Un beau matin de la rentrée littéraire, les libraires d’une grande ville reçoivent 10 romans publiés chez autant d’éditeurs, mais ayant tous le même titre, Notre pain quotidien, et étant tous signés F. S. Ces 10 bouquins forment les 10 tomes d’un seul et unique roman couvrant quelque trois milles pages. Voilà qui suscite tout un émoi dans le milieu littéraire. L’émoi se transforme en panique lorsque deux des éditeurs sont assassinés. Ainsi commence le roman Le Musée des introuvables, de Fabien Ménar.
L’auteur met en scène des personnages truculents, telle cette Clotilde qui «manie les mots comme un tireur d’élite» et qui «sait planter le point final dans les flancs de (…) fainéants». L’un d’eux est son coloc qui s’adonne à des «concerts en rut majeur». Le patron de Clotilde est le libraire Édouard Masson qui ne lit jamais: «la littérature ne m’importe que pour autant qu’elle me rapporte. Engranger des profits est ma seule et unique motivation.»
Le plus coloré des personnages, à mon avis, est le lieutenant Le maître qui jure dans le décor d’un poste de police. Il consigne ses réflexions dans un carnet de moleskine et elles prennent souvent une for-me assez littéraire, dont voici deux exemples: «quand un éditeur meurt, un manuscrit veille; là où la poésie s’arrête, l’éternité est perdue; une littérature vit des œuvres qu’on ne lit pas».
Mais ce qui distingue Lemaître de ses collègues, c’est le fait qu’il demeure un grand praticien du subjonctif. Ses questions sont ainsi formulées: «ne craignîtes-vous jamais qu’un ennemi acharné ne se détachât du lot?» Et quand on lui demande s’il parle toujours comme ça ou s’il ne cherche pas un peu à épater la galerie, il répond: «comment parlé-je?»
Méthodique, le lieutenant Le maître suit toujours une même démarche. Il préfère la délicatesse aux intimidations, la prévenance aux baffes, le subjonctif aux chantages. Il donne des livres à ses employés et exige un rapport de lecture… sans faute.