Bijou papal, 
thriller pontifical

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Publié 11/08/2009 par Paul-François Sylvestre

Avignon est le siège de la papauté de 1309 à 1378. La ville accueille tour à tour les papes Clément V, Jean XXII, Benoît XII, Clément VI, Innocent VI, Urbain V et Grégoire XI. Lors du couronnement de Clément V, la tiare tombe par terre et une émeraude de cinq cents carats se détache. Elle disparaît. À jamais! On la cherche encore sept cents ans plus tard. C’est du moins le sujet du thriller pontifical de Claude Mossé, L’Émeraude du Pape.

Qui s’est emparé de la fabuleuse émeraude? Mystère! En 2009 des hommes liés à des sociétés secrètes – Nouveau temple, Opus Dei, sectes en marge de la franc-maçonnerie – décident de retrouver ce joyau auquel on prête des pouvoirs surnaturels. Quelques indices recueillis au fil du temps suffiront-ils pour mettre la main sur cette émeraude exceptionnelle? Chacun s’y emploie, mettant tout en œuvre: meurtres, vols, intrigues…

Tout au long du roman, on apprend que l’émeraude disparue revêt des propriétés qui en font un objet de convoitise incommensurable. Elle protégerait celui qui la détient de «tous les périls auxquels un homme peut être exposé». Qui la possède est «assuré de vivre longtemps, de ne manquer ni de pain ni de vin, de n’avoir jamais à connaître échec ni humiliation». Cette émeraude, parmi les plus grosses et les plus pures inventoriées, «aurait le don de protéger son détenteur de toute influence maléfique, de lui assurer santé, fortune et longue vie».

L’émeraude du pape Clément V pesait près de cinq cents carats. De toute évidence, le bijou aurait «des propriétés miraculeuses» et «le pouvoir de faire gagner à son possesseur toutes les causes, même les moins avouables». Inutile d’ajouter qu’on lui prête d’étonnantes vertus… aphrodisiaques. Un voile plane néanmoins sur cette émeraude.

Pourquoi? Parce que ceux qui accomplissent les miracles deviennent des saints, alors que ceux qui croient à certains pouvoirs surnaturels sont depuis des siècles accusés de sorcellerie.

Pendant trois cents pages, des clans s’opposent et ne reculent devant rien à Avignon, mais aussi à Rome, New York, Genève, en Irlande, au Vatican où s’enchaînent les rebondissements et les coups de théâtre. L’ouvrage entremêle allégrement l’actualité et le passé, personnages réels et héros de fiction, tout en respectant la vérité historique. Il est question tantôt de la Banque Ambrosiano et de ses scandales, tantôt de la bibliothèque vaticane où des documents de trois siècles ont disparu des rayonnages.

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Le roman est écrit dans un style alerte, voire frondeur. Un des personnages mis en scène par Claude Mossé est un journaliste à la retraite. «Une arme sur la tempe l’aide à vaincre ses réticences.» Il découvre qu’un des nombreux chasseurs de l’émeraude papale est «aussi bon tireur que discret étrangleur». Le lecteur ne s’ennuie pas à jouer l’enquêteur, même en faisant une pause en compagnie du poète François Pétrarque. Mais «un enquêteur qui s’inspirerait d’un poète n’aurait guère de chance d’aboutir».

Le romancier excelle dans l’art d’étayer son récit de petites phrases lapidaires. Il écrit, par exemple, que «la vérité d’un ecclésiastique n’est pas nécessairement celle du commun des mortels.» Au Vatican, note-t-il, «la corruption tenait lieu de fiscalité.» Pour nombre de prélats, ajoute-t-il, «accumuler les conquêtes féminines jusque dans un monastère trappiste n’était pas de nature à déplaire au pape d’alors.» Commentant la mort suspecte de Jean-Paul 1er, l’auteur écrit que, «au Vatican, les enquêtes policières n’aboutissent jamais.» Plus loin, il laisse tomber que «les religieux ont une meilleure connaissance des kalachnikovs que des textes sacrés!»

À Rome, il y a la Via de la Conciliazone qui mène jusqu’à la place Saint-Pierre. L’auteur fait-il un jeu de mot en écrivant que «le Vatican, nul ne l’ignorait, avait une expérience historique de la combinazione. Les prélats romains cultivent la technique de l’opacité, celle qui laisse une large place aux délices des rumeurs, voire à la félicité de l’imagination. Roman réussi!

Claude Mossé, L’Émeraude du Pape, roman, Monaco, Éditions Alphée, 312 pages, 24,95 $

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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