Biographie de Lucille Teasdale, docteure Courage

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 31/10/2007 par Paul-François Sylvestre

XYZ Éditeur dirige la collection Les Grandes Figures et publie des récits biographiques de Canadiens et Canadiennes qui se sont distingués dans leur champ d’activité. Le dernier-né de la collection s’intitule Lucille Teasdale: docteure Courage, un récit émouvant qui porte bien son titre.

En 1950, rares sont les femmes qui se spécialisent en chirurgie. Selon Lucille Teasdale, jeune Montréalaise, les femmes étaient pourtant faites pour la chirurgie, «c’était un travail féminin, comme la couture». Elle opte donc pour cette spécialisation, même si des collègues lui disent qu’«aucune femme ne confiera la vie de son enfant à une chirurgienne».

Au cours de ses études, Lucille Teasdale rencontre l’Italien Piero Corti qui entend pratiquer la médecine en Afrique. Piero se lie d’amitié avec Lucille et la convainc de faire un stage en Ouganda avec lui. En 1961, il lui écrit: «Je veux cheminer dans la vie avec toi à mes côtés, je veux que tu sois à mes côtés à l’hôpital, dans ma maison, dans ma voiture, dans mon lit, vivre avec toi le reste de ma vie.» Le couple s’épouse le 5 décembre 1961 en Ouganda.

Lucille parle le français et l’anglais, elle apprend l’italien, puis l’acholi, la langue des Ougandais du Nord. «Elle travaille vite avec précision, dirigeant l’orchestre des infirmières avec le savoir-faire d’un véritable maestro». Elle soigne tout, de la malaria aux maladies infantiles, en passant par les blessures infligées par des éléphants et des lions.

Dans le Nord de l’Ouganda, Piero Corti gère un petit hôpital de 40 lits. Il sollicite des contributions de sa famille et de ses amis en Italie, des gouvernements et des ONG. Son pays lui fournit beaucoup de matériel, de ressources et de jeunes diplômés. En 1973, le couple obtient 240 000 dollars du gouvernement canadien et ouvre l’école de formation en soins infirmiers de Lacor. Il s’agit de la première école ougandaise en nursing à l’extérieur de Kampala.

Publicité

Après une douzaine d’années de travail continu et intense, le couple réussit à transformer le petit hôpital de 40 lits en un centre hospitalier de 205 lits, un laboratoire, un service de radiologie et deux dispensaires. Puis c’est le chaos. De 1971 à 1979, l’Ouganda est plongé dans un règne de terreur sous la dictature d’Idi Amin Dada. «Le pays jadis connu dans le monde entier comme la perle de l’Afrique gisait en lambeaux.»

Lucille et Piero réussissent tant bien que mal à sauver les meubles, mais leur mission est constamment perturbée par des soldats qui s’affrontent jusque sur les terrains de l’hôpital, voire dans les salles de traitements, à la recherche de frères ennemis et de pétrole. Après la chute du régime dictatorial, le couple multiplie les efforts et crée une salle de 90 lits destinés aux enfants, une salle de 50 lits pour les patientes du service d’obstétrique et de gynécologie, une salle de 66 lits pour les patients en chirurgie et un abri pour les membres des familles qui allaient s’occuper d’eux.

Au début des années 1980, le VIH fait son apparition et les sidéens sont nombreux à se présenter à l’hôpital. Ils donnent à cette maladie le nom de «slim» ou maladie de la minceur, à cause de l’apparence squelettique des victimes en phase terminale. «Lucille voyait désormais bien plus de deux cents patients par jour à la clinique externe et elle pratiquait également beaucoup plus d’interventions que d’habitude». Lucille Teasdale devient docteure Courage.

Il arrive souvent que les gants de docteure Courage se déchirent durant une chirurgie et qu’elle doive en enfiler jusqu’à trois ou quatre paires au cours d’une même opération. Lucille Teasdale se coupe et s’infecte sans le savoir. Sa santé commence à dépérir. Son mari l’amène à Londres où tous deux subissent des tests. Les résultats sont donnés en quatre mots: «Lucille, séropositive; Piero, séronégatif».

L’annonce de cette nouvelle sème la consternation au sein de la famille de Lucille et Piero. Tous ne cessent de se répéter: «Comment une personne qui aide tellement de gens peut-elle mériter ça? C’est tout simplement injuste.» Résolue à aider ceux qui ont besoin d’elle tant que sa santé le lui permettra, docteure Courage reprend le travail avec une ardeur renouvelée. «Son sens du devoir confine à l’héroïsme», écrira son mari. Aussi, l’Organisation mondiale de la santé décerne-t-elle à Lucille et Piero son prestigieux prix Sasakawa d’une valeur de 100 000 dollars.

Publicité

En 1991, Lucille Teasdale reçoit l’Ordre du Canada. Sa santé est de plus en plus fragile et un journaliste lui demande combien de temps elle pourra encore rester en Ouganda. Elle répond: «Piero ne peut pas vivre sans hôpital. Je ne peux pas vivre sans Piero. Tirez vos conclusions. Ça répond à votre question?»

Lucille Teasdale est décédée le 1er août 1996, son mari meurt le 20 avril 2003. Ils sont tous deux enterrés près de l’hôpital de Lacor, à l’ombre d’un frangipanier.

Deborah Cowley, Lucille Teasdale: docteure courage, récit biographique traduit de l’anglais par Hélène Rioux, Montréal, XYZ Éditeur, coll. Les grandes figures, no 48, 2007, 198 pages, 18 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur