Boire de l’alcool pour tuer les microbes?

Le mécanisme par lequel la consommation d'alcool préviendrait le rhume est encore mal compris... si même ce serait vrai.
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Publié 21/12/2020 par Kathleen Couillard

Covid ou pas, réapparaît avec chaque saison froide «la» solution pour combattre le rhume, à laquelle bien des gens aiment croire: prendre un verre d’alcool, qui tuerait le microbe.

Propriétés désinfectantes

L’éthanol, c’est-à-dire l’alcool contenu dans les boissons alcoolisées, a des propriétés désinfectantes reconnues. Il est notamment utilisé dans divers produits servant à nettoyer les surfaces et la peau.

L’éthanol peut tuer des bactéries, des champignons microscopiques et des virus.

Selon l’organisme américain de surveillance des maladies (CDC), son action antimicrobienne proviendrait de sa capacité à «dénaturer» les protéines.

L’éthanol causerait aussi des dommages aux membranes cellulaires des microbes. De là à croire qu’il pourrait aussi tuer les virus à l’intérieur de notre corps, il n’y a qu’un pas…

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Concentration

Le premier problème est que, pour éliminer les microbes, l’alcool doit être présent dans une concentration de 60 à 90%. En bas de 50%, l’activité désinfectante de l’alcool diminue rapidement.

Rappelons que, selon Éduc’Alcool, la concentration moyenne d’alcool dans une bière est de 5%, et dans un verre de spiritueux de 40%.

Temps

Le deuxième facteur à considérer est la durée d’exposition des microbes à l’alcool. Selon des études qui évaluaient l’efficacité de différents désinfectants pour les mains, ce genre de produit met environ 30 secondes pour tuer les rhinovirus ou l’influenza présents à la surface de la peau.

Toutefois, lorsqu’on consomme de l’alcool, celui-ci est dirigé en quelques secondes vers l’estomac et ne reste donc pas très longtemps en contact avec le pharynx, l’endroit où le système digestif et le système respiratoire se rencontrent.

De plus, ces virus s’installent dans des régions des voies respiratoires qui ne sont pas accessibles aux boissons alcoolisées, notamment les muqueuses nasales, les sinus et le larynx.

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Fumeurs

Quelques études ont tenté de démontrer que l’alcool pourrait prévenir les infections respiratoires, à défaut de les éliminer.

Pour une recherche publiée en 1993 dans l’American Journal of Public Health, des sujets ont été infectés volontairement avec différents virus causant le rhume et les chercheurs ont noté que ceux qui buvaient davantage d’alcool développaient moins de symptômes.

Mais bizarrement, c’était vrai seulement chez les non-fumeurs: la méthodologie de l’étude incluait en fait beaucoup de variables, pour un minuscule groupe contrôle (26 personnes).

Vin rouge

En 2002, une autre équipe a voulu savoir si c’était le cas des personnes exposées naturellement au rhume.

Ils ont donc demandé à 4287 participants de remplir un questionnaire sur leur consommation d’alcool et de noter dans un calendrier la présence et l’intensité de leurs symptômes.

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La quantité totale d’alcool n’a pas été associée à une réduction des épisodes de rhume, quoique, bizarrement là aussi, les amateurs de vin rouge semblaient davantage protégés que les buveurs de bière.

Boire souvent

Ces deux études associaient la prévalence des rhumes à la quantité d’alcool consommé, sans tenir compte de la fréquence de cette consommation.

En 2012, des chercheurs japonais sont arrivés à la conclusion que la consommation fréquente d’alcool serait associée à une diminution des rhumes. Dans leur cas toutefois, leurs sujets consommaient plus de bière et de spiritueux que de vin.

Dans tous les cas, il faut rappeler que la plupart des médecins s’entendent sur le fait qu’une consommation élevée d’alcool peut avoir des effets négatifs sur la santé.

Verdict

L’alcool contenu dans les boissons alcoolisées ne peut pas tuer les microbes responsables du rhume ou de la grippe.

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Un débat se poursuit quant à la possibilité qu’il réduise le risque de développer des symptômes, mais les études sont peu nombreuses et même ceux qui défendent cette hypothèse admettent que le mécanisme est encore mal compris.

Auteur

  • Kathleen Couillard

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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