Charles Dickens: le sténographe devenu grand journaliste

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Publié 07/02/2012 par Gabriel Racle

«Dire que la popularité de Charles Dickens fut immense est un euphémisme. Tout le monde le lisait: la Reine et ses ministres, le petit peuple et la gentry, toute l’Angleterre en somme, mais aussi les Français, les Américains, les Allemands, les Russes. Et [il faudrait] encore saisir le tacite plébiscite en vertu duquel il devint, malgré les critiques féroces que lui inspiraient bien des coutumes et des institutions de son pays, le chantre de tout un peuple.»

Une biographie

Cette citation provient de l’éditeur d’une rare biographie en français de l’écrivain britannique, publiée à l’occasion du 200e anniversaire de naissance de Charles Dickens, le 7 février 1812, près de Portsmouth, un port du sud de l’Angleterre: Jean-Pierre Ohl. Charles Dickens, Biographie, Inédit, Éditions Gallimard, 320 pages, env. 10 $.

Et, ajoute l’éditeur: «Raconter sa vie, c’est à la fois pénétrer les arcanes d’un créateur incomparable et tenter de comprendre comment les fantasmagories d’un fils de modeste fonctionnaire de province ont pu trouver pareil écho.

C’est aussi aller à la rencontre d’une personnalité complexe, protéiforme, pétrie de contradictions encombrantes, mais toujours animée d’une infatigable énergie.»

En nous inspirant de cette biographie moderne, saisissons donc l’occasion de faire rapidement connaissance avec cet écrivain mieux connu par ses œuvres, souvent lues et relues, que par sa vie.

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Et le lecteur intéressé pourra facilement se procurer ce petit livre pour approfondir ses connaissances.

Un auteur marqué par son enfance

«Toute ma nature fut tellement pénétrée par le chagrin et l’humiliation […] qu’aujourd’hui encore, célèbre, choyé et heureux, j’oublie souvent dans mes rêves que j’ai une femme et des enfants bien-aimés, j’oublie même que je suis un homme, et je retourne vagabonder dans la désolation de cette période de ma vie.» (Charles Dickens, fragment autobiographique)

Les premières pages d’Ohl permettent de comprendre comment la «formation intellectuelle» du jeune Charles et les problèmes sociaux de sa famille en constant déménagement ont eu une influence décisive sur lui, jusqu’à ce qu’il se retrouve «dans le cirage»: à 12 ans, il colle des étiquettes sur des boîtes de cirage dans un entrepôt sordide.

Sa famille est ruinée, son père est jeté en prison pour dettes. Cette période est importante «dans la genèse de son œuvre et dans la constitution de son univers si particulier».

Un auteur se révèle

Le premier texte de Dickens paraît en décembre 1833 dans le Monthly Magazine, et révèle à Dickens qu’il devient «un écrivain, et je suivis ma vocation avec confiance».

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«C’est, écrit Ohl, le début d’un enchantement mirifique autant qu’imprévisible, qui en moins de cinq ans, va faire du pauvre “Mr. Dickens” – cet obscur sténographe malheureux en amour – un journaliste de grand talent, puis un jeune écrivain prometteur, puis un époux comblé, puis, enfin, Charles Dickens, l’écrivain le plus célèbre de son temps.»

C’est «Le miracle de Pickwick», ce feuilleton mensuel, qui lui sert de tremplin, ce «coup d’essai se transformant en coup de maître… un chef-d’œuvre» qui donne à voir comment «le jeune journaliste talentueux est devenu un écrivain de génie».

«Bourreau de travail», Dickens écrit, à la fois pour ne pas sombrer dans l’inaction et pour conjurer les angoisses et les tristesses que la vie lui a apportées.

Il écrit par exemple: «Au milieu de cette peine et de ce chagrin, je me mets à mon livre (Rudge), une puissance bénéfique me fait voir toute l’histoire et me donne de m’y intéresser…»

Une vision sociale

Ce qui relie les romans et contes de Dickens, c’est ce besoin de montrer et combattre avec sa plume les injustices sociales. Il est indigné surtout par les conditions de travail, mais aussi par d’autres injustices.

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Il emprunte à son adolescence les portraits des personnages qu’il met en scène, décrivant ce qu’il a vu, sous couvert de fiction.

Il visite en 1838 les usines textiles des Midlands. C’est son premier grand contact avec l’industrialisation, un contact difficile.

Il écrit à sa femme Kate: «Je n’ai jamais vu une telle masse de saleté, de ténèbres et de misère.» Il est particulièrement sensible au travail des enfants, et aux conditions de vie de tous les travailleurs.

Il écrit au journaliste Edward Fitzgerald: «J’en ai vu assez, et ce que j’ai vu m’a écœuré et étonné au-delà de toute expression. J’ai l’intention de frapper le coup le plus violent en faveur de ces malheureuses créatures; mais je n’ai pas encore décidé si je le ferai dans Nickleby ou si j’attendrai une autre occasion.»

Épilogue

Et il faudrait parler des voyages aux États-Unis, des autres œuvres, des autres succès.

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Ces quelques clés tirées de l’ouvrage de J.-P. Ohl permettent, pour citer un critique, «de mieux découvrir l’auteur et surtout son œuvre dans une biographie vivante, claire, précise, subtile, riche d’enseignements, avec passion et amour», et ne peuvent qu’inciter à poursuivre la lecture facile de cette passionnante histoire biographique.

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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