique cette activité en volant le style des autres.»

Mariel O’Neill-Karch et Pierre Karch, Dictionnaire des citations littéraires de l’Ontario français depuis 1960 (DICLOF), Éditions L’Interligne, collection Bibliothèque canadienne-française, Ottawa, 2006, 536 pages, 26,95 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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