Cannes 2015: la grande diversion

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Publié 12/05/2015 par Jacqueline Brodie

La terre a tremblé au Népal; on s’entretue au Moyen-Orient; le continent africain saigne. Autant de calamités qui ont récemment monopolisé les médias du monde entier. Cette semaine, changement d’aiguillage. Cap sur Cannes: cinéma, cinéma… Bienfaisante grande diversion.

L’incontournable festival du film, ses chefs-d’oeuvre et ses flaflas, ouvre son Palais et ses dépendances cette semaine. Du 13 au 24 mai, produits d’art et de marché entament, sur les écrans et en coulisse, leur impitoyable compétition. Sur le tapis rouge, les vedettes et les autres jouent, qui la séduction, qui l’exhibitionnisme: élégance et mise en marché, charme et affaires, inévitable mariage de raison.

D’une année à l’autre, même immuable rituel: ouverture avec tambours et trompettes, littéralement! Et c’est la montée à l’assaut des célébrissimes 24 marches du Palais des Festivals.

Solitude du monteur de marches

Ascension vers la gloire ou chemin piégé? Jour après jour, de l’ouverture à la clôture, réalisateurs et interprètes des films en compétitions s’exposent.

Au pied des marches, les photographes cliquent, les badauds commentent. Véritable baromètre de la célébrité populaire que cet espace où il convient d’évoluer avec grâce! C’est en ce lieu que se distinguent les stars des aspirants: chorégraphie savamment exécutée sur le rouge parvis par les vedettes bruyamment saluées par la foule, tandis que les néophytes esquissent quelques pas hésitants sous les regards impitoyables des spectateurs de la rue.

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Prochaine étape: ascension. Impossible de ne pas jouer le jeu quand votre film est en lice pour la Palme d’Or. Et c’est lentement qu’il faut les gravir ces diables de 24 marches!

En haut, élégants dans leur tenue de gala, le président du Festival et le délégué général accueillent l’équipe du film invité. Nouveau mitraillage des photographes – à intensité variable selon la notoriété de la cible – avant l’entrée dans la Grande salle du Palais.

C’est là, tous feux éteints, devant un public de professionnels, de cinéphiles et de notables, que se joue le sort de l’oeuvre présentée, parfois même la carrière de l’auteur. On imagine aisément l’émotion qui l’étreint alors que sa création est soumise au verdict de cette audience bigarrée. L’épreuve du feu!

Une certaine conquête

Nous avons nos vainqueurs de ces olympiques du 7e Art, nos médaillés aussi. Entre autres, Michel Brault (Les Ordres); Jean Beaudin (J.A. Martin photographe); Denys Arcand (Le déclin de l’Empire américain, Les invasions barbares); Atom Egoyan (Exotica, The Sweet Hereafter); David Cronenberg (Crash, Maps to the Stars).

Dans leur sillage, l’incandescent benjamin Xavier Dolan. Réalisateur, acteur, scénariste, producteur, le jeune québécois a fait son entrée à Cannes en 2009. Il y a présenté son premier long métrage J’ai tué ma mère, invité par La Quinzaine des Réalisateurs. Entrée très remarquée. Il venait de célébrer ses 20 ans.

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L’année suivante, second film, Les Amours imaginaires; seconde invitation, cette fois en Sélection Officielle dans la section Un certain regard. Idem pour le suivant en 2012, Laurence Anyways.

Changement de décor en 2013. Son 4e long métrage, Tom à la ferme, sera sélectionné par le Mostra de Venise.

Et enfin l’invitation fébrilement attendue arrive, la Compétition cannoise pour son 5e film, Mommy. Accueilli par d’interminables acclamations lors de sa première projection, le fulgurant Mommy triomphe. Conquis, le jury lui décerne, en partage avec le vétéran et vénérable perturbateur Jean-Luc Godard, les lauriers du Prix du Jury.

Les frères Coen co-présidents

Notre jeune prodige continue son ascension. Cette année, consécration professionnelle. À 26 ans, honneur insigne, c’est en tant que membre du jury que Xavier Dolan officie. Sous la houlette de ses présidents, les célèbres et indissociables frères Coen, il fait partie du distingué aréopage qui attribuera la Palme d’Or et autres Prix.

À ses côtés, trois actrices: la Française Sophie Marceau, également réalisatrice; l’Anglaise Sienna Miller, aussi connue comme mannequin et designer de mode, et Rossy de Palma, chanteuse, danseuse espagnole, artiste plastique, designer, découverte par Pedro Almodovar. La compositrice, musicienne et interprète malienne Rokia Traoré complète ce brillant quatuor féminin.

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Chez ces messieurs, outre les réputés présidents et notre jeune héros: Guillermo del Toro, réalisateur, romancier, scénariste et producteur mexicain aux oeuvres alternant entre féerie poétique et science-fiction ainsi que l’acteur et producteur américain Jake Gyllenhaal.

Pour l’histoire, précisons que Xavier Dolan est le troisième Canadien invité à siéger au prestigieux Jury de la Compétition Officielle, après Michael Spencer en 1980 et David Cronenberg en1999.

Faites vos jeux

Au total, 19 longs métrages parmi lesquels choisir les lauréats de la Palme et des 6 autres récompenses.
Pas de films canadiens en lice cette année. Denis Villeneuve fait partie de la course, mais avec son troisième film américain: Sicario.

La compétition promet d’être rude. Parmi les concurrents les plus connus: Jacques Audiard (Un prophète, De rouille et d’os) présente Dheepan; Nanni Moretti (Habemus Papam) présente Mia Madre; Matteo Garrone (Gomorra) revient avec Il Raconto dei racconti; Paolo Sorrentino (La Grande Bellezza) présente Youth; et Gus Van Sant (Elephant, Milk) fait un retour attendu avec The Sea of Trees.

Ô Canada

Âmes patriotiques, ne craignez point. Nos films sont là. Leurs auteurs illustrent le talent de la prochaine génération de réalisateurs canadiens.

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La Semaine de la Critique, tête chercheuse du Festival, présente le premier long métrage du réalisateur ontarien Andrew Cividino, Sleeping Giant.

La Quinzaine des Réalisateurs a sélectionné Bleu tonnerre, court métrage des Québécois Philippe David Gagné et Jean-Marc E. Roy.

Autre présence et non des moindres, Les Ordres, le magistral film de Michel Brault (Prix de la meilleure réalisation au Festival de Cannes 1975, ex aequo avec Section spéciale de Costa-Gavras) est présenté en version restaurée dans le prestigieux volet Cannes Classics.

Et n’oublions pas le Marché, où 645 films canadiens étaient présentés l’an dernier. Gageons que ce record sera battu.

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