Bell annonce d’autres projets pour mieux faire accepter son achat d’Astral

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Publié 11/09/2012 par Lia Lévesque (La Presse Canadienne)

à 09h24 HAE, le 13 septembre 2012.

MONTRÉAL – Bell et Astral ont eu droit à un barrage de questions de la part du président et des conseillers du CRTC, lundi, alors qu’ils y présentaient leur projet de transaction, d’une valeur de 3,38 milliards $.

Voyant que le projet d’achat d’Astral Media par Bell suscite un vent d’opposition, venant notamment des concurrents Québecor et Cogeco, Bell a lancé devant le CRTC de nouvelles idées, lundi, visant à rendre la transaction plus attrayante aux yeux des consommateurs et, si possible, aux yeux du CRTC.

Le président et chef de la direction de Bell et de sa société mère BCE, George Cope, a ainsi proposé de lancer une sorte de Netflix canadien, c’est-à-dire un service offrant une vaste gamme de films canadiens et internationaux provenant des services de télévision payante d’Astral, comme Super Écran, The Movie Network et HBO Canada. Le service offrirait des films en français et en anglais, dont Bell-Astral détiendrait les droits. Et le service serait offert par l’intermédiaire des cablôdistributeurs ou fournisseurs de signaux satellite à tous les Canadiens.

Bell a aussi proposé de lancer un «tout nouveau service national de nouvelles en français» qui serait établi à Montréal. M. Cope n’a pas parlé d’une «chaîne» de nouvelles, comme RDI ou LCN, mais bien d’un «service» de nouvelles.

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Jacques Parisien, vice-président directeur et chef de l’exploitation d’Astral Media, a donné quelques détails sur ce projet, qui ressemble davantage à une mise en réseau des employés existants, ainsi que des actifs existants.

«Astral a 84 stations de radio. On a au-dessus de 125 journalistes à travers le Canada, qui vont continuer à travailler et ramasser de l’information, particulièrement locale pour les communautés que nous desservons, parce qu’au niveau de l’information nationale, on a des services qui fournissent l’information. On a des représentants sur les collines parlementaires et on va maintenir cette position-là. Les stations de Bell et d’Astral mises ensemble, ça va juste augmenter notre rayonnement au niveau de l’information et notre potentiel pour faire un bon travail sur l’information», a-t-il résumé.

Ce service serait financé à même la somme supplémentaire de 41 millions $ que Bell s’est engagé à ajouter aux «avantages tangibles» de la transaction. Ces «avantages tangibles» représentent une somme qu’un acquéreur doit s’engager à verser pour financer du contenu canadien innovateur. Ils sont calculés en fonction du montant de la transaction. Bell devait consacrer 200 millions $ à ces «avantages tangibles», mais M. Cope s’est engagé lundi à y consacrer plutôt 241 millions $.

Ces annonces surprises de M. Cope ont fait dire au président du CRTC, Jean-Pierre Blais, qu’il «sortait un lapin du chapeau» lors de l’audience, en ne respectant pas le processus habituel. Il s’est demandé si une telle façon de faire «aidait à la sérénité de notre processus public».

M. Parisien a répliqué en disant que «pour moi, ce ne sont pas des lapins. C’est juste la conclusion normale de mettre les deux entreprises ensemble, ce qui s’est fait après l’annonce et après le dépôt, mais on en parlait depuis l’annonce. Mais c’est aussi, pour moi, une très bonne nouvelle pour nos employés, qui ont suivi la campagne médiatique dénigrante contre Astral et Bell, à qui on avait dit ‘quel bel acheteur, quelle belle nouvelle’. Et là, tout à coup, on voit le ‘build-up’ incroyable négatif sur Bell et Astral.»

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«Propagande intéressée»

L’audience de lundi a également permis à Bell de riposter à sa façon à la campagne publique qu’ont lancée Québecor et Cogeco contre la transaction Bell-Astral.

M. Cope n’y est pas allé par quatre chemins.

«Ces entreprises ont mené une vigoureuse campagne de désinformation et ont utilisé le nom et la marque de Bell de manière inappropriée, a-t-il dit. Elles ont fait appel à leurs vastes réseaux de propriétés médias pour diaboliser la transaction, jusqu’à un niveau absurde. Québecor, l’exploitant de médias le plus puissant au Québec, et Cogeco, qui a ses propres actifs médias et a échoué dans sa tentative de faire l’acquisition d’Astral, sont deux entreprises qui préféreraient voir cette transaction bloquée plutôt que de faire face à plus de concurrence. Nous sommes persuadés que le Conseil voit que cette campagne n’est qu’une forme de propagande intéressée.»

Il a assuré que la transaction était dans l’intérêt du public canadien, qu’elle ne diminuerait en rien la diversité des voix. Les dirigeants de Bell et d’Astral ont également soutenu qu’ils pourraient ainsi mieux faire face à la concurrence américaine, particulièrement menaçante au Canada anglais.

Par cette transaction, Bell veut aussi obtenir davantage de contenu pour ses diverses plateformes médiatiques.

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M. Cope a précisé que si la transaction était entérinée telle quelle, la part de l’auditoire francophone détenue par des chaînes appartenant à Bell atteindrait 24 pour cent, comparativement à 30 pour cent pour Québecor. Pour l’auditoire anglophone, la part combinée atteindrait 33,5 pour cent.

Bell devra cependant se départir de stations de radio situées dans le Canada anglais, afin de respecter les règles concernant la propriété commune de stations de radio dans le même marché.

M. Cope a aussi tenu à rassurer les Québécois en soulignant le fait que les décisions continueraient d’être prises à Montréal.

Fait à noter, bien que l’audience ait lieu à Montréal et porte notamment sur l’importance de préserver les emplois au Québec et les centres décisionnels au Québec, l’audience se tient principalement en anglais.

PKP dénonce «l’arrogance» de Bell

Le président de Québecor, Pierre Karl Péladeau, n’y est pas allé de main morte, mardi devant le CRTC, dénonçant ce qu’il a appelé l’arrogance de Bell, sa domination dans les médias et le nombre effarant de précédents qu’il demande pour pouvoir se porter acquéreur d’Astral Media.

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M. Péladeau en a appelé au souci pour la démocratie, en comparant l’importance qu’aurait l’entreprise à celle de Mediaset, le conglomérat de Sylvio Berlusconi en Italie.

M. Péladeau a soutenu que si le transaction Bell-Astral proposée était acceptée, le Canada deviendrait l’un des pays ayant le taux de concentration les plus élevés dans le champ de la radiodiffusion. Il a revendiqué carrément le rejet pur et simple de la transaction proposée.

Bell, de son côté, a affirmé que l’achat d’Astral Media permettra une plus grande concurrence sur le marché francophone québécois, qui est dominé par Québecor. L’entreprise soutient également qu’elle possèderait, à la suite de la transaction, 33,5 pour cent du marché télévisuel anglophone et 24,4 pour cent du marché francophone.

Rogers et Telus

Rogers s’oppose à la transaction, à moins que le CRTC n’oblige Bell à se débarrasser de certains de ses services télévisuels de langue anglaise. Tout comme BCE, Rogers possède un important empire médiatique et des télécommunications qui lui fait concurrence dans plusieurs marchés importants, dont l’Ontario, l’Alberta et la Colombie-Britannique.

Il y a quelques années, Rogers a été en mesure d’acquérir plusieurs chaînes de télévision conventionnelles de CityTV, incluant la chaîne principale du groupe, à Toronto, chaînes sur lesquelles BCE voulait mettre la main lorsqu’il a acheté Chum il y a quelques années. Le CRTC a jugé que BCE aurait dû se débarrasser des stations de CityTV afin d’obtenir l’approbation pour la transaction concernant Chum.

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Le géant canadien des télécommunications Telus a demandé jeudi matin au CRTC de bloquer l’acquisition proposée d’Astral par Bell. L’entreprise de Vancouver a expliqué au CRTC que de permettre à Bell de prendre encore plus d’ampleur serait néfaste pour ses rivales et pour les consommateurs.

Telus a ajouté que Bell a déjà refusé ou compliqué l’acquisition des droits sur le contenu de différentes plateformes comme les appareils mobiles, les ordinateurs et la télédiffusion.

Telus a prévenu que des mesures additionnelles seraient nécessaires pour empêcher Bell de profiter de sa position de force sur le marché si la transaction est autorisée.

Opposition du syndicat des médias

Mercredi, le Syndicat des communications, de l’énergie et du papier (SCEP), l’un des plus importants syndicats des médias au pays, a déclar à l’organisme fédéral de réglementation que la concentration des médias au pays avait de graves conséquences.

Au dire du vice-président du syndicat Peter Murdoch, la concentration des médias, en plus de réduire la diversité et d’affaiblir la concurrence, a réduit les possibilités d’emploi dans le domaine de la création de contenu. Voilà pourquoi, dit-il, le SCEP s’oppose à l’entente.

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Si le CRTC approuve la vente, il devrait s’assurer que Bell renforce la programmation originale de nouvelles locales, a ajouté M. Murdoch.

«Vous pourriez l’approuver, cependant, si les preuves qui vous sont présentées établissent que la vente bénéficierait de façon significative et sans équivoque aux Canadiens et au secteur de la télédiffusion, et si ces avantages dépassent les graves inquiétudes qu’a soulevées la proposition, particulièrement pour le secteur de l’information et des nouvelles locales.»

Selon M. Murdoch, le CRTC devrait exiger de Bell des investissements de 43,5 millions $ dans la production de nouvelles à la radio et à la télévision.

Le syndicat soutient également que depuis 2008, CTV a fait disparaître 24 pour cent de ses postes en télévision, incluant 233 emplois depuis l’achat de CTV par Bell. Astral a de son côté réduit ses dépenses en nouvelles radio de 8 pour cent depuis 2008, a ajouté M. Murdoch.

Appui conditionnel de l’ACTRA

L’ACTRA, un syndicat qui représente des artistes de partout au pays, appuie la transaction, mais sous certaines conditions.

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La présidente du syndicat, Ferne Downey, a déclaré que l’ACTRA s’en remettait au CRTC pour s’assurer que Bell ne possède pas plus de 35 pour cent du marché anglophone pour que des médias canadiens concurrents puissent continuer de voir le jour.

«Si vous faites cela, nous sommes prêts à appuyer cette transaction, a-t-elle dit. Mais pas sans hésitation.»

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